Trente-six heures!
Les voici passées, et la nuit inexorable est venue rendre Ià peu prêt impossible toutes les opérations.
Estimons encore cependant, contre toute espérance!2 heures 30 du matin
l'amiral Bellue vient d'arriver à bord d'un torpilleur. Les tentatives de renflouement vont reprendre à trois heures.

M. Chéron déclare que si la position du submersible est exactement repérée, on va pouvoir passer les chaînes pour le soulever.
Heures d'angoisse Calais, 27 mai.
Toute la nuit et toute la journée, c'est en vain que tout a été mis en oeuvre pour ramener le Pluviôse la surface. Voici les angoissantes péripéties de cette journée

2 heures 50
On sait seulement que te submersible est coulé par vingt-deux mètres de fond et que le reflux ne l'a pas déplacé. Le ministre de la marine, arrivé à 1 h. 20 A Calais, s'est immédiatement fait conduire Il la gare maritime, où il a interrogé les officiers du torpilleurs, ainsi que MM. Dupendant, commandant du port; Epinay, ingénieur des ponts et chaussées; Salomon, commandant du Pas-de-Calais, sur la situation exacte du Pluviôse.
Séance tenante, l'amiral Boué de Lapeyrère décidait de se rendre sur les lieux du naufrage, et à 1 h. 45 le Champion appareillait ayant à bord, en plus du ministre, une vingtaine de personnes. Une drague, Les Riddons, se trouvait placée juste à l'endroit ou disparut le Pluviôse. En présence du ministre, il a été procédé au repèrement du Pluviôse. L'amiral Bellue dirigeait les opérations.
Trois scaphandriers sont descendus, mais ils n'ont rien rencontré. Le Pluviôse, emporté par le courant, avait été déplacé.
L'AMIRAL DE LAPEYRERE TELEGRAPHIE A M. BRIAND
4 heures
Le ministre de la marine télégraphie au président du conseil
Calais, 27 mai, 4 heures du matin. Le Pluviôse a été coulé par 22 mètres de fond par paquebot Pas-de-Calais, marchant à Ia vitesse de 18 nœuds.
J'ai fait explorer la coque du sous-marin par des scaphandriers. L'abordage a eu lieu dans de telles conditions que je ne conserve pas d'espoir de trouver l'équipage vivant.
Le paquebot aperçut le périscope à une vingtaine de mètres sur son avant et fit machine arrière, sans parvenir à éviter le choc, qui fut si violent qu'on doit supposer le sous-marin crevé.
4 heures 30
Apres une nouvelle descente, les scaphandriers ont découvert le navire, qui reposait sur vingt-deux mètres à marée haute à dix-sept d marée basse, un scaphandrier a réussi et amarrer un filin destiné à soulever plus tard l'épave, mais le courant très fort à cet endroit du Pas-de-Calais, empêche de faire mieux et d'avantage. On ne peut travail!er qu'une heure et demie sur six, à cause des courants, ce qui rendra le renflouement extrêmement difficile et lent.
5 heures
A cinq heures un scaphandrier a fait une nouvelle plongée au fond. Quand il a I remonté, il a déclaré qu'il n'avait rien pu reconnaître par suite de la brume. Un deuxième se met d l'eau sans plus de succès.
6 heures
Deux contre-torpilleurs, L'Escopette et la Durandal. plus un dock de Dunkerque, les torpilleurs Yatagan, Grenadier et Tourbillon. de Cherbourg, se trouvaient hier, comme par hasard dans les parages de la catastrophe, ainsi qu'une puissante drague, le Champion et le Calaisien, remorqueur de Calais. les appareils pour l'emploi éventuel de l'air comprimé ont été envoyés de Cherbourg à bord du Harpon 1 et du torpilleur 229 et sont arrivés. Deux docks à torpilleurs viennent d'arriver de Dunkerque. On attend de Cherbourg la gabarre Girafe, avec des appareils nécessaires au relevage, ainsi que le remorqueur Loiret
Le ministre remontant à bord. déclare ne conserve aucun espoir sur le sort de l'équipage. L'enquête à laquelle il s'est livré depuis son arrivée le confirme dans son opinion que le Pluviôse a été crevé par l'avant du Pas-de-Calais.
Le malheureux bateau a été pris par le travers arrière au moment où il venait ds terminer ses exercices par une plongée profonde et remontait tranquillement la surface. C'est par une fatalité dont personne n'est responsable qu'il a rencontre à ce moment l'avant du Pas-de-Calais, lequel marchait d une vitesse de dix-huit nœuds, a eu vite fait de crever la double cloison du submersible. 8 heures
Le ministre et M. Chéron, suivis de l'amiral Bellue. de MM. Trépan, préfet du Pas-de-Calais ̃ Richemon, sous-préfet de Calais; Salembier, maire; Simonnet et Demajot, ingénieur en chef de Cherbourg se sont rendus à la station de sous-marins où se trouvait le Ventôse et les submersibles frères du Pluviôse. Le ministre est monté sur le Ventôse, il l'a exploré avec les mêmes scaphandriers qui avaient recherché ce matin l'emplacement du Pluviôse. Il leur a fait préciser les parties du navire qu'ils avaient cru découvrir et celles qu'ils devaient reconnaître dans leur descente prochaine.
Puis ils sont allés au bassin de radoub où le paquebot abordeur est entré aux fins de réparations.
Là le ministre a pu se rendre compte des avaries causées au paquebot et se faire une idée peu près exacte de celles produites au Pluviôse.
Le gouvernail du navire abordeur a été repoussé par la collision sur bâbord et faussé. Une partie de l'étrave a été faussée et repoussée sur tribord. On constate des éraflures de quelques mètres sur tribord d l'avant du navire, d'où il résulte qu'après l'abordage, le sous-marin a dû passer à tribord du paquebot. Le ministre a interrogé en personne les hommes d'équipage du Pas-de-Calais qui Etaient de veille au moment de la catastrophe. L'un d'eux a raconté qu'il avait aperçu soudain, à vingt mètres en avant du navire, comme, une longue planche, qu'il prit pour une bouée. Vous ne saviez pas ce que c'était qu'un périscope, lui a demandé le ministre ?
ce qui prouve, a conclu le ministre, que les sous-marins ne s'amusent pas d attaquer les paquebots, sans quoi les équipages connaîtraient les périscopes.
9 heures
A neuf heures la situation est sans changement.
Les scaphandriers ont exécuté de nombreuses plongées, mais ils n'ont obtenu aucun résultat.
La drague Dunkerquoise est arrivée Dunkerque, amenant des scaphandriers, des câbles et du matériel, qui ont été immédiatement envoyés sur les lieux de la Catastrophe.
M. Chéron dans les familles des victimes
9 heures 30
Le ministre est reparti sur les lieux du sinistre. Il a chargé M. Chéron de se rendre dans la matinée auprès des familles des victimes de Calais, au nombre de douze, afin de leur porter les condoléances du gouvernement.
M, Chéron, le préfet du Pas-de-Calais et le maire de Calais sont allés aussitôt exprimer les condoléances du gouvernement et de la municipalité aux familles des hommes de l'équipage qui habitent Calais. Ils ont consolé du mieux qu'ils ont pu les veuves et les orphelins, dont quelques-uns sont dans une situation voisine de la misère. La tâche était d'autant plus pénible que plusieurs s'étaient imaginés, sur la foi des fausses nouvelles, que tes malheureux marins vivaient encore et qu'on les entendait même.
M. Chéron leur a promis que le gouvernement ferait tout son devoir, tant pour secourir les veuves et les orphelins que pour faire aux morts des obsèques dignes d'eux.
5 heures 30
Une énorme tache d'huile s'étend au-dessus de l'endroit on a disparu le sous-marin...