29 juin 2024

Kerguelen Port-Aux-Français 13-5-2024 L'Astrolabe mai 2024 Port Jeanne d'Arc TAAF Terres Australes Antarctiques Françaises Durban Afrique du Sud

Kerguelen Port-aux-Français 13-5-2024

escale de l'Astrolabe

L’équipage A du patrouilleur polaire L'Astrolabe a repris la mer le 27 avril 2024 pour assurer le deuxième volet de ses missions à savoir, la surveillance des zones économiques exclusives (ZEE) des possessions françaises dans la zone Sud de l’océan Indien.



Après cinq jours de navigation dédiés à l’entraînement, L'Astrolabe a accosté dans le port de Durban où il a fait escale du 2 au 5 mai 2024. Ce passage en Afrique du Sud aura permis de renforcer les liens de coopération que la France entretient avec ce pays.

Le consul général de France à Johannesburg, Monsieur Etienne Chapon, a été reçu à bord avec une délégation de l’ambassade de France. Cette visite a permis de recevoir des représentants de la marine Sud-Africaine et d’accueillir la communauté française de Durban. L’engouement autour de cet évènement a démontré l’intérêt porté par nos partenaires et nos compatriotes de l’étranger pour les missions de la Marine et singulièrement pour celles de L’Astrolabe


Enfin, à la sortie du port de Durban, un exercice de navigation conjointe a été organisé avec le patrouilleur Sud-Africain, le King Shaka Zuluavant que L’Astrolabe ne fasse cap vers l’archipel de Crozet.


Dans le cadre de sa mission de surveillance, le brise-glace « l’Astrolabe » a fait escale aux Kerguelen du 13 au 15 mai dernier. Cette visite exceptionnelle a été chaleureusement accueillie tant par l'équipage du navire que par l’ensemble des hivernants de la base de Port-aux-Français.


La présence de l’Astrolabe pendant trois jours a été marqué par de nombreuses activités enrichissantes et conviviales qui ont renforcé les liens entre les marins et les résidents de la base.



Durant ce séjour, dont un passé à PJDA (Port Jeanne d’Arc), diverses activités ont été proposées aux marins. Parmi elles, des sessions de pêche, des visites guidées de Port-aux-Français, incluant la gérance postale et la coopérative, ainsi que des excursions vers les anses alentours pour observer la faune et la flore des Kerguelen. Ces moments de découverte et de partage ont été particulièrement appréciés par tous.








26 juin 2024

Douglas Mawson Antarctique cap Denison expédition polaire

Douglas Mawson

Je vous propose un peu de lecture pour les longues soirées d'été...

Mawson's Huts est le principal camp de base de l'expédition antarctique australasienne dirigée par le géologue et explorateur Douglas Mawson.





L'expédition antarctique australasienne eut lieu en Antarctique entre 1911 et 1914. Ce camp se situe au cap Denison, dans la baie du Commonwealth, dans l'est du Territoire antarctique australien. Mawson's Huts est l'un des rares sites encore existant de l'âge héroïque de l'exploration en Antarctique. Il est classé, ainsi que l'ensemble du cap Denison, comme site historique de l'Antarctique






OE -9-03-1913






OE 04-01-1914

Sur les Rivages glacés de l’Antarctique - Mawson L’Expédition par Gustave REGELSPERGER

On ne saurait affronter les contrées horriblement désolées qui constituent les deux calottes polaires de la terre sans avoir à redouter l’éternelle menace de la traîtrise des glaces. Après tant d’autres, l’expédition australienne du Dr Douglas Mawson a eu à en subir les terribles influences. Si le Dr Mawson n’avait pas pour objectif, quand il laissa la Tasmanie à la fin de 1911 sur le baleinier l’Aurora, commandé par le capitaine Davis, de renouveler les héroïques exploits d’Amundsen et de Scott au Pèle Sud, il n’en avait pas moins un programme d’exploration qui lui ouvrait infailliblement des perspectives de terribles obstacles à vaincre et de redoutables dangers à courir. Ce qu’il s’était proposé, c’était de reconnaître certains rivages de ce vaste continent austral, l'Antarctique, dont les contours ne sont encore dessinés sur les cartes que par fragments et dont pourtant la parfaite continuité semble de plus en plus s'affirmer. La partie vers laquelle l’expédition allait porter ses efforts était celle située au Sud de l’Australie, connue sous le nom de terre de Wilkes et où le grand voyageur français Dumont d’Urville avait, en 1840, découvert la terre Adélie et la côte Clarie.


A mi-chemin entre Hobart et les terres polaires, l’expédition dévia de la ligne droite et se porta vers l’Est pour aller toucher une île isolée au milieu de l'Océan Glacial Antarctique, méridional de la Nouvelle-Zélande, l’île Macquarie. Inhabitée et sans mouillage, dominée par des collines dénudées, entourée d’îlots rocheux, cette île déserte ne semblait guère devoir attirer les navigateurs. Que voulait y faire le Dr Mawson? Voulait-il entamer quelque négociation diplomatique avec la population ailée des pingouins qui vit en nombre immense sur ses côtes? 

C’était peu probable et cependant voilà que quatre hommes furent débarqués sur l'île, puis L’Aurora reprit la direction du Sud. Qu’avaient fait ces quatre infortunés? Oh, rien de mal ! par cet exil prolongé qu’ils acceptaient, ces hommes dévoués, qui étaient aussi des savants, allaient rendre à l’expédition un service considérable, consistant à la maintenir en rapport continu avec le monde civilisé.

 L’expédition devait en effet mettre à profit pour sa sécurité l’une des plus grandes découvertes des temps modernes, la télégraphie sans fil. Un poste, établi à l’île Macquarie, allait servir de relai entre la Nouvelle-Zélande et la station que le Dr Mawson se proposait d’installer à la terre Adélie. Les quatre braves gens qui étaient chargés de cette mission de confiance à l’île Macquarie, seuls représentants de l’espèce humaine parmi une gent ailée innombrable, n'avaient à courir aucun risque parmi elle; il n’en était pas de même des pingouins qui devaient fournir à leurs hôtes plus d'un rôti à leurs dépens. 

Faisant route vers l’Extrême-Sud, l'Aurora rencontra quelques jours après les premières glaces, bientôt assez denses pour gêner sa marche. C’est après avoir longé, de l’Est à l’Ouest, une barrière de glace étendue que l'expédition, pouvant alors aller droit au Sud, vit apparaître le continent fameux dont elle voulait pénétrer les mystères. Elle découvrit, vers l’Est de la terre Adélie,une vaste baie, protégée par un archipel, dont elle fit sa principale base d’opérations. Le Dr Mawson l’appela Commonwealth bay, en reconnaissance du large concours que lui avait fourni la Fédération australienne. C’est là que s’installa le chef de l’expédition avec dix-sept compagnons. Mais il ne voulait pas se borner à ce seul centre d’action; il s’était proposé d’en faire établir un autre, très loin vers l’Ouest, de façon à tenir la terre de Wilkes par des points extrêmes, d’où deux escouades pourraient s’élancer vers l’inconnu. 

L’Aurora fit un trajet de près d’un mois avant de trouver un point convenable pour établir la seconde base d’opération. Dans sa marche vers l'Ouest, le navire passa bientôt devant la place où Dumont d’Urville avait vu l’énorme falaise de glace qu’il avait appelée côte Clarie. Chose étrange ! il n’y en avait plus trace. Ainsi, dans ces régions pleines d’imprévu, la glace ne garde aucune fixité; elle se forme, se déforme, se déplace sans cesse. Qu’était-il advenu de cette barrière solide qui affectait les aspects d’une terre? 

Elle avait été démolie sans doute, mise en pièces ci effritée, et ses débris flottants avaient dû être transportés vers des eaux plus tièdes et y fondre. Les plus hautes murailles de glace de l’Antarctique donnent des exemples de formidables effondrements. La façade de la Grande Barrière, que Shackleton, Amundsen, Scott gravirent pour prendre la route du pôle, est elle-même de cinquante kilomètres en arrière du point où elle se trouvait quand Ross la découvrit. Après un difficile voyage le long d’une banquise épaisse qui l'isolait du continent, 



L'Aurora put enfin débarquer ses passagers à une faible distance de la terre de l’Empereur Guillaume II, non point sur un fragment de terre, mais sur un énorme glacier à la surface tourmentée qui ne pouvait certes pas faire espérer à l’escouade de Wild, forte de sept hommes, un séjour enchanteur. 

Elle se trouvait là à 1,800 kilomètres à l’ouest de la station où était demeuré Mawson. L’un et l’autre groupe s’en allèrent explorer les environs. On peut penser si ce furent de pénibles et audacieuses randonnées. Dans la région où opérait Wild, la terre était recouverte d’une croûte de glace presque ininterrompue, très épaisse, où quelques roches, très rares, faisaient saillie et qui venait déborder fort avant sur la mer. Les courageux voyageurs n’en relevèrent pas moins toute une ligne de côtes, ce fut la terre de la Reine Mary, et, ayant pu atteindre le Gaussberg, sur la terre de l’Empereur Guillaume II, ils relièrent leurs propres découvertes à celles faites par Drygalski en 1902. Si peu favorisées qu’elles soient, ces régions étaient habitées, mais comme toujours par le seul peuple de l’Antarctique : les pingouins. Il y en avait de vraies armées, et ces sympathiques oiseaux vivaient là, gais et contents. Que fais lient pendant ce temps Mawson et ses compagnons à la terre Adélie? Eux non plus n’avaient pas un champ d’exploration commode. Le haut plateau que forme cette terre se dresse brusquement au-dessus de la mer et s’élève de plus en plus dans l’intérieur, vers la terre Victoria. 

De ce côté, le lieutenant Bage s’avança à 48 kilomètres des quartiers d'hiver aux abords du pôle magnétique. En même temps, une autre reconnaissance était entreprise le long de la côte, en allant vers l'Est, par Mawson avec le Dr Merz et le lieutenant Ninnis. La région que traversaient ces trois intrépides pionniers était inconnue, ils l’appelèrent terre du Roi George V. Par malheur, elle devait être le théâtre de cruels événements. Plus encore dans les régions polaires qu’ail- leurs, la volonté et le courage peuvent être impuissants contre les surprises ou les agressions d’une nature hostile et in- domptable. Le 14 décembre 1912, la petite troupe s’avançait avec ses traîneaux sur un plateau glacé. Tout allait bien. Subitement, une de ces crevasses formidables comme en présentent les glaciers polaires, et que rien ne révélait, s’ouvrit sous le poids du traîneau que conduisait le lieutenant Ninnis. Le malheureux fut de suite englouti avec le véhicule, dans le gouffre aux parois lisses où la main ne rencontre aucune aspérité pour se raccrocher et au fond duquel le corps descend, descend toujours, jusqu’à ce qu’il ait son linceul de glace.


S’étant couché sur la neige, tout contre l’extrême rebord de l’ouverture béante, au risque d’y glisser à son tour, Mawson tenta de sonder du regard le fond du précipice, il ne put rien apercevoir. Il lança des appils désespérés, aucune parole ne monta des profondeurs de cette tombe. Il n’avait pas fallu plus de temps qu’à l’éclair qui foudroie pour que le drame fût consommé. Le Dr Merz, qui était en arrière, arriva, à son tour, à toute vitesse avec son traîneau. Les deux survivants se regardèrent pleins de douleur et de consternation. Pour comble d infortune, le traîneau englouti portait la principale charge de provisions, si bien que ces deux malheureux, qui étaient à près de 500 kilomètres de leurs quartiers d’hiver, n’avaient plus comme ressources que des vivres pour une dizaine de jours et avec cela la chair peu succulente que pouvaient leur fournir six chiens amaigris. D’abri contre les bourrasques, le froid horriblement pénétrant, la neige, ils n’en avaient plus; leur tente était tombée elle aussi dans le gouffre et il leur faudrait se contenter maintenant d’une unique couverture. 




On peut comprendre quelles furent leurs angoisses. Mawson et Merz se sentirent perdus, néanmoins ils réagirent. Par suite de la pénurie de vivres, le salut n’était possible qu’en hâtant le retour. C’est ce que tentèrent les deux voyageurs. Ils marchèrent nuit et jour presque sans relâche, diminuant le temps du sommeil ; mais comme leur nourriture était de plus en plus réduite, ils virent, à ce régime, leurs forces s’affai- blir rapidement. Le Dr Merz ne put y résister et, vingt-cinq jours après l’accident de Ninnis, il succomba à son tour aux privations et aux fatigues. Le chef de l’expédition restait seul dans cet immense et horrible désert de glaces, presque dans la disette et complètement épuisé. 

Il semblait qu’il n’eut plus qu’à attendre la mort. Quelle réserve d’énergie ne devait-il pas avoir en lui pour n’avoir pas cédé au désespoir et pour avoir pu triompher d’une situation qui semblait ne laisser aucune chance de salut? Pendant un mois, Mawson s’avança et souvent se traîna, torturé par la faim, à travers d’immenses glaciers tout sillonnés de crevasses où le moindre faux pas risquait de l’exposer au même sort que Ninnis. Un jour un pont de neige s’effondra aussi sous ses pas et il demeura suspendu au-dessus de l’abîme par le harnais de son traîneau. A deux reprises, Mawson essaya de remonter jusqu’au rebord de la crevasse, deux fois il retomba; ce ne fut qu’à la troisième tentative, après une lutte épuisante, qu’il put enfin sortir du tombeau où il croyait rester. Ce ne fut pas en vain que le Dr Mawson avait déployé une énergie surhumaine : contre tout espoir, il put atteindre à la fin un dépôt de vivres, le 29 janvier 1913, après 46 jours de souffrances inouïes. Ainsi que l’apprend une intéressante information de M. Charles Rabot, dans L’Illustration, tout le corps de l’explorateur, ulcéré parle froid, n’était qu’une plaie et il n’avait plus ni cheveux ni barbe. Ce ravitaillement le sauva et, quelques jours après, il arriva à ses quartiers d’hiver. Mais là, Mawson allait éprouver une déception nouvelle.

 Son navire, L’Aurora. qui était revenu dans la baie du Common- wealth afin de le rapatrier, avait pendant un mois attendu son retour. Comme le chef de l’expédition ne paraissait pas, le navire venait de repartir afin d'aller délivrer de sa prison de glace de la terre de la Reine Mary, avant que l’approche en devienne impossible, l’escouade de Wild qui y aurait couru les plus grands dangers. Sur un radiotélégramme de Mawson, le capitaine Davis vira de bord pour revenir vers la côte, mais des coups de vent l’en empêchèrent et, d’ailleurs, il n’y avait plus de temps à perdre pour sauver Wild et ses compagnons. Ce fut après mille difficultés de navigation que, le 23 février, le navire arriva devant le glacier où les explorateurs attendaient avec impatience sa venue. En toute hâte se fit rembarquement et sans perdre un instant le navire s'éloigna, ayant déjà à lutter contre les glaces de la banquise, qui, s’épaississant et se rapprochant, risquaient de lui fermer la route en le retenant prisonnier. Mais si l’équipe de Wild avait pu être ramenée en Tasmanie, celle de Mawson était contrainte à faire un nouvel hivernage. Il fut bien pénible. D abord,la perte des deux vaillants compagnons de Mawson avait jeté un voile de tristesse sur tous les membres de l’expédition. Puis son chef était revenu tellement épuisé par les souffrances endurées, qu’il demeura environ deux mois entre la vie et la mort ; on le crut à jamais perdu et comme si ce n était pas assez de déboires et de malheureux sorts, un des hommes de l'expédition fut frappé de folie. Enfin, malgré un dur hivernage, Mawson revint à la santé et la saison s’acheva avec plus de calme. 



Les pauvres exilés surent bien employer leur temps au profit de la science et ils rédigèrent un curieux journal. le Blizzard Adelie, dont le titre faisait allusion à la fréquence des coups de vent sur la terre Adélie et où ils consignèrent leurs remarques sur les habitants de ces contrées, pingouins, phoques, pétrels des neiges qui, eux, bien adaptés au climat, n’ont jamais songé à se plaindre de leur sort. Le Dr Douglas Mawson, aujourd’hui rapatrié, est déjà passé une première fois par Paris en se rendant à Londres. Si, comme nous l’espérons, l’héroïque explorateur revient quelque jour parmi nous, il sera accueilli à Paris par des acclamations chaleureuses, acclamations bien méritées, car l’expédition aura apporté une contribution nouvelle des plus importantes à la connaissance du continent antarctique ; en même temps, l'intrépidité dont le Dr Mawson a fait preuve commande l’admiration. 

• Gustave REGELSPERGER.
Toutes les photos proviennen du site 
https://www.mawsons-huts.org.au/sir-douglas-mawson/

Journal des voyages et des aventures de terre et de mer

Date d'édition : 1914-07-26

25 juin 2024

BH BORDA Cameroun Gabon ZMATO 24 cartographie hydrographie

BH BORDA Cameroun Gabon ZMATO 24


Le bâtiment hydrographique (BH) Borda a poursuivi ses travaux hydrographiques dans le chenal d’accès au port de Douala, au Cameroun. Ces missions permettent de mettre l’expertise et les capacités du navire français à la disposition du partenaire camerounais. Le Borda a ensuite repris la mer le 9 avril pour rejoindre Port-Gentil, au Gabon.



Le bâtiment hydrographique Borda a appareillé de Port-Gentil (Gabon) dans la soirée du dimanche 14 avril, puis a transité en direction de Douala pour reprendre sa mission hydrographique dans le chenal d’accès à Douala (Cameroun). Au cours de cette semaine, la majorité des zones à cartographier ont été couvertes. Le bâtiment a notamment accueilli un officier de la marine camerounaise et un technicien civil du Port Autonome de Douala à son bord en tant qu’observateur des travaux.




https://www.defense.gouv.fr/operations/point-situation-operations/point-situation-operations-du-jeudi-18-au-mercredi-24-avril-2024

À Mayotte, l’État veut instaurer un rideau de fer maritime pour lutter contre l’immigration illégale

À Mayotte, l’État veut instaurer un rideau de fer maritime pour lutter contre l’immigration illégale

Mayotte Kwassa-Kwassa © JM Bergougniou




Mayotte Dzaoudzi Petite Terre © JM Bergougniou


À Mayotte, où la question migratoire continue de cristalliser le débat, la mer est de plus en plus surveillée. Le 101e département français voit l’État durcir encore les moyens de contrôle en mer avec l’annonce d’un rideau de fer maritime. Les associations humanitaires dénoncent une escalade sécuritaire au détriment des populations les plus vulnérables. Halte dans l’océan Indien pour ce dernier volet de notre série sur les migrations par voie maritime.

Les forces de l’ordre indiquent qu’en moyenne, deux kwassas sont interceptés dans les eaux mahoraises par jour. | 



Mayotte -banga - © JM Bergougniou

À Petite-Terre, les moteurs des navires intercepteurs n’ont guère le temps de refroidir. La plus petite des deux îles constituant le département de Mayotte concentre les moyens de lutte maritime contre l’immigration illégale. Nous avons trois bateaux H-24 sur l’eau , indique sur le ponton Frédéric Sautron, sous-préfet chargé de la lutte contre l’immigration clandestine. 

Mayotte  © JM Bergougniou


Avant de détailler l’ensemble des moyens en mer : cinq embarcations rapides de police, quatre de gendarmerie, deux vedettes de surveillance côtières et l’appui des moyens hauturiers de La Réunion, dont le bâtiment de soutien et d’assistance outre-mer Champlain.


Mayotte Kwassa-Kwassa © JM Bergougniou
Avec l’assistance des moyens de détection à terre, ces navires sillonnent sans cesse les eaux territoriales à la recherche des fameux kwassas-kwassas, ces canots de pêche rapides utilisés par les passeurs depuis les Comores voisines. L’objectif est de les arrêter en mer, avant accostage.

Dans le cadre du dispositif de lutte contre l’immigration illégale, trois navires de surveillance sont en permanence sur l’eau autour de Mayotte. | LAURENT BOUVIER

Mayotte Police aux frontières © JM Bergougniou


Ce dispositif interministériel, finalisé par le plan Shikandra en 2019, a permis de resserrer les mailles du filet. Les embarcations qui s’entassent près du quai Ballou avant d’être détruites l’attestent. Chaque jour, deux kwassas en moyenne sont interceptés dans les eaux mahoraises. 

Mayotte expulsions  © JM Bergougniou
Avec la montée en puissance de Shikandra, entre 25 000 et 26 000 personnes sont reconduites chaque année à la frontière. Ce qui signifie que le centre de rétention administrative (CRA) de Mayotte concentre à lui seul 60 % des placements en rétention de l’ensemble des 25 centres de métropole et d’outre-mer (en 2023, 46 955 personnes ont été enfermées en rétention en France).

Une île sous tension


Mayotte VCSM L'Odet Gendarmerie Maritime  © JM Bergougniou


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Beaucoup de kwassas passent encore en dehors des filets , admet Frédéric Sautron, qui précise néanmoins que 75 % des bateaux détectés par les radars sont arraisonnés. Dans le 101e département français où, selon l’Insee, près de 77 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté et où la moitié de la population provient de l’immigration comorienne ou d’autres pays d’Afrique, la question migratoire cristallise le débat. 

Mayotte Banga © JM Bergougniou
En janvier et février, l’île a ainsi été paralysée plus de trois semaines par des barrages de collectifs de citoyens protestant contre l’insécurité et le poids de l’immigration irrégulière.

Mayotte est situé à moins de 70 km au sud-est de l’île d’Anjouan, une des trois qui composent l’archipel des Comores. | GOOGLE MAPS

Mayotte Expulsions vers les Comores  © JM Bergougniou
Dans ce contexte, c’est peu dire que les services de l’État sont sous tension. Depuis sa nomination le 8 février, la ministre déléguée aux Outre-mer Marie Guévenoux a effectué quatre visites sur l’île hippocampe, fait inédit pour un ministre de l’Outre-mer. Certes, le problème n’est pas nouveau. Le département est depuis des années confronté à l’arrivée de migrants clandestins comoriens, qui franchissent le bras de mer séparant leur pays, l’un des plus pauvres du monde, de la France. Anjouan, l’une des trois îles qui composent cet État indépendant depuis 1975, est située à moins de 70 km.

Stratégies d’évitement

La stratégie maritime de lutte contre l’immigration illégale a son revers. Face au dispositif renforcé, les passeurs s’organisent. Ils adoptent des stratégies d’évitement. Ils changent leurs modes d’action en se regroupant à plusieurs dans les eaux internationales pour ensuite fondre sur l’île en espérant que davantage d’entre eux puissent passer entre les mailles , détaille le sous-préfet. D’autres réseaux privilégient désormais des bateaux de pêche. Plus inquiétant, les forces de l’ordre voient de plus en plus de kwassas-kwassas refuser d’obtempérer et forcer les interceptions.
De nouvelles filières en provenance d’Afrique

Mayotte radar Marine nationale  © JM Bergougniou
Mayotte Radar Marine nationale © JM Bergougniou
 Par ailleurs, Mayotte est confronté à un nouveau phénomène, à savoir l’arrivée depuis quelques années de migrants clandestins en provenance d’Afrique, et notamment de la région des grands lacs : Rwanda, Burundi et République démocratique du Congo. Ils représentent pour l’instant moins de 10 % des arrivants mais leur nombre est en constante augmentation. Ces nouveaux migrants effectuent une traversée de près de 1 000 km, effectuant le dernier tronçon via les Comores d’où ils sont transbordés en mer.

Jacques fait partie de cette nouvelle vague. Ce Congolais a dû quitter son pays où il avait pris la tête d’une manifestation étudiante. Après s’être réfugié en Ouganda dans un camp provisoire avec d’autres réfugiés rwandais et ougandais, il a ensuite transité en 2022 par la Tanzanie. Au marché de Kariakoo à Dar es Salam, sur la côte, il rencontre des commerçants comoriens qui le mettent en contact avec des passeurs. À l’époque, je ne connaissais même pas l’existence de Mayotte , raconte-t-il.
Jacques a effectué un périple de 1 000 km depuis les côtes africaines pour rejoindre Mayotte. | LAURENT BOUVIER
Après s’être acquitté de 1 500 euros, il se retrouve bientôt à bord d’une longue pirogue avec 57 autres migrants rwandais, burundais et congolais. Nous avons passé quatre jours et trois nuits en mer avant d’être transbordés dans un kwassa à Anjouan, sans même mettre le pied à terre. Le bateau finira par être intercepté par un semi-rigide de la gendarmerie française aux abords du lagon de Mayotte. Ils ont menotté les passeurs et nous avons été placés en centre de rétention administrative. Jacques ne sera pas renvoyé dans son pays : après avoir saisi la Cour nationale du droit d’asile, il vient de se voir octroyer le statut de réfugié.

Mayotte gendarmerie hélicoptère moyen aérien © JM Bergougniou


Un rideau de fer maritime d’ici la fin du second semestre

Afin de barrer la route des grands lacs, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin a annoncé le déploiement d’un bateau de la Marine nationale dans le canal du Mozambique. Cette action s’inscrit dans le cadre plus large de la mise en place d’un rideau de fer maritime. À nos confrères de Mayotte La Première, le préfet de l’île François-Xavier Bieuville décrit le dispositif comme un ensemble de moyens terrestres, maritimes et aériens qui doivent permettre de détecter plus en amont l’arrivée de navires, de les qualifier et donc d’anticiper leur interception .

Mayotte base navale © JM Bergougniou


Dans ce cadre, l’État a passé un certain nombre d’appels à manifestation d’intérêt pour des réponses technologiques adaptées. Frédéric Sautron évoque par exemple des moyens de détection électroacoustiques mais aussi des drones aériens et sous-marins… Ce rideau de fer est annoncé pour la fin du second semestre 2024.

Les associations humanitaires s’inquiètent

Mayotte Police aux frontières © JM Bergougniou
La perspective d’une augmentation des enfermements n’est pas du goût des associations humanitaires qui dénoncent depuis quelque temps une escalade sécuritaire. La Cimade, le Groupe SOS Solidarités – Assfam, France terre d’asile, Forum réfugiés et Solidarité Mayotte alertent, dans leur rapport annuel, sur le recours fréquemment abusif à l’enfermement. À Mayotte, qui concentre la majorité des enfermements en France, l’administration peut retenir et éloigner massivement les personnes étrangères grâce à un régime dérogatoire qui n’offre que peu de garanties. Ainsi, 84 % des personnes enfermées ont été éloignées, bien souvent sans avoir eu la possibilité d’être entendues par un juge.
La Cimade s’inquiète du nombre d’enfants enfermés et expulsés qui ne cesse d’augmenter depuis plusieurs années. | LAURENT BOUVIER

Mayotte VCSM L'Odet Gendarmerie Maritime © JM Bergougniou
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La Cimade s’inquiète particulièrement du nombre d’enfants qui sont enfermés et expulsés, un nombre qui ne cesse d’augmenter depuis plusieurs années : La France enferme les enfants presque quarante fois plus à Mayotte que dans l’Hexagone. L’enfermement des familles avec enfants doit normalement être motivé et utilisé de manière exceptionnelle. Alors que la loi asile et immigration du 26 janvier vient d’interdire l’enfermement des enfants en rétention, cette disposition n’entrera en vigueur à Mayotte que le 1er janvier 2027.




Sources 
Le marin Laurent BOUVIER.Publié le 22/06/2024 à 13h10





Passage de Toulon à Alger 1839 sur un navire de la Marine Royale Cerbere

 Passage maritime de Toulon à Alger 1839 Cerbere  La conquête de l'Algérie débute par le débarquement de l'armée d'Afrique à Sid...