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21 décembre 2022

sous marin Calypso naufrage à Toulon juillet 1914 Torpilleur Mousqueton Djémal pacha

Naufrage du sous-marin Calypso

Toulon Juillet 1914



Le bruit se répandait, hier soir, à Paris, qu'un accident grave était arrivé à Toulon pendant les- manœuvres navales qui ont lieu à l'occasion de la visite de Djémal pacha, ministre de la Marine ottomane, le sous-marin Calypso avait coulé. Nous avons eu immédiatement confirmation de cette nouvelle au ministère de la Marine, où l'on nous a répondu que le naufrage était exact et que, bien qu'on n'ait pas encore de nouvelles officielles sur l'équipage
Le Petit Journal 8 juillet 1914



C'est à cinq heures trente que le sémaphore de Camarat signala, à la préfecture maritime qu'un sous-marin venait de couler au large et, à cinq heures trente-cinq un radiotélégramme en clair provenant du torpilleur Mousqueton, qui convoyait le sous-marin et porte le guidon du commandant de la 2e escadrille des sous-marins de l'armée navale, arrivait à la station de Missiessy ; il signalait que le Calypso avait coulé au Sud du cap Lardier. 






Un deuxième radiotélégramme daté de cinq heures quarante-cinq, annonçait que les 26 hommes de l'équipage étaient sauvés.


Le port fit préparer des remorqueurs et des allèges, mais aucun secours ne fut de mandé. Il est hors de doute que l'accident s'est produit quand le Calypso était en surface. S'il est dû â un abordage, l'abordeur, que l'on croit être le Mousqueton, doit être en fort mauvais état car la coque des sous-marins est bien autrement résistante que celle de des torpilleurs d'escadre

Le Petit Journal 8 juillet 1914



L'Ouest-Eclair 9-07-1914


Voici de nouveaux renseignements au sujet du naufrage du "Calypso"

L'abordage fut très brusque et l'eau pénétra assez rapidement par le trou béant. L'équipage qui était sur le pont eut une attitude admirable et put multiplier les signaux de détresse. Quelques hommes se jetèrent à l'eau et atteignirent rapidement le « Mousqueton qui mit immédiatement ses embarcations à la mer.

Les sous-marins "Bernouilli" et le « Circé" s'approchèrent et avec le « Mousqueton" reçurent les autres hommes ainsi que les officiers du Calypso.

Le vent soufflait en tempête les vagues très grosses rendaient pénibles les opérations de sauvetage des hommes qui heureusement réussirent complètement.

Plusieurs navires de 1a division légère arrivèrent à proximité et offrirent leur concours qui fut jugé inutile car le « Calypso" avait coulé par 300 mètres de fond.

L'Ouest-Eclair 9-07-1914






Un mois avant les déclarations de guerre une visite turque à Toulon Djémal pacha



Le Petit Journal 5 juillet 1914
DJEMAL PACHA « pies, développer cette coopération franco-turque qui doit, dans la consolidation pacifique de l'Orient nouveau, garder le rôle essentiel dont une constante tradition historique a consacré les résultats. Djémal pacha est très personnellement qualifié pour cette importante mission. Son action politique fut décisive dans la préparation et l'organisation de la jeune Turquie. Mais il est d'abord, un soldat. En 1909 comme en 1913. c'est à la tête de son régiment et par de multiples faits d'armes qu'il affermit son autorité. 

Entre la révolution et la guerre, le colonel Djémal s'appliqua à réaliser le nouveau régime sur Ses plus ingrats domaines ; gouverneur de Scutari, puis d'Adana, il témoigne en Albanie et en Arménie d'un souci d'équité qui lui rallie de justes sympathies. 

Quand, après le désastre que son sacrifice n'a pu. épargner, le Comité Union et Progrès, un instant chancelant, l'appelle au gouvernement militaire de Stamboul, il sait sans inutiles violences imposer le retour à l'ordre, puis à la confiance.  A l'égard de la France, Djémal pacha fut toujours un ami spontané et agissant. Il nous rappelait hier avec une flatteuse fierté qu'il a fondé puis développé à Stamboul ce Comité France-Turquie dont le titre, avec un trait d'union, est tout un programme, tout son programme. ...

Djémal pacha, arrivé le matin, a été reçu à trois heures et demie de l'après-midi, par M. Gauthier, ministre de la Marine, qui donnera un déjeuner en son honneur demain matin- lundi. Demain soir, Djémal pacha partira pour Toulon, où il arrivera mardi à 10 h. 28. Il s'embarquera aussitôt sur le cuirassé Courbet et l'armée navale appareillera à 14 h 30 pour effectuer diverses manœuvres et évolutions. 


Elle mouillera le soir. au golfe Juan. Djémal pacha ayant demandé tout particulièrement à assister à des, exercices de sous-marins et de torpilleurs, ces petits navires exécuteront en sa présence des exercices...  Le séjour dé Djémal pacha: sur le Courbet sera d'environ deux jours. L'armée naval passera ensuite une inspection générale au Golfe Juan.



D'après les renseignements reçus ici l'abordage du Calypso et du « Mousqueton" s'est produit entre le cap Titan et le cap Camarat à l'est des îles Hyères. Le contre-torpilleur fit une grave trouée dans la coque du sous-marin. La mer était très grosse et 1e sous-marin envahi peu à peu par l'eau s'engloutit en quelques minutes Heureusement presque tous les hommes étaient sur le pont car le sous-marin naviguait en surface. 

Les autres montèrent rapidement et furent avec leurs officiers recueillis par le  Mousqueton et deux autres sous-marins dont les équipages montrèrent le plus grand dévouement.

L'armée navale a télégraphié qu'on avait reconnu l'impossibilité de renflouer le Calypso. Des bouées ont été placées pour repérer l'endroit où a coulé le Calypso. L'amiral commandant en chef nommera une commission pour établir à qui incombent les responsabilités de l'abordage.

L'équipage du Mousqueton


L'Ouest-Eclair 9-07-1914





Verso de la Carte postale de la Calypso avec au verso : 

Oeuvre du souvenir de la France à ses marins.

Suit un questionnaire concernant l'orphelin.

Un ancêtre de l'ADOSM?

Des œuvres charitables dont l’Œuvre du Souvenir de la France à ses marins n’oublie pas de mentionner qu’elle n’a été créée – que pour « tendre une main secourable aux vaillantes compagnes et aux chers enfants qu’ont laissés derrière ceux qui sont morts pour la Patrie »






Sources

BnF Gallica

 L'Ouest-Eclair

Le Petit Journal


14 décembre 2022

Sous-marin le Lutin coulé à Bizerte octobre 1916

Sous-marin le Lutin coulé à Bizerte 






DERNIÈRE. HEURE Paris, 16 octobre. Comme le "Farfadet", le "Lutin" ne remonte pas sur l'eau Le sauvetage arrêté par la nuit

Quinze hommes vivants au fond de la mer

Nous recevons la terrifiante nouvelle d'un épouvantable sinistre maritime analogue à celui du Farfadet.

Le Lutin est un sous-marin de 185 tonneaux, son effectif officiel est de 12 hommes. il a élé lancé en 1902, il est muni de 4 lance-torpilles, sa vitesse est de douze nœuds 3.

Disparu


Bizerte, 16 octobre.

Le sous-marin Lutin, commandé par le lieutenant de vaisseau Fepoux, sorti à huit heures du matin par une forte houle pour des exercices de plongée, a été signalé comme disparu vers six heures par le remorqueur convoyeur. Deux torpilleurs et trois remorqueurs sont partis à sa recherche avec l'amiral Bellue en personne. Jusqu'à présent, on est sans nouvelles.

Le sondage


Bizerte, 16 octobre.


La mer houleuse rend à peu près impossible les travaux de sauvetage du sous-marin Lutin.
Le dragage a permis de- constater une certaine résistance à l'endroit où le Lutin a fait une plongée.

La nuit oblige à suspendre le sauvetage Bizerte, 16 octobre.
L'obscurité a obligé d'interrompre les opérations de sauvetage, qui seront reprises à la pointe du jour:

Le consul général d'Angleterre à Tunis a proposé à M. Danthouard, délégué à la résidence, de télégraphier au gouvernneur de Malte pour envoyer à Bizerte les moyens de secours dont dispose la flotte anglaise de Malte. M. Danthouard a télégraphié cette offre à l'amiral commandant, qui a accepté. Le consul a télégraphié immédiatement à Malte.

Le Lutin a quatorze hommes d'équipage, commandés par un lieutenant de vaisseau.

Coulé par 40 mètres de fond

Bizerte, J6 octobre.

Au cours des dragages effectués au point où on suppose que doit se trouver le sous-marin Lutin, on a trouvé une résistance par 40 mètres de fond.








Le sous-marin Lutin, sister-ship du sous-marin Farfadet, construit par les Chantiers navals de Rochefort/sur mer d’après des plans de Gabriel Maugas. est un submersible pour la défense côtière. C'est un ous marin à coque unique. Commandé le 26 septembre 1899, lancé le 12 février 1903, il sera mis en service le 17 septembre 1903. 


Ces caractéristiques Sont :
Longueur : 41,49 m - Maître-bau (sa plus grande larguer) : 2,90 m
Tirant d’eau : 2,68 m
Tonnages : 84,97 tonnes en surface, et 202,47 tonnes en plongée
Puissance : 600 cv (électrique)
Propulsion : 2 moteurs électriques Sautter-Harlé de 300 cv- 2 hélices à pales orientables
Vitesse : 6,10 nœuds en surface – 4,20 nœuds en plongée
Immersion : 35 m
Armement : 4 tubes lance-torpilles de 450 mm de diamètre.
Équipage : de 14 à 16 membres.

Le 16 octobre 1906, le Lutin appareille de Sidi-Abdallah pour une sortie d’exercice. Arrivé à environ 2 milles au nord-est de Bizerte, il sombre accidentellement par suite de l’éclatement d’un ballast. Le remorqueur qui l’accompagne donne l’alerte. Des remorqueurs venus de Toulon, des bâtiments britanniques et un navire de sauvetage danois et ses scaphandriers seront dépêchés sur les lieux, mais les conditions de la mer difficiles ne permettront pas le dragage de la zone du naufrage. Finalement une drague touchera l’épave qui sera ainsi localisée.
Le 23 octobre 1906, après 7 tentatives, l’épave du Lutin sera arrimée sous un dock flottant, comme le fut le Farfadet et sera transportée dans un bassin. Les cadavres des 16 membres de l’équipage seront alors extraits de la coque le 27 octobre 1906.



Bizerte, 18 octobre. Le ministre de la marine a reçu de l'amiral Bellue la dépêche suivante

Ce matin à 4 heures, dans un changement d'évitage, les haussières se sont dégagées du point de résistance sur lequel les scaphandriers étaient descendus hier sans résultat. Une bouée avait été mouillée en cet endroit. Dés le jour un scaphandrier est descendu et a atteint le fond qu'il a exploré dans un rayon de douze mètres sans rien voir. Les dragages ont repris en cet endroit, mais continuent ailleurs.




SONT-ILS VIVANTS ?

Bizerte, 18 octobre. La coque du « Lutin » vient d'être retrouvée par 36 mètres de fond. Le sous-marin repose à plat sur le fond. Dans les milieux maritimes on émet l'espoir que des fissures n'ayant pas été relevées, l'équipage pourra être retrouvé vivant.

Les secours anglais

Bizerte, 18 octobre. Le cuirassé « Implacable", le croiseur ci Carnogos » et le destroyer « Albatros », venant de Malte, sont arrivés cette nuit, vers une heure, et ont mouillé en dehors du port...

M. THOMSON A BIZERTE
Toulon, 18 octobre. M. Thomson est arrivé ce matin à Toulon à 10 heures. Il était accompagné de la commission d'enquête sur l'accident du "Lutin », composée de MM. le contre-amiral Barnaud, président de la section des sous-marins au comité technique l'ingénieur en chef Trébaol l'ingénieur chef Maugas, auteur des plans du « Lutin"; le lieutenant de vaisseau Voisin, secrétaire de la section des sous-marins.


Le ministre de la marine a été reçu sur le quai de la gare par le préfet des Bouches-du-Rhône, le contre-amiral Campion, etc. M. Thomson est alors monté dans un calandou, qui l'a conduit immédiatement au môle. Il a pris place ensuite dans la chaloupe à vapeur du commandant de la Jeanne-d'Arc, puis est monté à bord de ce croiseur, mouillé au bassin National. Le commandant et les officiers de l'état-major de la Jeanne-d'Arc ont reçu le ministre à la coupée, puis le croiseur a appareillé et levé l'ancre pour Bizerte.

Les travaux de la commission d'enquête

Marseille, 18 octobre. M. Thomson, avant le départ de la Jeanne-d'Arc, a communiqué le programme suivant de la commission d'enquête sur l'accident du Lutin »

La commission s'appliquera à découvrir les causes de l'accident. Elle interrogera le personnel du convoyeur pour essayer de reconstituer les circonstances de la disparition du Lutin. Elle recherchera si rien dans le fonctionnement intérieur du matériel ne peut donner lieu à des présomptions, et si aucun accident caractéristique ne s'était produit sur le Lutin avant sa perte. Enfin elle s'efforcera de fixer les mesures à prendre pour empêcher à l'avenir sur les sous-marins le retour de semblable catastrophe.

LES VICTIMES

La liste de l'équipage du Lutin

Paris, 18 octobre.

Le ministère de la marine communique la liste de l'équipage du sous-marin « Lutin, avec les pays d'origine.

  • Olivier Charles Antoine, matelot torpilleur breveté
  • Henri Bardane, quartier-maître mécanicien
  • François Bellec, matelot torpilleur breveté
  • François Bourges, second maître torpilleur
  • Gustave Clairet, quartier-maître mécanicien
  • Noël Donval, quartier-maître torpilleur
  • Louis Dufau, matelot torpilleur breveté
  • Oscar Fépoux, lieutenant de vaisseau
  • Eugène Fortain, quartier-maître mécanicien
  • Fortuné Guezel, quartier-maître mécanicien
  • Eugène Maingault, quartier-maître torpilleur
  • Jean-Baptiste Millot, enseigne de vaisseau
  • Pierre Montsarrat, quartier-maître mécanicien
  • Jean Yves Nicolas, second maître mécanicien
  • Louis Ollivier, quartier-maître torpilleur
  • Louis Sicher, quartier-maître mécanicien.

Dans l'Ouest-Eclair :
On remarquera que cette liste officielle ne fait pas mention d'Olivier Antoine, de Brest, dont nous avons parlé hier et qui fait partie de l'équipage du Lutin elle ne mentionne pas non plus Louis Sécher, dont nous publiions hier une lettre, et qui fait également partie de l'équipage du sous-marin.

Faut-il en conclure que ces deux marins n'étaient pas à bord, pour une raison quelconque, une courte permission par exemple C'est ce à quoi on ne peut répondre d'une façon certaine pour le moment et ce point demande confirmation.


A Brest

Brest, 18 octobre. C'est toujours avec la plus vive anxiété que la population maritime de Brest attend des nouvelles du « Lutin".

On sait que deux des engloutis sont brestois Charles-Olivier Antoine, né à Lambézellec, le 6 avril 1883, et Louis-Charles Olivier, né à Brest, le 24 juin 1880. C'est cet après-midi seulement que la préfecture maritime a été avisée officiellement que deux marins du "Lutin" étaient de Brest.

Olivier ANTOINE

Breveté torpilleur, âgé de 23 ans, de Brest Immédiatement, le préfet maritime a fait communiquer la nouvelle à M. Aubert, maire de Brest, en le priant de lui faire parvenir des renseignements sur les familles et de les aviser...


Le lieutenant de vaisseau Fépoux 
Brest, 18 octobre. 
On sait que le lieutenant de vaisseau Fépoux était capitaine de la compagnie des mécaniciens à bord de la Bretagne, quand il fut appelé au commandement du Lutin.

M. Rayer, professeur à bord de la Bretagne, a fait le plus grand éloge du commandant du sous-marin, qui était un officier remarquable, intimement lié a-t-il dit avec le lieutenant de vaisseau Théroulde, qui venait d'être récemment choisi, comme aide de camp par l'amiral Bellue, le lieutenant de vaisseau Fépoux était fout heureux de son commandement, qui le rapprochait de son meilleur ami.

M. Fépoux, très instruit et très travailleur. se plaisait au milieu des jeunes gens qui, à bord de notre vaisseau, se destinent à embrasser la carrière de mécaniciens dans la marine. Il leur faisait lui-même des cours, et sa compagnie pouvait être citée comme modèle.

Sous des dehors un peu froids, peut-être, il cachait un excellent cœur et avait sa s'attirer les sympathies de tout l'équipage. »

M. Royer ajoute que le lieutenant de vaisseau Fépoux, qui est né à Strasbourg, a fait de brillantes études aux lycées de Nancy et de Brest, puis à l'école navale dont il sortit un des premiers.

Nommé aspirant de 1ère classe le 5 octobre 1894 et enseigne le 5 octobre 1896, il fut promu au choix lieutenant de vaisseau le 19 octobre 1903.

M. Fépoux, marié, il y a deux ans environ, avec une Parisienne, fille d'un négociant en fourrure, M. Aldebert, a une fillette d'an an...

Les autres officiers du bord confirment tous les renseignements donnés par M. le professeur Royer. Ils sont très affectés de la catastrophe et se demandent avec anxiété si l'on pourra renflouer le Lutin. 
 L'enseigne Millot

Paris, 18 octobre. Le second du « Lutin », l'enseigne Millot, est originaire de Tours et fils d'un général de brigade, décédé il y a quelques années, et il participa à l'expédition, du Tonkin.


Le quartier-maître Louis Ollivier

Brest, 18 octobre. Louis Ollivier qui, comme nous l'avons dit, a été élevé par les époux Creignou, était très intelligent. Il fit ses études à l'école de l'Ile de Kerléan, puis, quand il obtint son certificat d'études, il voulut apprendre le métier de mécanicien» Les époux Creignou y consentirent et le placèrent chez M. Batrude, serrurier-mécanicien, place de la Mairie, où il resta trois 
mois. En quittant l'atelier de M. Batrude, il entra à l'école des mousses où il se fit remarquer par son travail assidu et sa bonne conduite.

Louis Ollivier avait obtenu trois avancements successifs à bord du cuirassé "Pothuau »; à 19 ans et demi, il était quartier-maître.


LES CAUSES DE LA CATASTROPHE 
lettre du commandant Fépoux à un ami
L'Ouest-Eclair 28-10-1906



M. Maugas- constructeur du « Lutin » et du Farfadet » croit à une erreur de manoeuvre. On en est cependant réduit à des hypothèses

Paris, 18 octobre. Il était intéressant d'avoir sur les causes de la catastrophe l'opinion du constructeur lui-même, M. Maugas. le rédacteur de l'Echo de Paris » a pu avoir avec lui au moment de son départ avec le ministre de la marine pour Bizerte la conversation suivante

Quelles sont les causes, selon vous, de l'accident ?

Nous n'en pouvons pas définir les causes. De même que l'on peut être tué dans la rue en se promenant, on est exposé à se noyer pour de multiples raisons qui restent inconnues de tout le monde. 
Peut-on attribuer la catastrophe à ce fait que le navire est sorti par une très forte houle ? L'amiral Touchard, à Toulon, a déclaré que, selon lui, le bateau aura voulu plonger en dépit de la houle, et se sera jeté contre un fond.

Cette hypothèse n'est pas absolument impossible, mais depuis longtemps les sous-marins plongent alors que la mer est quelquefois très agitée, et cela sans inconvénient. A la vérité, je serais moi-même très embarrassé pour fournir une explication. Et de ce fait que les deux sous-marins auxquels il soit arrivé des accidents semblables le Farfadet et le Lutin, sont de votre construction, faut-il en tirer une conclusion, un indice quelconque 
Je ne puis voir là qu'une coïncidence déplorable. 

Sources :

L'Ouest-Eclair

23 novembre 2022

Sous-marin naufrage Prométhée 7 juillet 1932 Cap Lévi juillet 1932 Cherbourg

Un naufrage à Cherbourg juillet 1932 Sous-marin Prométhée

Le Prométhée était un sous-marin de 1500 tonnes capable de plonger jusqu'à 80 mètres. Il était équipé en surface de 2 moteurs diesels, d'une puissance totale de 6000 CV qui lui permettaient d'atteindre une vitesse de 18,6 nœuds et en plongée d'une propulsion électrique de 2 250 CV lui permettant de filer 10 nœuds. Il possédait un armement canon et 11 tubes lance-torpilles.

L'Ouest-Eclair 9 juillet 1932


Conçu par l'ingénieur Léon Roquebert, le sous-marin Prométhée fait partie d'une série de 31 sous-marins de type Redoutable entrés en service dans la Marine nationale progressivement, entre 1931 et 1937. L'appareil est commencé sur la cale n° 3 le 2 juillet 1928 et lancé le 23 octobre 1930. Ses premiers essais ont lieu le 1er décembre 1931. 

Lancement du Prométhée à Cherbourg


Le 7 juillet 1932, alors qu'il est en plein période d'essai, il fait naufrage au large du Cap Lévi à une distance de 7 nautiques. La catastrophe, qui provoque la disparition de 62 membres d'équipage, est attribuée selon le rapport des experts à une ouverture inopinée des purges qui permettent de remplir les ballasts d'eau, ayant eu pour effet d'alourdir subitement le sous-marin et de le faire plonger à la verticale. 
Le drame suscite dans le pays une profonde émotion. Un monument est érigé peu après par souscription à la mémoire des victimes dans la commune de Fermanville, le lieu le plus proche du naufrage.







Cherbourg, 8 juillet (de notre rédaction).


Cherbourg vit depuis jeudi après-midi les heures les plus pénibles de son histoire de ville maritime et de port de guerre enregistré. Ce n'est certes pas que cette histoire n'ait connu de trop nombreux sinistres, ce n'est pas qu'elle n'ait enregistré depuis l'invention de sous-marins de catastrophes mémorables comme celles du Pluviôse, du Vendémiaire, et, plus récemment, de l'Ondine. Mais les accidents qui, dans le passé, endeuillaient la Marine et la France étaient, par le nombre des victimes, moins terribles et moins affreuses. Jusqu'ici, les sous-marina coulés n'étaient montés que par leurs officiers et leurs hommes d'équipage. Aujourd'hui, parmi les 8O et quelques disparus, figurent à côté de l'équipage et du personnel de la maison Schneider, de trop nombreux ingénieurs, agents techniques et ouvriers de l'Arsenal,


c'est-à-dire des habitants de notre ville et de ses faubourgs. On peut dire que l'angoisse étreint tous les coeurs et que la foule attend avec une indicible émotion les moindres nouvelles, pour essayer de trouver quelques raisons d'espérer encore le renflouement du Prométhée et le sauvetage définitif de ceux qu'il retient dans ses flancs, au milieu des flots, par 75 mètres de fond.


L'Ouest-Eclair, qui prend part à la douloureuse inquiétude de tous ceux que frapperaient cette catastrophe, si aucun espoir n'était plus permis, veut encore, autant qu'il se peut, apporter aujourd'hui des paroles de confiance et faire des vœux pour que soit épargné aux familles et à la Marine française un deuil particulièrement atroce.



















UNE ENTREVUE AVEC LES RESCAPÉS

Cherbourg, 8 juillet. Le hasard qui porte un nom que la discrétion professionnelle ne nous permet pas de lui donner, nous a permis d'avoir une courte entrevue avec la plupart des rescapés. Voici sans phrases inutiles ce que ces braves gens nous ont raconté Le deuxième maitre Gouasguen qui se porte à merveille se trouvait vers midi sur le pont lorsqu'on l'appela à l'intérieur pour aller manger. 



Il descendit au carré mais par une chance providentielle Il ne trouva point de place et remonta sur le pont. Il commençait à rouler une cigarette lorsque aussitôt une voix, qui doit être celle du commandant. cria «Tout le monde en bas Fermez les panneaux ». Sur les vingt ou vingt-cinq, nous a dit M. Gouasguen, qui se trouvaient sur le pont, plusieurs descendirent aussitôt. D'autres, dont j'étais, restèrent et se mirent en devoir de fermer les panneaux à coups de pieds. Tous furent fermés, sauf un qui résista. D'ailleurs il était trop tard Dès ce moment le sous-marin s'enfonçait par l'arrière, où, comme nous disons en terme de métier, descendait en charrue. Je sautai à la baille comme les camarades. Je réussis à envoyer promener mes chaussures et à nager puis a attraper une bouée. Sur cette bouée et sur une autre plusieurs camarades s'étaient de leur côté agrippés.
Pendant ce temps, le commandant Couespel du Mesnil et l'enseigne Bienvenu nageaient vigoureusement et faisaient les efforts les plus méritoires et les plus dignes d'éloges pour porter secours à des hommes qui se noyaient. e Je me souviens surtout d'avoir vu l'enseigne de vaisseau Bienvenu porter secours à M Bouthier qui. frappé de congestion ne put se maintenir que quelques secondes et coula.

Les recherches
Le premier patron Prigent de son côté venait de manger et remontait sur le pont. n fut surpris par la soudainetè de l'événement et reste obstinément muet sur les raisons qui. selon lui, ont pu motiver la catastrophe. Le matelot Gattepallle, un grand gaillard qui hier semblait assez sérieusement atteint par son séjour à la mer, va maintenant fort bien. Il mangeait sa gamelle sur le pont lorsque retentit l'ordre du branlebas. Il se précipita lui aussi pour fermer les panneaux à coups de pieds et se trouva lancé à la mer avant d'avoir pu savoir exactement ce qui se passait. Le matelot Thérart, qui hier ne semblait pas se sentir de sa périlleuse aventure, faisait, hier après-midi, un peu de fièvre, mais son état ne présentait aucune inquiétude et nous n'avons pas insisté pour le fatiguer outre mesure.


Le quartier -maître Carpentier était de quart au moteur Diésel. Il venait de manger et au lieu de rentrer très vite à l'intérieur, il resta quelques secondes à prendre l'air sur le pont e DVllleurs. dit-il le navire marhait. avec ses moteurs électriques et ma présence en bas n'était pas absolument nécessaire. J'entendis l'ordre de branlebas et l'ordre prescrivant à tout le monde de descendre en bas et de fermer les panneaux. J'exécutai une partie de l'ordre comme mes camarades. mais je me trouvai tout de suite à la mer et vis le navire qui s'enfonçait par l'arrière

Le commandant Couespel du Mesnil dont tous les hommes s'accordent à vanter la belle tenue se montre, on le conçoit, extrêmement réservé. Tout d'abord il affirme n'avoir rien à ajouter à ce qu'il a dit primitivement, n se trouvait au fond du Prométhée lors- qu'un bruit qui lui paru anormal se fit entendre sur le pont
e
Bouée marquant l'épave
x
« Ma première pensée, dit-il, fut qu'un homme était tombé à la mer et je me précipitai pour procéder aux opérations de sauvetage. Lorsque j'arrivai sur le pont je vis tout de suite le danger et je commandai de fermer tous les panneaux. Je sais qu'à ce moment il y avait quinze à dix-sept hommes sur le pont, mais je ne saurais dire le nombre exact de ceux qui furent noyés



On a pu trouver étrange, dit le commandant, que je ne sois pas descendu dans le sous-marin. Je dois faire observer qu'à mon avis mon devoir était de rester sur le pont le dernier jusqu'à ce que la manœuvre commandée fût achevée et de descendre ensuite à l'Intérieur du Prométhée. Malheureusement la catastrophe s'est produite tellement vite que je n'ai pas eu le temps de mettre mon projet à exécution et que je me suis trouvé moi-même lancé à la mer. J'ai alors nagé pour porter secours à mes hommes et rallié une bouée où se trouvaient déjà Gattepaille et Prigent. »

Le matelot Lecarpentier, dont nous parlons plus haut, nous a répété à diverses reprises que la catastrophe s'était produite en un temps maximum de 30 à 40 secondes.

Nous n'avons pu rencontrer l'enseigne Bienvenu qui était allé le matin avec l'Ailette pour procéder aux travaux de recherches du sous-marin disparu, mais nous tenons à dire que tous les marins que nous avons rencontrés sont unanimes à vanter son courage intrépide et à faire de lui le plus vif éloge.






La manœuvre intempestive
La preuve est maintenant faite, de la manière la plus indiscutable, que la catastrophe du Prométhée, qui a causé la mort de 62 hommes et entraîné la perte d'un navire tout neuf, dont le pays pouvait avoir besoin, est due, suivant les paroles mêmes du commissaire-rapporteur à une manœuvre intempestive du robinet de sectionnement des vannes Morin » accomplie par erreur (tout à fait en dehors du commandant du Prométhée qui n'avait guère que la direction de la route du bâtiment) par un des disparus resté forcément inconnu et qui, dit encore le rapporteur, peu familiarisé avec la manœuvre, aura fermé par mégarde au lieu de la purge un sectionnement beaucoup plus apparent que celle-ci qui est placée près du parquet ».



Pdt Henriot Georges Leygues



cérémonie en l'honneur des victimes


Les recherches Jules Verne

Sources

L'Ouest-Eclair 


Gallica BnF

L'Illustration 23 juillet 1932 n° 4664


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