Capitaine ROUX Dieu le Conduise

au Capitaine ROUX 

Dieu le Conduise 

Une BD parue en mars 2019 évoque la peste à Marseille. Elle reprend un ouvrage posthume de Pagnol et finalement peu connu.

Pagnol avait souvent conté à ses amis le récit imaginaire de cet épisode de la peste de Marseille en 1720 : face à l'épidémie, un quartier de Marseille s'isole et s'organise autour de Maître Pancrace : visite et soin des malades, décompte des morts... Pagnol place ce récit dans la bouche du personnage de Monsieur Sylvain.

Scénario : SERGE SCOTTO, Eric STOFFEL, Samuel WAMBRE
Dessin : Samuel WAMBRE
Couleur : Samuel WAMBRE

Cette BD va nous permettre d'évoquer le commerce marseillais, les courriers transportés par la mer, désinfectés et fumigués.

Lettre de Marseille du 3 mars 1825 adressée par Double frère de Marseille (la seconde ligne de la signature est difficilement lisible) aux établissements Bousquet et fils à Agde. Le transitaire d'Agde aura la charge d'acheminer des balles de coton de laine vers Limoges à un nommé Montégut.

Le pli porte la suscription  « Par Cap. Roux D.L.C.» (Dieu le Conduise).

Nous appellerons cette lettre une lettre talisman.

Elle est remise à un capitaine de bateau ici le capitaine Roux, elle n'emprunte pas la voie terrestre mais la voie maritime... A la grâce de Dieu... Advienne ce qui devra advenir... Prions pour qu'elle arrive. Pendant des siècles les dangers ont été grands en Méditerranée... le vent et la mer... les ennemis, les Anglais, les corsaires, les barbaresques. 

Lettre pliée en trois dans le sens de la hauteur puis en trois dans le sens de la longueur . Elle est ensuite refermée et scellée par un sceau de cire. 

Mais les aléas de la navigation ne sont pas les seuls éléments à effrayer la population maritime... La Peste... la maladie ont tué, tuent des milliers de personnes. Des tissus importés, des moustiques véhiculent les maladies. Les médecins ne connaissent pas encore les vecteurs du palu ou de la fièvre jaune.
On va désinfecter le courrier en pensant qu'il porte maladies et mort.

Au début du 19e siècle, la peste ne sera plus la seule maladie qui justifie la désinfection des correspondances et des marchandises. En effet, plusieurs épidémies de fièvre jaune survinrent en Espagne entre 1800 et 1821 :
à Cadix (1800-1801, puis 1803-1805) et dans plusieurs villes d’Andalousie et surtout à Barcelone (1821) où l’épidémie de fièvre jaune fut improprement dénommée « peste de Barcelone ». 

Ces épidémies de fièvre jaune sont dues à l’importation de la maladie par les moustiques infectés présents dans la cale de navires venant d’Amérique centrale, en particulier de La Havane. On verra même que sous l'empire plusieurs capitaine d'Agde refusèrent d'aller à Barcelone.

La désinfection des lettres que l’on peut se hasarder à appeler « Prophylaxie postale des épidémies » s’intègre dans le cadre d’un ensemble de mesures qui définit le « système quarantenaire » imaginé dès la fin du 14e par Bernabo Visconti à Reggio-Émilie, puis dans d’autres villes comme Raguse (actuellement Dubrovnik), Venise, Gênes, Marseille, Trieste, Ancône, Naples, Livourne, Toulon, puis, plus tard, dans les ports de l’Atlantique, Bordeaux en particulier, et ceux de la Mer du Nord. 

Ce système quarantenaire qui persista en France jusqu’à la fin du 20e siècle, remplacé par le «Règlement sanitaire international » élaboré à partir de 1845, fut aboli beaucoup plus tôt par les Britanniques car jugé obsolète et entravant le commerce. 

Marseille le 3 mars 1825

"Nous avons chargé à votre adresse suivant le connaissement inclus, sur la goélette du cap. Roux..." dont nous ne connaissons pas le nom 6 balles de coton pour le compte de Mr Montégut l'ainé de Limoges.

Le connaissement est un bon de chargement, de fret et c'est le document qui matérialise le contrat de transport maritime conclu entre le chargeur et le transporteur maritime. Il est également un titre représentatif des marchandises. (ML DT N° 6). Ce document inclus dans la lettre à l'origine ne nous est pas parvenu;

Suspicion de désinfection

La lettre porte plusieurs trous, peut être faits par un râteau sorte de fourchette; qui permettaient faire rentrer les produits désinfectant dans le courrier.

Il s'ensuit de taches et/ou de décoloration plus ou moins marquées affectant la suscription et/ou le texte intérieur jusqu’à le rendre, parfois, difficile à lire. 

Le vinaigre donne lieu à des taches disséminées à bords irréguliers, de tonalité allant du jaune au marron avec tous les dégradés possibles . Les fumigations donnent au papier une coloration allant de l’ocre jaune au marron, en fonction des compositions utilisées et de l’emploi (ou non) de la flamme. 

https://www.legeneraliste.fr/horizons/article/2018/07/14/la-desinfection-du-courrier-du-xve-au-xixe-siecle_315415