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10 février 2014

Baba Merzoug, un canon algérois renommé la Consulaire en souvenir du Consul Vacher Arsenal Brest Finistère Bretagne

Brest Baba Merzoug dite La Consulaire, 
une histoire canon

J'ai repris et modifié cet article paru en 2008 suite à la préparation d'un nouvel article sur Duquesne. Il me semblait bon de revenir sur ce canon dont l'histoire est exceptionnelle.

La Consulaire Brest photo JM Bergougniou

En 1509, le roi Ferdinand d'Aragon fait occuper Oran, puis contraint, en 1511, Al-Djazaïr à signer un traité reconnaissant l'autonomie de la ville, à condition que les Barbaresques renoncent à leurs actes de piraterie sur les côtes espagnoles et à la mise en esclavage des chrétiens capturés en mer. 

Base de la colonne
photo JM Bergougniou

Mais, à peine dix ans plus tard, les Barbaresques s'offusquent de cette domination et engagent le corsaire turc Aroudj - plus célèbre sous le nom de Barberousse - pour déloger les infidèles. Celui-ci échoue en raison de la faiblesse de ses canons. Mais son frère Khayr al-Din, surnommé lui aussi Barberousse, parvient à les chasser, en 1529, avant de prendre le pouvoir comme souverain d'Alger. Cette date marque une nouvelle ère de prospérité dans l'histoire d'Al- Djazaïr, capitale des corsaires turcs et province extrême-occidentale de l'Empire ottoman.

Le Coq la patte sur le boulet
photo JM Bergougniou
Khayr al-Din, puis son successeur Hassan fortifient la ville, la dotant de murailles exceptionnelles, de forts et d'une série de puissantes batteries de marine. C'est notamment grâce à ces travaux de génie qu'en 1540 la ville repousse l'armada de l'empereur Charles Quint, venu en personne récupérer ses possessions et venger la défaite. En 1542, pour célébrer la fin des travaux, Hassan fait fabriquer un énorme canon par un fondeur vénitien.


Selon d'autres sources, ce canon aurait été pris lors de la bataille de Pavie à François Ier par Charles Quint. Celui-ci ayant bombardé Alger en 1541 et surpris par une tempête, il aurait abandonné son artillerie, ce qui expliquerait ses inscriptions et sa similarité avec d'autres canons contemporains
Longue de 7 mètres, d'une portée de 4 872 mètres - exceptionnelle pour l'époque - cette arme est baptisée «Baba Merzoug» (Père fortuné) par les Turcs.
Baba Merzoug photo JM Bergougniou

Dirigé vers la pointe Pescade, servi par une équipe de quatre artilleurs, Baba Merzoug interdisait dorénavant à tout navire ennemi l'accès à la rade d'Alger.
Un siècle et demi plus tard, en 1682, les Algériens sont devenus les maîtres de la Méditerranée, après avoir dicté aux Hollandais et aux Anglais des pactes de non-agression. Cette année-là, ils capturent une frégate de la marine royale française et vendent son commandant comme esclave. 


Louis XIV, soucieux de rester en lumière, réagit en envoyant l'amiral Abraham Duquesne, à la tête d'une expédition punitive d'une centaine de navires, bombarder la Ville blanche en 1683. Cette fois-ci, les chrétiens sont équipés de bombes et de boulets incendiaires. La puissance de feu des Français fait plier le dey Baba Hassan, qui demande un armistice et l'ouverture de négociations.

photo JM Bergougniou


L'intermédiaire qui monte à bord du vaisseau amiral est le révérend père Le Vacher, consul du roi à Alger depuis 1671. Duquesne exige et obtient la libération de tous les captifs chrétiens. Ce qui fut fait, à quelques-uns près. Mais un certain Mezzo Morto, un riche Algérois, fomente alors un complot, assassine le dey et ligue la population contre l'ennemi. Trahi, l'amiral reprend les bombardements.

Mezzo Morto, devenu le nouveau dey, inaugure alors une méthode de représailles restée célèbre: le consul Le Vacher, revenu à terre entre-temps, est accusé de traîtrise, puis ligoté et mené au port. Là, les artilleurs braquent l'énorme canon Baba Merzoug vers le vaisseau amiral de la flotte française. Ils placent le consul devant la bouche, puis font feu.


Depuis ce jour, la marine française appelle ce canon «la Consulaire», en mémoire du diplomate martyr. 




Après lui, de nombreux autres malchanceux subirent le même sort, et la réputation du canon s'en trouva d'autant grandie. In fine, l'armada de Duquesne rentra en France sans avoir soumis les Algérois.


Base de la colonne  l'Afrique
Photo JM Bergougniou

Au début du XIXe siècle, le rapport des forces a changé. La France, et en particulier Marseille, commerce avec la régence turque d'Alger depuis plusieurs décennies. Mais, en 1827, la célèbre «affaire de l'éventail» met le feu aux poudres entre les deux pays. L'histoire officielle rapporte, encore aujourd'hui, que le dey Hussein Pacha souffleta le consul de France avec son chasse-mouches, lors d'une discussion envenimée à propos d'une dette entre commerçants. Et que Charles X décida de conquérir Alger pour laver l'affront et sécuriser les mers. Il est plus probable que les notables de la Restauration eurent des arrière-pensées coloniales, voire l'envie de faire main basse sur l'or accumulé dans la Casbah. Déjà, à l'époque, des voix influentes s'élèvent contre ce projet, soit pour des raisons morales, soit par crainte du gouffre financier qu'une telle aventure allait sûrement provoquer.


Symboles de la marine
photo JM Bergougniou

En l'espace de trois ans, les généraux français préparent minutieusement l'attaque de la Ville blanche. En mai 1830, une flotte hétéroclite de 675 navires se rassemble à Toulon, avec à bord un corps expéditionnaire de 37 000 soldats, 40 interprètes, une troupe de peintres et d'écrivains destinés à populariser les faits d'armes… Partie le 25 mai, l'expédition affronte une mer déchaînée au large et fait demi-tour. La flotte fait escale à Majorque, on craint déjà l'échec. Mais deux semaines plus tard, le 14 juin, les troupes débarquent à Sidi-Ferruch, hors de portée des batteries du fort d'Alger et de la Consulaire. Le 5 juillet 1830, à 9 heures du matin, la Casbah, son trésor et ses canons sont pris d'assaut et conquis. Le régime chancelant de Charles X et celui, à venir, de Louis-Philippe se partagent les millions issus du pillage de la ville, tandis que la plupart des canons ottomans sont fondus et transformés en francs nouveaux.

photo JM Bergougniou

L'amiral en chef de l'armada, Victor-Guy Duperré, lui, n'avait pas oublié l'histoire de la Consulaire. Originaire de Brest, il fait transférer le canon en Bretagne, où il est érigé en «colonne votive» dans l'arsenal, le 27 juillet 1833. Un an plus tard, par l'ordonnance du 22 juillet 1834, l'Algérie devient officiellement «possession française en Afrique du Nord». Aujourd'hui, les promeneurs qui empruntent le pont de la Recouvrance, à Brest, peuvent voir en surplomb le canon planté au milieu d'un parking de la zone militaire. Le curieux autorisé à s'approcher y découvre un monument un peu piteux, l'affût recouvert d'une sorte d'emplâtre jauni. Puis une grille rouillée autour d'un socle carré en marbre de Labor. Sur les côtés, des gravures en bronze commémorent l'histoire. Sur la plus démodée, on peut lire: «L'Afrique délivrée, vivifiée, éclairée par les bienfaits de la France et de la civilisation».


photo JM Bergougniou
Et, au sommet du canon, un coq gaulois doré pose une patte sur une sorte de boulet. Il s'agissait, semble-t-il, de symboliser la France dominant le monde! Il n'est, en revanche, nulle part évoqué cette pétition d'anciens de l'armée d'Afrique qui réclamaient en 1912, déjà, le retour du canon à Alger. A l'époque, le maire de Brest et la presse locale s'étaient battus bec et ongles pour conserver le glorieux butin.

Photos JM Bergougniou

Source : L'Express

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