04 octobre 2024

amiral Mouchez SAINT-PAUL TRANSIT DE VÉNUS 1874 premier jour 21 septembre 2024 TAAF

amiral Mouchez SAINT-PAUL TRANSIT DE VÉNUS 1874


1er jour 21-09-2024



L’Académie des Sciences, vivement préoccupée, comme toutes les Sociétés savantes de l’Europe, du grand événement astronomique qui devait signaler l’année 1874, nomma, en janvier 1870, une Commission chargée d’étudier la part que la France devait prendre dans ce concours scientifique de toutes les nations.

Le personnel d’ouvriers et de marins, choisi avec le plus grand soin parmi les meilleurs hommes de la flotte, était peu nombreux, mais composé de sujets tout à fait d’élite, ce qui était indispensable pour pouvoir surmonter les difficultés d’une installation aussi compliquée sur un rocher dénué de toute ressource. Voici la liste complète du personnel de la mission de l’ile Saint- Paul : MM. MOUCHEZ, capitaine de vaisseau, chef de la mission. TURQUET DE BEAUREGARD, lieutenant de vaisseau. ROCHEFORT, médecin de la marine. CAZIN, professeur de Physique au lycée Fontanes, photographe. VÉLAIN, géologue (Sorbonne). DE L’ISLE, naturaliste (Muséum). Saint-Martin, sergent-fourrier timonier. Constans, second-maître mécanicien. Galy-Patit, quartier-maître mécanicien. Le Maître, quartier-maître mécanicien. Mouny, quartier-maître charpentier. MM. Bergot, matelot gabier. Villaume, matelot timonier. Chaline, matelot timonier. Delaunay, matelot charpentier. Albertini, matelot charpentier. Callot, matelot voilier. Favre, cuisinier de la mission. Legros, ouvrier maçon. L’Hermitte, boulanger. 

Les derniers préparatifs de départ étant terminés dans le courant de juillet, la mission de l’ile Saint-Paul quitta Paris le 28. J’étais accompagné de MM. Cazin, Vélain, Rochefort et de l’Isle; M. Turquet et le mécanicien Constans étaient partis depuis trois jours, avec notre collection d’instruments, dont ils devaient surveiller l’embarquement à Marseille. Cette opération se fit du reste sans la moindre avarie, grâce au bienveillant concours de tous les agents des Messageries maritimes, dont nous ne saurions trop reconnaître les bons offices dans toutes les circonstances où nous avons eu occasion d’avoir recours à leurs services, soit à l’aller, soit au retour. Le 2 août, au matin, nous embarquions sur le paquebot L' Amazone, capitaine Pointel, et à 10 heures nous faisions route pour Suez, après avoir réglé les cinq chronomètres que nous emportions avec nous et que nous devions suivre pendant toute la traversée jusqu’à Saint-Paul. L’Amazone était un de ces grands et magnifiques paquebots, de marche supérieure, comme tous ceux qui desservent maintenant les principales lignes de notre beau service des Messageries maritimes. La traversée se fit avec une vitesse moyenne de 1 3 nœuds; le temps fut superbe. Le 4 nous nous arrêtions à Naples, de 4 heures à 8 heures du matin; le 8, nous entrions à Port-Saïd, où quelques heures étaient employées à compléter l'approvisionnement de combustible; je profitai de cette occasion pour déterminer l’état absolu de nos montres; toutes les observations relatives aux chronomètres ont toujours été faites en double par M. Turquet et par moi avec des instruments différents, cercle et sextant, afin d’éviter toute chance d’erreur... 

Nous n’avons pas négligé une seule fois d’opérer ainsi pendant tout le cours de notre navigation. Le 9, nous traversions le canal de Suez, et nous pénétrions, après huit jours de la navigation la plus douce et la plus rapide, dans ce golfe de la mer Rouge, naguère si peu connu, si désert, et aujourd’hui si fréquenté... En quatre jours nous franchissions les 400 lieues de la mer Rouge, si fatigante à traverser à cette époque de l’année, à cause des hautes températures qu’on y rencontre; à l’intérieur du navire, où la chaleur est encore augmentée par celle des 4o à 5o tonneaux de combustible consommés journellement pour la marche, le thermomètre se maintient à 36 ou 38 degrés; beaucoup de passagers sont si fortement impressionnés par ces grandes chaleurs, que les morts subites ne sont pas rares pendant cette traversée. L’extrême rapidité avec laquelle la navigation moderne vous transporte à travers les climats les plus divers, faisant passer en huit jours des zones froides ou tempérées de l’Europe à la zone torride de la mer Rouge, a créé un véritable danger pour les personnes dont le tempérament n’est pas doué d’une suffisante élasticité; pendant le court intervalle qui sépare de si brusques transitions, l’équilibre rompu des fonctions vitales n’a pas le temps de se rétablir, et les maladies inflammatoires subites, les congestions cérébrales, en sont les trop fréquentes conséquences.

La mousson de sud-ouest nous quitte près de l’équateur; la route devient alors plusrapide, et le 29août nous arrivons sur la rade de Saint-Denis, ou nous rencontrons le transport de l’Etat la Dives, mis sous mes ordres par le Ministre de la Marine pour toute la durée de la mission. Ce bâtiment nous attendait, déjà prêt à partir, ayant à bord le personnel d’ouvriers et de marins, le matériel et les vivres arrivés depuis plus d’un mois par navire de commerce. La Dives me paraît parfaitement disposée pour la mission qu’elle va remplir; son capitaine, M. le lieutenant de vaisseau Le Bourguignon-Duperré, et ses officiers m’offrent spontanément leur concours pour tous nos travaux.

Il allait être nécessaire cle transporter, le jour même, sur la Dives nos colis d’instruments, contenus dans la cale du Dupleix, qui repartait quelques heures après pour Maurice, terme de son voyage ; mais la mer était assez mauvaise, comme d’habitude, sur cette rade foraine de Saint-Denis. Le capitaine du paquebot ne me dissimulait pas qu’il craignait de faire des avaries dans le transbordement et de perdre même quelques colis, comme cela lui arrivait trop fréquemment pendant la mauvaise saison...




La Dives était incapable de lutter contre ces vents, et nous pouvions être obligés de faire un détour de 5oo à Goo lieues dans les vents alizés pour regagner une cinquantaine de lieues perdues dans cette zone des vents d’ouest; aussi, la brise m’ayant paru diminuer un peu vers midi et le ciel s’embellir, je fis allumer les 11 feux et faire immédiatement route pour le mouillage qui, situé dans l’est de l’île, près de la coupée du cratère, me semblait assez bien abrité contre ces vents de sud-ouest pour nous permettre de tenir sur nos ancres jusqu’au premier beau jour. Poussés par le vent et le courant, nous approchons rapidement de l’ile, que nous découvrons droit devant nous au milieu d’une éclaircie dans la brume à 5 heures du soir, nous doublons à une petite distance les falaises de la pointe nord et quelques moments après nous laissons tomber l’ancre au pied des hautes falaises qui forment les deux côtés delà coupée du cratère. 



Comme il était trop tard pour descendre à terre, notre première exploration fut forcément remise au lendemain matin. Rien ne saurait donner l’idée du sombre et sauvage aspect des lieux qui venaient de s’offrir subitement à nos regards quand nous contournâmes ce rocher abrupte, au pied duquel nous venions de nous arrêter et qui allait devenir notre séjour pendant trois ou quatre mois. Il faisait presque nuit, nous étions dominés à très petite distance par des falaises nues et à pic, de 200 à 3oo mètres de hauteur, dont les crêtes aiguës déchiraient les nuages bas et sombres, courant avec une extrême rapidité au-dessus de nos têtes ; le vent accompagné de grêle et de pluie tombait de temps à autre, par violentes rafales, dans le bassin du cratère ou il soulevait de nombreuses colonnes d’eau, véritables petits cyclones de 10 à 20 mètres de hauteur, parcourant ce bassin dans différentes directions; nous avions cru un instant être témoins d’une éruption d’eau et de vapeur au centre du volcan. 



La Dives inclinait sous ces cascades de vent, tombant tantôt d’un bord, tantôt de l’autre sous une inclinaison de 45 degrés, et fatiguait beaucoup son ancre, bien que la très-grande proximité de la côte rendît la mer assez belle; mais on voyait d’énormes vagues bondir et écumer à quelques encablures du navire, tant était restreint l’étroit espace abrité dans lequel nous avions trouvé ce précaire refuge; quelques rares oiseaux de mer, bien surpris de notre présence, vinrent planer à quelques mètres autour de nous, comme ils le font dans toutes les localités où ils ne sont pas habitués à la présence de l’homme, puis retournèrent à la côte en poussant leurs cris aigus: c’étaient les seuls êtres vivants qui animaient cette solitude. On distinguait vaguement à terre, sur le revers intérieur du cratère, quelques vestiges de cabanes, et de nombreux débris de naufrages d’un sinistre augure; puis, au milieu de l’étroite passe par laquelle on pénétrait dans le cratère, l’énorme carcasse de la frégate anglaise Mégéra, presque entièrement à sec, éventrée par le vent et les vagues, entourée de ses nombreux débris et de ses chaudières à fleur d’eau, sur lesquels la mer brisait comme sur un amas de rochers; couchée sur le flanc de tribord, elle offrait encore une masse de 7 à 8 mètres de hauteur et de 4o à 5o mètres de longueur; elle avait résisté depuis trois ans à tous les ras de marée et à toutes les tempêtes, mais elle devait disparaître dans celle qui allait nous assaillir deux jours après et rendre notre position si critique. Inquiet des secousses qu’éprouvait le navire, inquiet de l’apparence du temps et des grandes difficultés de débarquement que je prévoyais, j’attendis l’arrivée du jour avec une bien vive impatience pour reconnaître de plus près la localité et les obstacles que j’aurais à surmonter. 

Île Saint-Paul vue aérienne © JM Bergougniou

Premier débarquement. — Au point du jour, conduits par nos six pêcheurs malgaches, qui allaient reprendre immédiatement possession des ruines de leur cabane de l’année précédente, nous franchissions sans accident, entre deux grosses lames, la barre du cratère, en suivant le chenal le plus profond au milieu des débris de la Mégéra, et nous nous dirigions vers la pêcherie située à l’origine de la jetée nord, seul endroit de toute l’île où l’on pouvait débarquer sur un terrain présentant quelques mètres de surface horizontale.



  Nous nous trouvions subitement transportés dans un splendide bassin circulaire de 1200 mètres de diamètre et de 200 à 3oo mètres de hauteur verticale, aux. eaux calmes et profondes, qui formerait un des plus surs ports du monde si, sur une étendue de 80 à 100 mètres, la passe pouvait être creusée de 6 à 7 mètres, afin de donner accès , aux grands navires; dans l’état actuel, des bateaux de 2 à 3 mètres de tirant d’eau au plus peuvent y pénétrer en profitant de la pleine mer.

A lire sur envelopmer 

Tunisie le palais du Bardo mars 2015 Amiral Mouchez et observatoire de Montsouris Marine nationale Tunis 

https://envelopmer.blogspot.com/2011/12/amiral-mouchez-hydrographe-de-la-marine.html

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