Amiral Bouvet et Saint-Servan
Mairie de Saint-Servan Photo JM Bergougniou |
Monument de l'amiral Bouvet (De notre correspondant par téléphone) Saint-Servan, 2 septembre, 6 h.)
Les cérémonies officielles que nous avons annoncées ont débuté ce matin par une messe solennelle célébrée à la mémoire des marins morts pour la patrie. M. l'abbé Mathurin a prononcé l'éloge funèbre de l'amiral Bouvet. Son allocution émouvante produit sur l'auditoire la plus profonde impression.
Cependant, dans l'assistance nombreuse qui ss pressait sous les voutes da l'église trop étroite un sentiment pénible se faisait jour, et il s'est exprimé la sortie en termes peu flatteurs pour les autorité; locales et pour le gouvernement tout entier. Nous regrettons au début de ce compte-rendu qui ne contiendra par ailleurs que des éloges très mérités d'avoir à signaler l'attitude incompréhensible du préfet d'Ille et Vilaine et du sous préfet de Saint -Malo, qui tous deux avaient cru digne ou prudent de s'abstenir d'assister à la cérémonie religieuse.
Buste de l'amiral Bouvet Saint-Servan Photo JM Bergougniou |
Buste de l'amiral Bouvet Saint-Servan Photo JM Bergougniou |
Théodore Botrel, c'est tout dire, a obtenu un succès de larmes. Tous les cœurs ont battu à ses accents.
Sous les Halles, la grande matinée littéraire a confirmé le succès du Barde breton.
Botrel a tenu, en publiant dans nos colonnes, des la première heure ce morceau épique, à faire participer, en quelque sorte la Bretagne entière 1 la fête splendide qui groupe tous les Bretons autour de la patrie héroïque comme le congrès de Guingamp groupe autour de la patrie poétique tous ceux qui veulent conserver intact le patrimoine des traditions de la race. Aux cris des matelots manœuvrant leurs gabarres,
Au son des carillons du vieux clocher fervent,, Aux bruits de foule en marche au rythme des fanfares
Et des drapeaux claquant au vent. Aleth s'est, tout à coup, ce matin réveillée
Je l'ai vue, Elle qui, depuis des siècles, dort, Les deux pieds dans la nuit, la tête ensoleillée
Surgir derrière Solidor La Celte rude et belle avait un œil farouche Où l'on voyait passer un éclair aveuglant, Et ses longs cheveux roux flamboyaient, et sa bouche Tremblait de colère en parlant
Elle disait « Pourquoi ne me laisser seule? Pourquoi venir troubler le Rêve décevant
De Celle-là qui fut de Saint-Malo l'aïeule Et la mère de Saint-Servan ?
D'où vient-on ? De la Mer ou bien de la Campagne ? Et qui vient ? Est-ce encore César et les Romains ? Est-ce Roland guidant la Marche de Bretagne Ou bien les Normands inhumains ? Sont-ce les Ducs Bretons ou les Princes de France Qui repoussent l'Anglais traître comme un félin ?
Monument à l'amiral Bouvet Saint-Servan Photo JM Bergougniou |
Et vais-je voir planer à nouveau sur la Rance L'aigle de Bertrand Duguesclin, Bien s'il en est ainsi, debout que l'on me donne Un des glaives fameux des aïeux triomphants
Et l'on verra comment une vieille Bretonne, Bataille et meurt pour ses enfants
et j'ai dit à l'Aïeule en secouant la tête Calme-toi calme-toi 1 c'est un hymne joyeux
Que l'ancestral écho du Clos-Poulet répète Avant de l'envoyer aux cieux 1
Les siècles ont passé de la cité les cloches Sonnent des Te Deums et non plus des tocsins
Et tu ne 'verras plus, dans le creux de tes roches, Les Normands ni les Sarrasins. Fanfares et canons fêtent à leur manière Un Héros comme ceux que tu chérissais tant Pour le fêter aussi, reste avec nous, grand-mère Ton petit-fils sera contentTu ne sais rien de lui, ni son nom, ni sa gloire, Mais, lui te connaissait, t'aimait et te servait
Et je vas, en deux mots, te raconter l'histoire De ton enfant, Pierre BouvetFils d'un héros, futur corsaire, Sur la flûte Le Nécessaire A dix ans il bravait les flots Et, penché sur les bastingages, Il parlait déjà d'abordages A ses amis les matelots Et le voilà sur l'Atalante La course était toujours trop lente Pour le valeureux lieutenant
Prisonnier de la flotte anglaise On l'échange et, tout à son aise, II construit son Entreprenant. Ah la felouque merveilleuse
Et comme elle a bien, l'orgueilleuse! Mérité de porter son nom Voyez-la, la brave petite, Prenant l'immense Marguerite Avec son unique canon
Avec Bouvet ils bourlinguèrent, Donnèrent leur sang, dévastèrent Dix vaisseaux, dont l'AméliaDe ces Bretons très fiers nous sommes Car ils étaient de rudes hommes Les matelots de ce temps-là Car Bouvet, sans relâche, affole Flotte Anglaise et flotte Espagnole Prend l'Idéros et l'Ovidor.
Prend le Néréïde et préserve Et le Bellonne et la Minerve Et le Ceylan et le Victor! Hanche à hanche lutte inouïe L'Africaine et l'Iphigénie Se bombardent un jour entier. Mais, à Bouvet toute la gloireA son bord il a la Victoire Pour pilote et pour timonier
Et puis, enfin, c'est l'Aréthuse, Chante en passait, ma pauvre Muse, La Mémoire de Danycan, De Duhautcilly, l'héroïque, Et de Desmarets, le stoïque, Tous nés-natifs de Saint Servan.
Mais, de Bonaparte occupée, La France ignora l'Epopée Du Mozambique et du Grand Port C'est alors que Bouvet s'écrie:
« Tonte ma gloire à la Patrie Et, pour moi, l'oubli dans la mort"Non, non jamais l'Oubli de sa grande aile sombre N'oserait effleurer ton front superbe et doux 1
Et nous verrons toujours hantés par ta chère Ombre La Flourie et le Glorieux 1
Un seul voile est tombé comme un linceul qui tombe Et te voilà, vivant, guidant notre vaisseau
Toi, qui voulus avoir Saint-Servan pour ta tombe Ne l'ayant pas eu pour berceau
Et tous les grands marins malouins et les nôtres Cartier, Protêt, Magon qui fut à TrafalgarDuguay, Surcouf, Cochet, Arondel et vingt autres Sont venus te rendre le quart »
Amiral disent-ils en leur parler sonore, Le navire La France est encore agité
Mais, dans les plis soyeux du drapeau tricolore, Souffle un vent de Fraternité 1
Regarde encor, Bouvet c'est Aleth, Elle-même, Qui franchit Solidor, traverse la Cité Et se penche vers toi pour le Baiser suprême Qui donne l'Immortalité 1
Oui, fêtons les Héros 1 Sonne plus haut, fanfare, Cloches, canons, chantez un hymne surhumainCar c'est en les fêtant, ceux d'Hier, qu'on prépare, Tous les grands Héros de Demain
C'est pourquoi j'ai voulu chanter aussi l'Ancêtre Pour faire tressaillir, plus fort, s'il se pouvait, Le cœur d'un Duguesclin qui m'écoute peut-être A côté d'un futur Bouvet
Théodore Botrel
Sources
L'Ouest-Eclair
https://www2.assemblee-nationale.fr/sycomore/fiche/(num_dept)/13290
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