Une nouvelle infiniment triste nous parvenait; l'autre mardi. Le capitaine Deullin venait de se tuer à Villacoublay au cours des essais d'un nouvel appareil.
L'accident s'est produit dans des conditions qui paraissent difficiles à déterminer.
Aussitôt après avoir pris le départ, Deullin gagnait une hauteur d'environ deux cents mètres, manœuvrant de telle sorte, qu'il semblait bien que la conduite de l'appareil lui inspirait toute confiance. Après quelques évolutions au-dessus de l'aérodrome, les spectateurs le perdirent de vue et tout à coup, le bruit du moteur cessa également de leur parvenir.
Un pilote qui se trouvait au point même de la chute nous a rapporté cette impression très nette que Deullin réduisait son moteur.
A ce moment, l'appareil était légèrement cabré, Puis, d'un seul coup, à une formidable vitesse, il s'enfonça dans le sol. Il s'en est fallu de peu — nous a- t-il déclaré — qu'il ne se redresse sur le dos avant de s'écraser.
Est-il besoin de dire avec quelle tristesse cette nouvelle perte a été ressentie par l'aviation française tout entière où le courage, la droiture, la valeur du ça plaine Deullin étaient unanimement reconnus et appréciés.
Aussi, vendredi dernier, au Val-de-Grâce, pendant les obsèques de cette noble victime, ils étaient nombreux ceux qui versèrent des pleurs à la poignante évocation du Général Duval et du Commandant Brocard, de ce que fut la vie de cet admirable pilote.
M. P.-E. Flandin au nom de l'Aéro-Club de France, MM. le Capitaine Fonck, Dumesnil et Laurent-Eynac Sous-Secrétaire d'Etat de l'Aéronautique exprimèrent également les regrets que laissent la disparition de la figure. noble entre toutes, qu'était le Capitaine Louis-Albert Deullin. Il semblerait en effet, comme l'exprimait M. le Général Duval, que la fatalité s'acharne sur nos meilleurs pilotes.
Avec le dévouement le plus absolu, le Capitaine Deullin mettait « la main à la pâte » soit pour essayer et mettre au point les nouveaux appareils en service sur la ligne, soit encore pour effectuer la reconnaissance des nouveaux itinéraires.
Ce n'est pas sans émotion, que nos lecteurs retrouveront dans la collection des Ailes le récit, d'une grande simplicité, que le Capitaine Deullin avait bien voulu nous donner de la splendide randonnée aérienne, Paris-Constantinople-Paris, randonnée qu'il avait si brillamment réussie de compagnie avec L. de Marmier.
Doué d'une prodigieuse activité, il avait tenu à mettre au point un nouvel avion de chasse, œnvre d'un jeune ingénieur de mérite. Les essais de cet appareil étaient impatiemment attendus. D'une conception très séduisante, il paraissait, en outre, avoir été parfaitement réalisé. Les essais statiques qui lui avaient été imposés et qui atteignaient dit-on. le coefficient 17 avaient été subis avec le plus grand succès.
Aussi quand on songe avec quelle science l'engin fut établi, on ne peut que déplorer davantage le malheur qui est survenu. Malheur irréparable pour la perte du merveilleux pilote, de l'éminent technicien, de la belle figure française qu'était le Capitaine Deullin. Malheur qui atteint aveuglément aussi un ingénieur d'avenir et un constructeur qui, depuis les temps les plus reculés des débuts de l'aviation, n'a pas hésité à soutenir d'intéressantes conceptions.