Croiseur Jeanne d'Arc Pierre Le Conte
DE TRIBORD A BABORD
Successivement, le Jean-Bart, la Renommée, la Florc, l'Iphigénie, le Duquay-Trouin. la Jeanne-d'Arc et l'Edgar-QuineL furent, depuis la créa-,tion de l'Ecole d'application, transfor- mes et spécialement aménagés en croiseur éco:e. Lorsque l'ancienne Jeanne comme l'a,ppellent couramment toutes les promotions d'officiers formées depuis la guerre donna des signes de fatigue évidents. M. Leygues demanda au Parlement les crédits nécessaires à la réalisation d'un navire spécial qui, en temps de guerre. pourrait être utilisé comme croiseur. Mais cette suggestion fut repoussée par la Commission de la Marine au Sénat jusqu'en 1929, de sorte que la Marine dût envisager la transformation du Quinet en bateau école.
LE LANCEMENT DU CROISEUR-ECOLE JEANNE-D'ARC A SAINT-NAZAIRE
Saint-Nazaire, 14 février. \De notre rédaction)Une aube grise s'est levée sur Saint-Nazaire. Les averses vont se succéder au long de cette journée du 14 février qui verra le majestueux glissement du croiseur-école Jeunne d' Arc vers les flots de l'estuaire. Jeanne d'Arc Nom symbolique qui sonne comme un appel magique de ralliement. Mot d'espoir, sous lequel se cachent notre fierté patriotique et je ne sais quoi de confiant, de réconfortant. On se dit que la France est une bien grande nation, et fort belle aussi, qui a trouvé pour la sauver, aux heures des tocsins et des invasions, des enfants au sublime dévouement. Jeanne d' Arc Ces dix lettres d'or, tracées à la poupe du nouveau croiseur, vont faire tressaillir les Nazairiens pour qui la mise à l'eau » d'un navire est toujours spectacle de gala.
Avant que les officiels » ne les couvrent de fleurs, saluons les admirables artisans de ce chef-d'œuvre qui, demain, va faire acclamer, à la fois, dans les ports les plus lointains, la France et la Libératrice d'Orléans. J'ai nommé MM. Coqueret, directeur de notre grand chantier de Penhoët; Lambert, Pinczon, Conard, Papaud, Brayet, Caldaques, Cordier, Lavallée, Sée, Vailot, Bonneil, Caster, Fauconnier, Le Cam, Lerat. Prince, Tranié, Albiach, Revile, Nolde, Dechaume, Oreiet, Chevalier, les 26 Ingénieurs, les 165 chefs d'ateliers et contremaîtres, les 200 dessinateurs, les 50 tarificateurs. les 80 calqueurs, les 265 employés des services administratifs et les 5.000 ouvriers de Penhoët.
L'arrivée du train spécial Quatorze heures trente. A la gare P.-O., les officiels font les cent pas sur les quais, en attendant le train spécial. Il y a là MM. Mathivet, préfet; Vieillescazes, secrétaire général de la Préfecture, Butterlin, sous-préfet de Saint-Nazaire; Miqueau, chef de cabinet du préfet; Joubert, président de la Chambre de commerce, Brichaux, président honoraire, Foule, président du Conseil d'administration de la société des Chantiers de Penhoët, Coqueret, directeur de ces mêmes chantiers, Papaud, secrétaire général; Norguet, ingénieur en chef des services techniques de la marine, Davaux, directeur des Constructions navales à Brest, Théry ingénieur en chef du Génie maritime à St-Nazaire; Bonnisseau, ingénieur en chef du port de St-Nazaire Oranglen. chef de gare, etc..
La pluie ruisselle quand à 14 h. 32 le train spécial, composé de cinq voitures Pullmann et de deux fourgons, entre en gare. Des compartiments descendent M. Deligne, sous-secrétaire d'Etat à la Marine militaire, et Mme Deligne la femme du ministre de la Marine, Mme Leygues et ses petits-enfants Mme Fould. M. et Mme Levy, M. Paul Cyprien-Fabre, administrateur de Penhoët; M. Halphen, administrateur Mme et M. Olphe-Galliard, Mme et M. Olive, Mme et M. Maroyer, Mme et M. Danis, M. Martin, secrétaire général de l'Union des Cinq Chantiers le lieutenant de vaisseau Fontaine, officier d'ordonnance du ministre de la Marine Mme Darlan; l'amiral Dumont, sous-chef d'état-major au ministère de la Marine M. P. Tlssier, chef de cabinet de M. Deligne M. Jauch, ingénieur-mécanicien général de la Commission des essais M. Lelong. directeur central des constructions navales et Mme Lelong M. François, ingénieur général, chef du service technique des constructions navales M. Barrillon, ingénieur en chef du service technique des constructions navales MM. Antoine, Roquebert. Mellon, Reckel, ingénieurs-chefs du service technique des machines MM. Dumesnil, député; Rio, sénateur; Brard, sénateur; Morinaud, député: Martin-Binachon. sénateur et Mme Binachon BabinChevaye. sénateur, Le Cour Grandmaison, député Bréaut député Julien Labruyère et Mme Labruyère; Vergé. secrétaire général de la Chambre syndicale des constructeurs de navires: Laurent, président des Chantiers de France: Ziegler. administrateur Maurice. Raclot. administrateurs de ces mêmes chantiers: Quéant. chef de cabinet du ministre de la Marine marchande: de Boysson. sous-directeur du P.-O.: Cassel. attaché naval auprès de la légation de Suède, et Mme Cassel: Dupendant et Mme Dupendant: Boutllller. d'Amigny et Mme d'Amigny Henri Levy Sebille. Colomb. comtesse d'Harcourt, Mme Pastré. MM. Henri Homberg, de Boissieu,
Jacques Helbronner conseiller d'Etat jouis Bréguet, président de la compagnie Air-Union Pierre Nathan, loger Nathan et Mmes M. Pierre Olive et Mme Olive Mme André Lazard, M. Dieterlen et Mme Dieterlen, Mlle Lafourcade, M. Gangardel, administrateur des Armateurs français; M. Lestonnat, et une douzaine l'envoyés spéciaux de journaux ,de sous-secrétaire d'Etat et voyageurs lu train spécial, en quittant la gare se dirigent vers la Chambre de Commerce ou M. Joubert y souhaite la bienvenue et fait un résumé des grands travaux entrepris dans le port. Les notabilités signent ensuite sur le Livre d'or
Le « Jeanne d'Arc » prend possession de son élément
Dés 15 heures c'est vers Penhoët, un roulement ininterrompu d'autos et un Immense cheminement de foule. Le long de la cale ou repose le croiseur on a édifié une grande tribune. Une autre est nichée sur un échafaudage face à l'étrave du navire. Un ruban tricolore, auquel est suspendue une bouteille de champagne, relie symboliquement le Jeanne-d'Arc à cette tribune. Des photographes et des opérateurs de cinéma sont juchés sur toutes les éminences. Service d'ordre impeccable assuré par les gendarmes, les agents de la police municipale et les gardiens du chantier.
Parmi les personnalités présentes nous remarquons en dehors de celles du train spécial l'amiral Pirot préfet maritime de Brest et Mme Pirot; le contre-amiral Audouard, commandant de la marine à Lorient et Mme Audouard; le général Rondeau de Nantes et Mme Rondeau; M. Bertrand. ingénieur général, directeur des constructions navales à Lorient; Paquet, directeur du chantier de la Loire: Haas, sous-directeur; Dacremont, ingénieur de la surveillance de la marine à Nantes; Blancho, député maire de Saint-Nazaire et Mme Blanco Escurat, premier adjoint; Savy. secrétaire général de la mairie: Guyader, administrateur principal de la marine à Saint-Nazaire; Vincent. président du tribunal civil; Gasnier, président du tribunal de commerce: Bélier, procureur de la République: lieutenant de vaisseau Arder, commandant le sous-marin Achéron; Castairo, Techouayres, inspecteur principal des douanes; Fleury, Inspecteur départemental du travail à Nantes; Pelnard, Rotté, Guillouet, Nassiet. Jarniou. de la Chambre de commerce; Hamel. Rotté, conseillers techniques de la compagnie transatlantique Cambiaggio, directeur de l'Agence transatlantique de Saint-Nazaire Ducroux, Joly, Lafont, Haxias, Arminot, Valdès-Roig, doyen du corps consulaire et consul de Cuba. commandant Tixador, etc. etc.
Aux appels du clairon Fournier, des ouvriers font tomber deux par deux les accores qui soutiennent le croiseur. A 16 heures l'Harmonie Marceau, lance les notes allègres de la Marche Lorraine de Louis Ganne. Nous approchons de l'instant décisif. On entendu de grands coups sourds. Les chalumeaux promènent leurs flammes sifflantes sur les attaches métalliques qui retiennent la Jeanne-d'Arc. La sonnerie du « garde-à-vous » vibre. D'un geste gracieux Mme Leygues a coupé le ruban symbolique. La bouteille de champagne s'est brisée sur l'étrave du croiseur qui lentement d'abord. puis à une vitesse assez grande, drapeaux déployés, glisse vers les eaux de l'estuaire.
Il est 16 h. 10. la Marseillaise éclate. Des têtes se découvrent. Des applaudissements crépitent. L'opération a merveilleusement réussi. C'est après ces minutes émouvantes, la pittoresque pêche au suif. Des remorqueurs viennent prendre le croiseur et l'emmènent vers la nouvelle entrée du port.
Un banquet de 230 couverts a été servi à 19 heures dans la salle des fêtes du chantier de Penhoët, par les soins de M. Meng, propriétaire du Grand Hôtel. Une statue équestre de Jeanne-d'Arc figurait à la place d'honneur, derrière un amoncellement de plantes vertes et de draperies aux couleurs de l'héroïne. Un orchestre que dirigeait M. Cadayé. a exécuté un programme musical d'une rare perfection.
Des discours furent prononcés par MM. Mathivet. préfet de la Loire-Inférieure; René Fould, président de in Société des Chantiers de Penhoët et par M Deligne, sous-secrétaire d'Etat à la Marine militaire. Celui-ci a annoncé que M. Coqueret, directeur des chantiers de Penhoët, allait recevoir la rosette de la Légion d'honneur l'autre part, M. Daniel, chef de groupe iu bureau des études, qui a mis au point les catapultes de Penhoët. aura la croix de chevalier
J. Montarou
Saint-Nazaire
En 1929, d’importants travaux de terrassement sont engagés en bordure de l’estuaire de la Loire pour la construction de la forme Joubert, un ouvrage en béton armé de dimensions jusqu’alors inégalées – 350 mètres de long, 53 mètres de large et 16 mètres de profondeur –, dont l’étude a été confiée en 1927 à la société Holzmann de Francfort-sur-le-Main. Les déblais vont permettre de gagner 7 hectares sur l’estuaire. Sur ce terre-plein est aménagée une cale de 300 mètres de long destinée à accueillir le chantier du Normandie, la commande du transatlantique étant étroitement liée à la construction de la forme Joubert qui va nécessiter trois ans de travaux et permettra ultérieurement de caréner le grand paquebot.Avec ses chaudières à mazout relayées par des turbines, développant une puissance de 32500 CV, sa vitesse de 25 noeuds (le bâtiment soutint des pointes de 27,8 noeuds aux essais pendant 3 heures), ce croiseur alors ultramoderne n'a pas été uniquement conçu comme un "navire-école" aux aménagements très étudiés, mais comme un bâtiment de guerre dans le plein sens du mot. La "Jeanne" a fière allure avec une longueur hors tout de 170 m pour 17, 70m de large au fort et un tirant d'eau de 6,50 m.
Pour son premier voyage, la "Jeanne" reçoit une promotion de 156 élèves en plus de son équipage fort de 506 hommes répartis en 28 officiers, 120 officiers-mariniers et 424 quartiers-maîtres et matelots. Son premier commandant, le capitaine de vaisseau Marquis veut "marquer le coup" et montrer le pavillon français dans tous les pays où la France peut faire rayonner son influence en tant qu'"ambassade flottante". Ainsi le périple octobre 1931-juillet 1932 vise en premier lieu l'Amérique latine (Brésil, Uruguay, Argentine, Chili, Pérou, Panama, Colombie). Avant de revenir à Toulon, le croiseur-école visitera les grands ports de la Méditerranée, non sans avoir fait escale aux Antilles, à Dakar et à Casablanca... Un très beau programme précédant le retour à Brest, fixé au 4 juillet. Cela représente, 25000 milles à parcourir en 267 jours de campagne, dont 146 consacrés à la visite d'une quarantaine d'escales ! Un merveilleux voyage pour les "Midships" qui ne doivent pas pour autant négliger les études, s'initier à la navigation, aux armes, au commandement et à toutes les activités qu'ils sont appelés à exercer au cours de leur carrière d'officier.
Un hommage britannique notre marine
Une importante revue britannique le Naval and Military Record, dans son i numéro du 31 août, exprime son admiration pour l'un de nos croiseurs, et, du même coup, rend, à notre marine, et à son chef vigilant, M. Georges Leygues, un hommage mérité et particulièrement précieux. Voici du reste cet article
Le croiseur des aspirants, Jeanne d'Arc, construit par Penhoët (Saint-Nazaire), vient d'être mis à l'épreuve par une croisière de propagande en Amérique du Sud, suivie d'une croisière de trois mois dans le Levant, avec à bord cent vingt aspirants.
Le croiseur rencontra du mauvais temps. Il se comporta fort bien conservant remarquablement sa vitesse dans des mers dures ce qui est une qualité des croiseurs français d'après-guerre. Sa fine silhouette et son confort intérieur firent partout une excellente impression pour le prestige de la France. Les comptes rendus officiels de sa croisière et les résultats obtenus ont été particulièrement agréables au ministre Georges Leygues, qui, le premier, eut l'idée de ce bâtiment-école et donna l'ordre de le construire. Les asoirants, qui bénéficièrent cette année de cette première croisière, se montrèrent, aux examens, supérieurs en navigation et instruction technique à leurs aînés instruits sur le Quinet et la première Jeanne-d'Arc. Ce gain précieux d'instruction est dû aux installations spéciales et aux moyens expérimentaux de ce croiseur-école, qui possède tout ce qui peut être utile à la formation des officiers de guerre. La science navale est devenue très compliquée. Des bâtiments de guerre ordinaires ne sont plus suffisants pour des écoles (sauf au prix de complètes transformations intérieures).
Une autre innovation vient d'être décidée par M. Georges Leygues. A son prochain départ pour une croisière de neuf mois autour du monde, le Jeanne d'Arc prendra aussi à son bord des élèves ingénieurs du génie maritime. Les ingénieurs de la marine ont besoin de faire personnellement connaissance avec la mer.
Il m'est agréable de rappeler, pour compléter la note de notre confrère britannique, que le Jeanne-d'Arc se devait d'avoir une carrière particulièrement heureuse et brillante. I1 avait été lancé à Saint-Nazaire le 14 février 1930, sous des auspices éminemment favorables. Le ministre de la Marine, retenu à Londres par des tractations internationales plutôt ardues, avait délégué pour le représenter à la cérémonie, aux côtés de M. Deligne, sous-secrétaire d'Etat, Mme Georges Leygues, marraine du nouveau croiseur. Ayant assisté au lancement, je puis témoigner que Mme Leygues s'acquitta de sa tache de façon magistrale et qui fit bien augurer de l'avenir du navire.
Long de 170 mètres, jaugeant 6.496 tonnes, le Jeanne-d'Arc est commandé par un officier remarquable, le capitaine de vaisseau Marquis,
Le prochain voyage du croiseur autour du monde commencera le 5 octobre prochain pour se terminer en juillet 1933. L. F.
Sources :
L'Ouest-Eclair 15 février 1930
L'Ouest-Eclair 16 mars 1930
Bnf Gallica
Le chasse-Marée n° 254
Le Petit Parisien N° 20286 13-09-1932
http://croiseurjeannedarc.e-monsite.com/pages/histoire/histoire-croiseur-jeanne-d-arc.html
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