04 janvier 2021

Les tirailleurs sénégalais et les campagnes du Maroc 1907 - 1908 femmes intendance casablanca

 Les   tirailleurs      sénégalais                      et   les  campagnes  au    Maroc 

1907 - 1908

On a parlé du débarquement au Maroc en 1907, du naufrage de la Nive, il faut parler aujourd'hui du débarquement des tirailleurs et de leurs femmes en 1908. Donnons la parole au lieutenant-colonel Mangin sur les conditions d'hébergement des tirailleurs. C'est édifiant!


"De plus, le stationnement hors des villes les fera échapper au contact prolongé avec la population arabe, au café maure, et enlèvera toute chance à la propagande islamique.
Il faut éviter également de les mettre dans les garnisons normales des tirailleurs algériens, qui, noua le rapport du campement, du couchage, de l'ordinaire, sont traites exactement comme les troupes européennes, et qui ont gardé les brillants uniformes du second Empire. 
Nos Sénégalais réclameraient les mêmes avantages, fort coûteux, qui auraient l'inconvénient de leur faire perdre leur rusticité. 

Un tirailleur sénégalais (Fez, 1913),
cliché du fonds photographique 
Albert Kahn.



Établissons-les dans des rez-de-chaussée sommaires et construits en brique, avec des lits de camp, et laissons leur en temps normal leur ration de riz, quitte à leur donner du pain ou du biscuit en colonne il n'y a aucun avantage à les entraîner à cette nourriture, qui exige l'entretien d'hommes du contingent français employés à faire du pain pour nos troupes indigènes. De même les tirailleurs algériens envieraient la libre vie du Sénéga!ais, qui contraste avec leur existence de caserne, et les négresses."  Charles Mangin

Si le tirailleur sénégalais est une figure bien connue des armées coloniales françaises, le rôle de sa femme est restée méconnu. Ce n’est pas une femme ordinaire, elle occupe une place à part au sein de la société coloniale. Les femmes ont joué des rôles divers tout au long de l’histoire des tirailleurs sénégalais.

Entre 1908 et 1914, les tirailleurs sénégalais sont engagés dans la Campagne du Maroc et au Maghreb, conformément au projet de Charles Mangin qui est, selon la « manœuvre du perroquet », de soulager le 19e corps d'armée qui peut dès lors être envoyé au front de l'Ouest.



Malgré la fécondité exceptionnelle de son sol, qui avait attiré beaucoup d'Européens avant la fin du XIXe siècle, malgré la bonté de son climat et la facilité relative de ses rivages, la Chaouïa n'était guère plus connue que le reste du Maroc, avant la publication des études approfondies du docteur Weissgerber et le relevé d'itinéraires du commandant Larras dans ces dernières années.

A ces deux explorateurs sont dues les cartes utilisées au corps de débarquement pour la direction des opérations militaires.


Nouveau et dernier renforcement.


Afin d'assurer la relève des unités fatiguées, la continuité des efforts, l'établissement des garnisons nouvelles, le corps de débarquement était grossi en fin mars de 4.000 hommes et 640 animaux, ce qui allait porter l'effectif total à 14.000 soldats, 4.650 chevaux ou mulets, 16 canons de 75, 6 pièces de 80 de montagne et 20 mitrailleuses. Les renforts comprenaient : Infanterie : 5 bataillons empruntés au 4e zouaves, aux 3e et 4e tirailleurs et 2 bataillons de tirailleurs sénégalais.



Cavalerie ; 1 escadron du 6e chasseurs d'Afrique, et 4 sections de mitrailleuses de cavalerie, qualifiées de « mitrailleuses galopantes ».
Artillerie : 1 batterie d'artillerie de 75mm.
Des renforts successifs ont porté à 3 le nombre des compagnies du génie, à 3 celui des compagnies du train des équipages.



Le service de santé a installé, à Médiouna et à Ber Rechid, des infirmeries-ambulances, et a reçu des voitures légères pour blessés, qui remplaceront désormais les arabas pour les transports d'évacuation, sur des pistes maintenant aplanies.

Deux colonnes d'opérations subsistent : celle du Littoral, sous les ordres du colonel Moinier ; celle du Tyrs, sous le commandement du colonel Boutegourd.

Le régiment sénégalais gardera tout d'abord les gîtes d'étapes.

9 avril 1908





Plusieurs officiers ont suggéré dès le 19e siècle que les femmes de soldats indigènes puissent être admises à accompagner leur mari. Le décret de 1857 fut modifié en 1873 pour autoriser les femmes de tirailleurs à accompagner leur mari dans le lieu de garnison, ainsi que lors des campagnes militaires, médicales ou d'exploration, en dépit des difficultés organisationnelles que cela représentait. 


« La présence des femmes, entre lesquelles s’établit une hiérarchie d'après le grade du mari, est la cause de querelles et de jalousie, mais de nombreux avantages viennent compenser ces inconvénients que les coupables rachètent par les services qu'elles rendent. 



Les femmes chargées de tous les ustensiles du ménage suivent les colonnes sans les ralentir ; à l'étape elles se chargent du soin de préparer la nourriture de leurs maris et aussi celle des tirailleurs célibataires ; enfin, par leur présence, elles donnent au camp l'aspect du village natal(...) Cette vie en ménage influe aussi heureusement sur la santé physique que sur la santé morale des noirs (...) 



« Madame tirailleur » ou « Madame Sénégal » est le nom donné à l'épouse d'un tirailleur d'Afrique noire ou d'Afrique du Nord, autorisée à suivre son mari au cantonnement et parfois en campagne, à la fin du  siècle et au début du  siècle.

Le rôle de ces épouses, accompagnées de leurs enfants, permettait aux tirailleurs de n'être pas dépaysés et de bénéficier de l'environnement familial. Elles participaient aussi à la logistique et montaient parfois au front approvisionner les combattants en munitions et rechargeaient leurs armes. Elles étaient parfois tuées au combat ; plusieurs d'entre elles ont été citées à l'ordre du régiment ou même à l'ordre de l'Afrique occidentale.



Pour le capitaine Marceau, les femmes ne rechignent pas au transport des charges et sont des ménagères économes, sachant préparer les repas, assurer le blanchiment, avec efficacité et en soulageant les hommes des tâches matérielles. Selon lui, ce système est plus rentable que les fourgons et l'intendance classiques4. Elles ne se plaignent pas et sont aussi courageuses que leurs maris4. Elle n'occasionnent pas de surcoût, vivant sur la ration de leur mari5.



À chaque cantonnement, c'est tout un village africain traditionnel traditionnel qui se reconstitue, à côté du camp règlementaire des hommes. Dans ce camp construit par les femmes, les tirailleurs s'y retrouvent chez eux. Le système est bénéfique à leur moral et sur le plan matériel.




Le général Mangin raconte l'action des femmes lors de ce combat de Talmeust le 14 juin 1908 : ce jour-là, après la défection des conducteurs du convoi qui refusent d'approvisionner les combattants en munitions, les femmes s'en chargent malgré les dangers. Une femme est tuée, deux autres blessées ; toutes les trois sont citées à l’ordre des troupes de l'Afrique occidentale



Les femmes accompagnatrices sont autorisées jusqu'en 1913. Lorsque les troupes coloniales débarquent à Marseille pour participer au défilé du 14 juillet de cette année-là, les tirailleurs sénégalais sont parfois encore accompagnés de « Madame tirailleur » et de leurs enfants


« En garnison, ce lui sera une ménagère économe, propre et attentionnée, une mère parfaite pour ses enfants. Avec la maigre solde du mari (en 1911 : tirailleur de 2e classe, 60 centimes ; de 1re classe, 70 centimes ; caporal, 98 centimes ; sergent, 1 F 45 ; adjudant, 3 F 15 ; les hommes de troupe ont en outre le système de la masse individuelle avec une première mise de 75 francs) et la ration journalière (riz, 500 grammes ; viande, 400 grammes ; sucre, 21 grammes ; café, 16 grammes ; sel, 20 grammes ; huile, 20 grammes ; bois à brûler, 1 kg 250), elle saura faire vivre le ménage en mettant même de l’argent de côté. La prime journalière de 15 centimes de la masse individuelle constituera, en outre, pour la communauté, une réserve trouvée à la libération, tout en entretenant en parfait état la garde-robe maritale.

De la cuisine sénégalaise

En colonne, "Madame Tirailleur" sera l’aide constante du mari. A condition que le nombre de ces dames soit assez restreint pour ne pas être encombrant, elles remplacent avantageusement, si l’on peut dire, les fourgons de toute nature, de toute destination, fût-ce même ce qui resta notre cauchemar en colonne : la voiture Lefèbvre. Sous le faix de calebasses pleines, devant lesquelles reculeraient des coltineurs de profession et où elles empilent hardes, provisions, etc. (c’est le soldat-tender), elles marchent au pas des colonnes ultra légères, sans se plaindre, braves comme leurs maris, malgré fatigue, privations et dangers. Ne les a-t-on pas vues, aux combats de l’Adrar, alors que les porteurs de munitions avaient fui, faire l’office de pourvoyeurs et ravitailler en cartouches les lignes décimées des maris qui faisaient le coup de feu ?


A peine au bivouac, les voici qui s’empressent à la distribution, allument les feux, préparent et portent le repas à leurs hommes partis en avant-garde ; car, l’étape finie, les hommes, grâce à elles, n’ont point à s’occuper de ces mille nécessités fatigantes où s’absorbe le soldat européen. Ils continuent à être disponibles et le rendement en temps utile du tirailleur est, de ce fait, supérieur à celui de l’Européen. »
Général Mangin, La Force Noire, Paris, Librairie Hachette et Cie, 1910


A propos de la cuisine sénégalaise


Le Gil Blas 19 mai 1911

Nos bons anthropophages.

Extrait d'un article du docteur Epaulard, médecin-chef de l'ambulance de Casablanca :

« Les Arabes ont une peur affreuse des anthropophages, et nos bataillons sénégalais en recèlent forcément. Je n'ai pas besoin de dire que le cannibalisme est inconnu au bataillon sénégalais. Cependant, lors de l'arrivée des premiers Sénégalais, en 1908, quelques tirailleurs demandèrent à un capitaine s'ils seraient autorisés à manger les Marocains qu'ils tueraient au combat.

« Cette anecdote, du reste authentique, colportée chez les Marocains, sema une épouvante qui n'est pas encore tout à fait apaisée parmi les musulmans, lesquels ont une horreur particulière d'être décapités, et, à plus forte raison, croqués après leur mort.

« Récemment, un brave garçon de noir, toujours souriant, et qui amusait volontiers de ses pitreries mes malades de l'ambulance, m'avouait que manger l'homme « y en a bon".

Il faut toute la patience et tous les efforts des missionnaires pour arriver à supprimer l'anthropophagie dans les endroits où elle est de tradition, mais ils sont à peu près les seuls qui soient arrivés dans ce sens à des résultats.

Espérons que « nos anthropophages ne seront pas plus autorisés à manger les Marocains qu'ils ne le sont à se manger entre eux.

Cet article sera repris  dans le Jounal La Croix




sources

https://www.rfi.fr/fr/tirailleurs/20140518-premiere-guerre-mondiale-madame-tirailleur

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