Association des Oubliés de Saint-Paul TAAF
L'Association des Oubliés de Saint-Paul adresse ses voeux sur une carte postale représentant la caldéra de l'île Saint-Paul et l'entrée du cratère.
L'année 2015 sera importante pour l'association avec la sortie d'un timbre réalisé par le service philatélique des TAAF, par la pose d'une plaque commémorative sur l'île et le voyage de la fille d'un des rescapés lors d'une opération en fin d'année 2015. La Plaque sera réalisée par Jean Lemonnier sculpteur et peintre de la Marine.
Ouest-Eclair Les oubliés de Saint-Paul
Le
journal donne régulièrement des informations dans une rubrique intitulée
« Nouvelles Maritimes » qui comprend plusieurs sections :
« Marine de guerre », « Marine de commerce », « Grande
pêche », « Pêche hauturière » et « Petite pêche ».
9 novembre 1928
« Grande pêche »
Pêches
australes - Brest- 8 novembre (de notre correspondant particulier )
Un
radio reçu par la Société des Pêches Australes annonce que le steamer Espérance est arrivé à Kerguelen; il a
trouvé en bonne santé les colons de Port-Couvreux. Le steamer Austral a quitté le 6 courant l’ile
Saint-Paul où il a débarqué du personnel et du matériel pour le compte de la
Société La Langouste Française. Il poursuit sa route vers Kerguelen où il est
attendu le 11 courant.
15 mars 1929
Pêches
australes - L’ « Austral »
est attendu au Havre.
Le
Havre 14 mars - Le steamer Austral,
revenant des îles Kerguelen est attendu au Havre vers la fin avril.
29 mai 1929
Pêches
australes
Le
vapeur Austral des Pêcheries Australes partira du Havre le 5 juillet prochain à
destination de Saint-Paul à Kerguelen pour entreprendre sa nouvelle campagne de
pêche.
11 juillet 1929
Pêches
australes - L’ Austral
Le
Havre 10 Juillet - Le navire Austral
est parti aujourd’hui pour les îles Kerguelen , via Cardiff et Brest.
13 juillet 1929
Dernières
nouvelles maritimes
évènements
de mer - en collision
Londres-
12 juillet - De notre correspondant particulier
Le
steamer anglais Caledonian-Monarch et le vapeur français Austral sont entrés en
collision. Tous les deux ont été endommagés. Les deux navires font route vers
Cardiff pour réparations.
14 juillet 1929
L’Austral est attendu
Le
navire Austral de la Compagnies des Pêcheries Australes est attendu mardi
prochain à Brest où il relâchera pour embarquer des ouvriers en conserves et
des pêcheurs. L’Austral se rend sur les lieux de pêche aux îles Kerguelen.
6 août 1929
L’ « Austral »
est arrivé
L’Austral, navire de la Société des Pêches
Australes est arrivé hier à Brest pour embarquer des vivres et différentes
marchandises.
il se
rend sur les lieux de pêche, aux îles Saint-Paul et Kerguelen. Une vingtaine
d’ouvriers et ouvrières, ainsi que des pêcheurs, ont embarqué hier à bord de ce
navire. On sait que l’Austral fait la
pêche aux phoques et que les pêcheurs pratiquent également la pêche à la
langouste dont ces parages foisonnent.
8 septembre 1929
le
vapeur Austral a passé le 5 septembre au Cap de
Bonne-Espérance sans relâcher faisant route pour Fort-Dauphin, les îles
Saint-Paul et Kerguelen. Tout allait bien à bord.
18 septembre 1929
Le
Havre 17 septembre. - Le steamer Austral est arrivé à Madagascar. Tout va bien
à bord.
5 octobre 1929
Le
Havre, 4 octobre. - Un radio annonce que le steamer Austral est arrivé aux îles
Saint-Paul. Tout va bien à bord.
3 janvier 1930
Kerguelen,
une dépendance de Madagascar
7 février 1931
Le
steamer « Austral » donne de ses nouvelles
Par
radio en date du 1er février, le commandant du steamer Austral signale que le
mauvais temps qui a sévi aux îles Kerguelen durant la dernière quinzaine a été
préjudiciable, mais que le temps s’améliorant, la campagne paraît devoir donner
des résultats satisfaisants.
L’état
moral et sanitaire de l’état-major et de l’équipage est excellent.
7 février 1931
Que
s’est-il passé dans l’île Saint-Paul dans l’Océan indien?
Isolées
du reste du monde, sept personnes dont cinq hommes et une femme de Concarneau,
étaient restées dans l’île de mars à décembre 1930.
Quimper
le 6 février (de notre rédaction)
En
plein milieu de l’océan Indien, à moitié route entre les pointes méridionales
de l’Afrique et de l’Australie, un peu au nordés îles Kerguelen se dressent
quelques îles volcaniques isolées, c’est
l’archipel de la Nouvelle-Amsterdam , possession française qui comprend aussi
l’île Saint-Paul.
Celle-ci mérite plutôt le nom d’îlot car elle mesure guère plus de 7 kilomètre
carré de superficie. Son plus haut sommet
est élevé de 275 mètres au-dessus du niveau de la mer. Véritable cratère
l’île Saint-Paul possède trois petits volcans dont l’un fume encore de temps à
autre. C’est un amas de rochers brulés.
La
végétation est composée exclusivement de de joncs et d’herbe où folâtrent de
nombreux lapins et une quantité incalculable de rats.
Peu ou
point d’eau sur ce roc désert. Tout au plus quelques litres d’un liquide
saumâtre qu’il faut distiller pour être utilisable à la consommation.
La
température spéciale qui règne à cette latitude oblige les humains à prendre
des précautions constantes. le scorbut notamment y est à redouter. Inutile d’ajouter
que le lieu était toujours resté inhabité jusqu’à ces dernière années.
Mais
si l’île semble être la désolation même, ses parages maritimes sont très
riches. La langouste rouge, ce délicieux crustacé dont le poids moyen est de
500 grammes y abonde. On y pêche aussi une sorte de morue dénommée « morue
du sud » ou « ânon », plus quelques dorades bleues.
C’est
certainement la présence de ce véritable « banc » de langoustes qui a
incité la compagnie dont le siège est à Paris, a fonder en 1928 une usine à
l’île Saint-Paul.
Un
premier contingent de pêcheurs et ouvriers presque tous bretons de Concarneau
ou des environs partit donc cette année là à destination de ces lointains
parages sous la conduite de M. Presse de Pont-Aven qui depuis dirige l-bas
l’affaire.
Une
usine fut construite comprenant plusieurs bâtiments. Cette usine peut atteindre
un rendement maximum de 36 000 langoustes par jour soit 116 caisses de 100
boîtes.
Bruits
de séisme et Incendie
Le
premier contingent de pêcheurs et ouvriers spécialisés partit donc à Saint-Paul
comme nous le disons plus haut en 1928. Ils durent rapatriés et un deuxième
contingent s’embarque le 6 août 1929 à Brest à bord de l’Austral, vapeur spécialement affecté à ce service. Depuis la
société a acquis un autre navire le Saint-Paul.
C’est
pendant le séjour de ce deuxième contingent qu’eut lieu l’alerte qui mit en
émoi la France entière.
On se
rappelle qu’à la fin de l’année 1929, alors que l’on restait sans nouvelles de
Saint-Paul, le bruit courut que l’île avait disparu au cours d’un séisme.
Il ne s’agissait fort heureusement que
du dérangement de l’appareil de T.S.F. Malgré tout un navire anglais l’Euripide qui effectuait la traversée de
Madagascar en Australie reçut l’ordre de faire escale à Saint-Paul. Il y laissa
quelques vivres consistant surtout en fruits de toutes sortes et en épices mais
pas de pain ni de viande.
Le 3
janvier 1930 vers 4 heures du matin un incendie dû sans doute au caractère
volcanique de l’île éclatait dans le magasin contenant les approvisionnement
des habitants provisoires. L’alarme fut vite donnée et les secours aidant ont
pu sauver quelques quantités de graisse, de farine, d’huile, des boîtes de
conserve etc.
Une
personne qui eût l’occasion de faire le tri des denrées nous a affirmé hier à
Concarneau quelles étaient restées dans un état convenable. De plus, il
existait dans l’île quelques moutons et du gibier ce qui pouvait assurer le
ravitaillement pendant un certain temps.
Sept
personnes isolées du monde.
En
mars 1930, la société décida de rapatrier le personnel pêcheurs et ouvriers et de ne garder là-bas que les hommes nécessaires à l’entretien du matériel et au gardiennage. On embarque donc le directeur, les pêcheurs, les spécialistes des services techniques tel que l’opérateur de T.S.F. , le préposé à l’appareil à distiller l’eau etc.
On ne
garda que sept personnes : MM. Victor Brunou, manoeuvre originaire de
Beuzec-Conq, sa femme Mme Brunou qui était en état de grossesse avancée, Julien
Le Huludut, mécanicien et Quillivic, sertisseur également de Beuzec-Conq ;
Pulloch et Le Merdy manoeuvres de Pont-Aven et enfin un nègre dénommé François.
En tout six hommes dont un noir et une femme.
Le 26
mars 1930, Mme Brunou mettait au monde -
on devine dans quelles conditions - un enfant, une fillette qui mourut
d’ailleurs le 20 mai suivant. mais n’anticipons pas.
Par
les renseignements que nous avons obtenu à Concarneau, il était entendu que le
bateau ravitailleur devait revenir six mois plus tard or il ne parvint à l’île
que le 6 décembre 1930, c’est à dire après un délai de neuf mois. Quelle fut la
vie des ces sept personnes pendant ce laps de temps sur ce rocher perdu,
volcanique, comme un grain de sable au milieu de l’Océan Indien, sans moyen de
communication avec le reste du monde, sans spécialiste pour manoeuvrer
l’appareil à distiller l’eau, sans personne ni même quelque personne plus ou
moins compétente en matière de médecine avec un ravitaillement consistant
principalement en viande de conserve?
On ne
la connait pas encore dans tous les détails. Nous ne possédons la-dessus que
les quelques renseignements recueillis par nous à Concarneau où l’émotion qui
est déjà grande, se double d’incertitude.
Quoi
qu’il en soit, un fait brutal existe sur les sept personnes demeurés dans l’île
après le départ de la colonie, il n’en restait plus que trois de vivantes à
l’arrivée du navire Saint-Paul en décembre dernier; quatre étaient mortes : MM.
Brunou le 30 août; Pulloch en juillet, le nègre François au milieu d’août et
Pierre Quillivic qui s’était noyé le 27 octobre. Et il convient d’ajouter à
cette liste le bébé de Mme Brunou ce qui donne un total de cinq.
Rappelons
que les nouvelles communiquées en décembre à l’arrivée du bateau et que
l’Ouest-Eclair a reproduites aussitôt se bornaient à signaler, sans
explications complémentaires, la mort de Pulloch et de Brunou et la noyade de
Quillivic.
Quelle
a été l’existence de ce malheureux?
de
l’enquête que nous avons mené à Concarneau et aux environs au sujet de cette
affaire, nous gardons une impression pénible et, disons le mot, angoissante.
Nous avons lu les documents et nous nous sommes posés cette question : «
est-ce que les ressources étaient suffisantes pour permettre à sept personnes ,
huit puisqu’un enfant est né entre temps, de subsister durant neuf mois sans
soins spéciaux en cas de maladie, sans secours en cas de détresse?
Ecoutons
ces paroles d’un témoin : « lorsque le Saint-Paul
est arrivé le matin du 6 février dit-il à l’île Saint-Paul , nous avons eu beau
faire manoeuvrer nos sirènes, personne n’a donné signe de vie. Nous avons cru
l’île entièrement abandonnée. Enfin Le Huludut s’est présenté, nous avons alors
appris le malheur. Les trois survivants étaient encore bien faibles. Ils nous
racontèrent leurs épreuves.
« Le
ravitaillement promis n’étant pas arrivé à temps, ils ne possédaient plus de
nourriture fraîches depuis plusieurs semaines. La chasse était rendue
impossible par suite de mauvais temps. Rien que du boeuf pour une sorte de pain
-si on peut l’appeler ainsi- qui était d’ailleurs rationné. Et l’un des trois
malheureux épuisés, rendus, eut ce mot qui en dit long : « Si les
trois derniers n’étaient pas morts nous
laissant ainsi leur part de vivres, nous aurions déjà subi le même sort
qu’eux ».
« D’ailleurs
nous n’en avions plus que pour quelques jours »
Aucune
explication précise n’est donnée sur le genre de mort de Brunou, de Pulloch et
du nègre.
« Ils
étaient bien abattis déclare-t-on puis ils tombaient tout à coup. le matin de
leur décès, ils se levaient encore et gardaient leur connaissance jusqu’au
bout. est-ce le scorbut, l’épuisement ou peut-être quelque chose de plus
terrible encore? On le saura sans doute un jour.
Il y a
des détails qui font frémir. Ainsi lorsque Brunou mourut, sa femme dut
elle-même soutenir un côté de son cercueil pour le porter au lieu de repos. Et
pourquoi Pierre Quillivic qui avait 20 ans partit-il en mer le 27 octobre tout
seul sur un frêle canot alors que les éléments déchaînés lui laissaient peu
d’espoir de retour? Pour essayer peut-être de se procurer du poisson à lui et
aux trois autres survivants? Mais pourquoi revit-il ses plus beaux habits ceux
que sa mère lui avait confié à son départ de Bretagne?
Les
explications ne peuvent tarder.
En
vérité, les suppositions que l’on peut faire concernant tous ces faits sont
troublantes n’est-il pas vrai?Espérons que la vérité entière sera bientôt
connue. Du reste dans le bateau qui arriva à Saint-Paul le 6 décembre se
trouvait M. Presse, directeur de la société. Les dirigeants ne peuvent tarder à
envoyer les explications nécessaires que les parents des disparus ainsi que la
population de Concarneau et de la région où la nouvelle est connue réclament
instamment. Il sera bon notamment que l’on sache les raisons qui motivèrent le
retarde trois mois du bateau ravitailleur et aussi celles qui auraient pu
empêcher l’envoi en remplacement d’un bateau de l’Etat de Madagascar par
exemple qui n’est qu’à huit gourde Saint-Paul.
Il n’y
a sans doute ici - nous voulons encore le croire - qu’un concours fatal de
circonstances. Encore faut-il encore qu’on le sache pour la tranquillité de la
conscience publique. J. Corcuff
14 mai 1933
La
terrible agonie des Langoustiers de l’île Saint-Paul
Le
procès sera plaidé prochainement.
Nos
lecteurs ont encore présents à la mémoire les faits lamentables qui se sont
déroulés à l’île Saint-Paul dans l’Océan Indien.
Trente
pêcheurs de Concarneau étaient partis pour une île en août 1929 au service
d’une société parisienne. On dut bientôt rapatrier le personnel. On laissa sur
place six Concarnois et un cuisinier malgache mais le ravitaillement attendu en
juin 1930 n’arriva qu’en décembre 1930. Cinq des langoustiers moururent du
scorbut.
Les
deux rescapés, Mme veuve Brusson et Julien Le Huludut ont appelé les dirigeants
de la société parisienne devant le tribunal civil de la Seine. L’affaire sera
plaidée prochainement.
Sources : Ouest-Eclair
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