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25 juin 2024

À Mayotte, l’État veut instaurer un rideau de fer maritime pour lutter contre l’immigration illégale

À Mayotte, l’État veut instaurer un rideau de fer maritime pour lutter contre l’immigration illégale

Mayotte Kwassa-Kwassa © JM Bergougniou




Mayotte Dzaoudzi Petite Terre © JM Bergougniou


À Mayotte, où la question migratoire continue de cristalliser le débat, la mer est de plus en plus surveillée. Le 101e département français voit l’État durcir encore les moyens de contrôle en mer avec l’annonce d’un rideau de fer maritime. Les associations humanitaires dénoncent une escalade sécuritaire au détriment des populations les plus vulnérables. Halte dans l’océan Indien pour ce dernier volet de notre série sur les migrations par voie maritime.

Les forces de l’ordre indiquent qu’en moyenne, deux kwassas sont interceptés dans les eaux mahoraises par jour. | 



Mayotte -banga - © JM Bergougniou

À Petite-Terre, les moteurs des navires intercepteurs n’ont guère le temps de refroidir. La plus petite des deux îles constituant le département de Mayotte concentre les moyens de lutte maritime contre l’immigration illégale. Nous avons trois bateaux H-24 sur l’eau , indique sur le ponton Frédéric Sautron, sous-préfet chargé de la lutte contre l’immigration clandestine. 

Mayotte  © JM Bergougniou


Avant de détailler l’ensemble des moyens en mer : cinq embarcations rapides de police, quatre de gendarmerie, deux vedettes de surveillance côtières et l’appui des moyens hauturiers de La Réunion, dont le bâtiment de soutien et d’assistance outre-mer Champlain.


Mayotte Kwassa-Kwassa © JM Bergougniou
Avec l’assistance des moyens de détection à terre, ces navires sillonnent sans cesse les eaux territoriales à la recherche des fameux kwassas-kwassas, ces canots de pêche rapides utilisés par les passeurs depuis les Comores voisines. L’objectif est de les arrêter en mer, avant accostage.

Dans le cadre du dispositif de lutte contre l’immigration illégale, trois navires de surveillance sont en permanence sur l’eau autour de Mayotte. | LAURENT BOUVIER

Mayotte Police aux frontières © JM Bergougniou


Ce dispositif interministériel, finalisé par le plan Shikandra en 2019, a permis de resserrer les mailles du filet. Les embarcations qui s’entassent près du quai Ballou avant d’être détruites l’attestent. Chaque jour, deux kwassas en moyenne sont interceptés dans les eaux mahoraises. 

Mayotte expulsions  © JM Bergougniou
Avec la montée en puissance de Shikandra, entre 25 000 et 26 000 personnes sont reconduites chaque année à la frontière. Ce qui signifie que le centre de rétention administrative (CRA) de Mayotte concentre à lui seul 60 % des placements en rétention de l’ensemble des 25 centres de métropole et d’outre-mer (en 2023, 46 955 personnes ont été enfermées en rétention en France).

Une île sous tension


Mayotte VCSM L'Odet Gendarmerie Maritime  © JM Bergougniou


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Beaucoup de kwassas passent encore en dehors des filets , admet Frédéric Sautron, qui précise néanmoins que 75 % des bateaux détectés par les radars sont arraisonnés. Dans le 101e département français où, selon l’Insee, près de 77 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté et où la moitié de la population provient de l’immigration comorienne ou d’autres pays d’Afrique, la question migratoire cristallise le débat. 

Mayotte Banga © JM Bergougniou
En janvier et février, l’île a ainsi été paralysée plus de trois semaines par des barrages de collectifs de citoyens protestant contre l’insécurité et le poids de l’immigration irrégulière.

Mayotte est situé à moins de 70 km au sud-est de l’île d’Anjouan, une des trois qui composent l’archipel des Comores. | GOOGLE MAPS

Mayotte Expulsions vers les Comores  © JM Bergougniou
Dans ce contexte, c’est peu dire que les services de l’État sont sous tension. Depuis sa nomination le 8 février, la ministre déléguée aux Outre-mer Marie Guévenoux a effectué quatre visites sur l’île hippocampe, fait inédit pour un ministre de l’Outre-mer. Certes, le problème n’est pas nouveau. Le département est depuis des années confronté à l’arrivée de migrants clandestins comoriens, qui franchissent le bras de mer séparant leur pays, l’un des plus pauvres du monde, de la France. Anjouan, l’une des trois îles qui composent cet État indépendant depuis 1975, est située à moins de 70 km.

Stratégies d’évitement

La stratégie maritime de lutte contre l’immigration illégale a son revers. Face au dispositif renforcé, les passeurs s’organisent. Ils adoptent des stratégies d’évitement. Ils changent leurs modes d’action en se regroupant à plusieurs dans les eaux internationales pour ensuite fondre sur l’île en espérant que davantage d’entre eux puissent passer entre les mailles , détaille le sous-préfet. D’autres réseaux privilégient désormais des bateaux de pêche. Plus inquiétant, les forces de l’ordre voient de plus en plus de kwassas-kwassas refuser d’obtempérer et forcer les interceptions.
De nouvelles filières en provenance d’Afrique

Mayotte radar Marine nationale  © JM Bergougniou
Mayotte Radar Marine nationale © JM Bergougniou
 Par ailleurs, Mayotte est confronté à un nouveau phénomène, à savoir l’arrivée depuis quelques années de migrants clandestins en provenance d’Afrique, et notamment de la région des grands lacs : Rwanda, Burundi et République démocratique du Congo. Ils représentent pour l’instant moins de 10 % des arrivants mais leur nombre est en constante augmentation. Ces nouveaux migrants effectuent une traversée de près de 1 000 km, effectuant le dernier tronçon via les Comores d’où ils sont transbordés en mer.

Jacques fait partie de cette nouvelle vague. Ce Congolais a dû quitter son pays où il avait pris la tête d’une manifestation étudiante. Après s’être réfugié en Ouganda dans un camp provisoire avec d’autres réfugiés rwandais et ougandais, il a ensuite transité en 2022 par la Tanzanie. Au marché de Kariakoo à Dar es Salam, sur la côte, il rencontre des commerçants comoriens qui le mettent en contact avec des passeurs. À l’époque, je ne connaissais même pas l’existence de Mayotte , raconte-t-il.
Jacques a effectué un périple de 1 000 km depuis les côtes africaines pour rejoindre Mayotte. | LAURENT BOUVIER
Après s’être acquitté de 1 500 euros, il se retrouve bientôt à bord d’une longue pirogue avec 57 autres migrants rwandais, burundais et congolais. Nous avons passé quatre jours et trois nuits en mer avant d’être transbordés dans un kwassa à Anjouan, sans même mettre le pied à terre. Le bateau finira par être intercepté par un semi-rigide de la gendarmerie française aux abords du lagon de Mayotte. Ils ont menotté les passeurs et nous avons été placés en centre de rétention administrative. Jacques ne sera pas renvoyé dans son pays : après avoir saisi la Cour nationale du droit d’asile, il vient de se voir octroyer le statut de réfugié.

Mayotte gendarmerie hélicoptère moyen aérien © JM Bergougniou


Un rideau de fer maritime d’ici la fin du second semestre

Afin de barrer la route des grands lacs, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin a annoncé le déploiement d’un bateau de la Marine nationale dans le canal du Mozambique. Cette action s’inscrit dans le cadre plus large de la mise en place d’un rideau de fer maritime. À nos confrères de Mayotte La Première, le préfet de l’île François-Xavier Bieuville décrit le dispositif comme un ensemble de moyens terrestres, maritimes et aériens qui doivent permettre de détecter plus en amont l’arrivée de navires, de les qualifier et donc d’anticiper leur interception .

Mayotte base navale © JM Bergougniou


Dans ce cadre, l’État a passé un certain nombre d’appels à manifestation d’intérêt pour des réponses technologiques adaptées. Frédéric Sautron évoque par exemple des moyens de détection électroacoustiques mais aussi des drones aériens et sous-marins… Ce rideau de fer est annoncé pour la fin du second semestre 2024.

Les associations humanitaires s’inquiètent

Mayotte Police aux frontières © JM Bergougniou
La perspective d’une augmentation des enfermements n’est pas du goût des associations humanitaires qui dénoncent depuis quelque temps une escalade sécuritaire. La Cimade, le Groupe SOS Solidarités – Assfam, France terre d’asile, Forum réfugiés et Solidarité Mayotte alertent, dans leur rapport annuel, sur le recours fréquemment abusif à l’enfermement. À Mayotte, qui concentre la majorité des enfermements en France, l’administration peut retenir et éloigner massivement les personnes étrangères grâce à un régime dérogatoire qui n’offre que peu de garanties. Ainsi, 84 % des personnes enfermées ont été éloignées, bien souvent sans avoir eu la possibilité d’être entendues par un juge.
La Cimade s’inquiète du nombre d’enfants enfermés et expulsés qui ne cesse d’augmenter depuis plusieurs années. | LAURENT BOUVIER

Mayotte VCSM L'Odet Gendarmerie Maritime © JM Bergougniou
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La Cimade s’inquiète particulièrement du nombre d’enfants qui sont enfermés et expulsés, un nombre qui ne cesse d’augmenter depuis plusieurs années : La France enferme les enfants presque quarante fois plus à Mayotte que dans l’Hexagone. L’enfermement des familles avec enfants doit normalement être motivé et utilisé de manière exceptionnelle. Alors que la loi asile et immigration du 26 janvier vient d’interdire l’enfermement des enfants en rétention, cette disposition n’entrera en vigueur à Mayotte que le 1er janvier 2027.




Sources 
Le marin Laurent BOUVIER.Publié le 22/06/2024 à 13h10





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