A BORD DE LA JEANNE D'ARC - "C'est un bateau mythique, pas seulement pour la Marine mais aussi pour les Français": le capitaine de vaisseau Patrick Augier, dernier commandant de la Jeanne d'Arc, l'accompagnera jusqu'au dernier instant dans sa tournée d'adieux.
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Des gens contemplent la Jeanne d'Arc s'approcher du pont de Normandie, le 21 mai 2010
Vendredi, à six jours de son ultime accostage à Brest, le porte-hélicoptère et navire-école, de retour en France après six mois de navigation au large des côtes américaines, a quitté le Havre pour rejoindre Rouen, ville marraine ô combien symbolique.
Après s'être frayée un chemin dans le brouillard au son de la corne de brume, la "vieille dame", comme la surnomment affectueusement les marins du bord, a retrouvé un soleil radieux et une mer d'huile pour s'engager dans l'estuaire de la Seine.
Elle devait profiter de la marée basse pour passer sous les ponts de Tancarville et de Normandie, effleurant leurs tabliers de sa mâture, avant de s'enfoncer dans les méandres du fleuve.
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La Jeanne d'Arc masquée dans le brouillard au port du Havre le 21 mai 2010
A Caudebec-en-Caux (Seine-Maritime), la Jeanne avait encore rendez-vous avec le trois-mâts Belem, dernier des grands voiliers de commerce français du XIXème siècle à naviguer encore. Le ministre de la Défense Hervé Morin devait aussi en rejoindre le bord dans l'après-midi.
Mardi, elle reprendra la mer pour regagner, deux jours plus tard, via Honfleur et Saint-Malo, son port d'attache de Brest, ultime étape d'une carrière bien remplie.
Ambassadeur itinérant de la France en 800 escales à travers toutes les mers du globe depuis son "entrée au service actif" en 1964, la Jeanne a accueilli près de 6.400 élèves-officiers et parcouru 1,76 million de milles nautiques (3,25 millions de km), l'équivalent de 79 tours du monde ou neuf fois la distance Terre-Lune.
A compter du 7 juin, elle sera "sécurisée" puis désarmée et, dans un avenir plus ou moins proche, livrée aux chalumeaux et aux cisailles des ferrailleurs du chantier naval chargé de sa "déconstruction".
Cent-trois élèves, dont 12 étrangers, ont encore participé en 2009 et 2010 à la 46ème et dernière campagne de la Jeanne qui avait quitté Brest le 2 décembre.
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Des marins de la Jeanne d'Arc débarquent au Havre le 21 mai 2010
Vendredi, ils recevaient leurs affectations. "C'est la fin de la Jeanne mais le début de ma carrière", relevait Audrey Rous, jeune enseigne de vaisseau qui se souviendra de la "beauté de la mission" et des "escales extraordinaires" à Rio, Ushuaia, Valparaiso, Carthagène, New York ou Québec.
Comme les 585 autres marins du bord, la jeune femme retrouvera sa famille vendredi à Brest, après six mois d'absence, une joie mêlée d'un zeste de tristesse. "D'ici là, je ne dormirai pas beaucoup pour profiter des derniers instants de cette vie en équipage et avec la Jeanne", confie-t-elle.
Mais pour le commandant Augier, cette journée sera d'abord celle des derniers tours d'hélice, à 15 heures précises. "La plus belle façon de s'y préparer, c'était de réussir cette dernière campagne de 50.000 km et de poursuivre notre mission jusqu'au bout en ramenant un bâtiment prêt au combat pour l'arrêter brutalement et le désarmer", dit-il.
Pour le "pacha", "le moment le plus difficile sera de donner l'ordre +Terminé, barre et machines+". Habituellement, l'ordre est donné pour stopper la machine aux escales. Cette fois sera la dernière. "Il n'y aura plus jamais de vie dans la machine et à bord de la Jeanne d'Arc".
Ses successeurs sont déjà désignés: le Mistral et le Tonnerre, entrés en service en 2006 et 2007,
http://www.lexpress.fr/actualites/1/tournee-d-adieux-de-la-jeanne-d-arc-icone-de-la-marine_894044.html alternativement les futures promotions d'officiers.