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09 avril 2020

Ecole d'Application des Enseignes de Vaisseau Campagne 1962 - 1963 Réponse à Edith Revue des Deux Mondes Jeanne d'Arc Victor Schoelcher

Ecole d'Application des Enseignes de Vaisseau Campagne 1962 - 1963

Vous êtes confinés? Donc vous avez le temps de lire. Je ne résiste pas à vous faire découvrir un texte paru dans la Revue des Deux Mondes. 
Il s'intitule Réponse à Edith. Il évoquera certainement plein de souvenirs.

Ca me rappelle un concours au sein du carré OMS, du souvenir le plus moche...

Bien sur vous y retrouverez aussi une évocation de la campagne 1962 sur la Jeanne et le Victor



                                          


Réponse à Edith

Edith est un personnage désuet et charmant de la Marine. Petite pensionnaire futée qui a vu son amoureux  partir«à la mer», elle chante, à la fois narquoise et émue... Car Edith est l'héroïne d'une chanson de la « Baille », une chanson composée en 1900.

En ce temps, l'enseignement de Navale était donné à bord du prestigieux navire-école Borda, L'ex-Intrépide, qui reçut bientôt par antiphrase le surnom de « baille », — ce mot désignant, dans le langage maritime, un bateau mal tenu et déplaisant.










Lors des fêtes traditionnelles, se déroulaient là de joyeuses soirées appelées « beuglants », au cours desquelles des élèves donnaient libre cours à leurs talents de chansonniers ou de chanteurs. Ainsi furent lancés La Légende de la Baille, La Légende de la Ckaffuste, Le Testament de la Bouline ; ainsi fut créée par un certain Gabolde qui avait reçu le matin même une lettre de sa cousine — une cousine dont on imagine volontiers la guimpe, la guêpière et les jupons — cette Lettre d'Edith que tant de promotions, depuis une soixantaine d'années, ont fredonné avec un même entrain, et dont voici quelques couplets :


Flamme Martinique Ile aux Fleurs   27-11 -1962 
J'ai reçu la lettre, cousin, 
Celle où tu me dis ton chagrin 
D'être si loin de ta famille. 
Pour que tu sois plus patient, 
Je vais (écrire du couvent. Suis-je gentille ?

Car te voilà bien loin sur l'eau

Que le Borda doit être beau! 
Tudois grimper dans les cordages... 
Est-il bien haut, le cacatois ? 
J'y voudrais monter avec toi, Voir l'paysage.



Finis, finis les jolis mois
Où nous allions courir les bois,  

En y cueillant la pâquerette,
Et nous asseoir si près, si près. 

Que parfois, sans le faire exprès,
 J'étais coquette.
M'écriras-tu des bords lointains 
Où l'emmènera le Bougain 
Dans sa croisière triomphale,
llong journal de tes actions ? 
Et n'oublie pas ma collection 
De cartes postales.
Pleine de baisers frémissants
Et parfumée d'aveux troublants, 

Que ma douce lettre l'enchante. 
Ecris-moi, tu seras gentil. 
Surtout que ce soit, mon petit. 
Poste restante/






En 1962, de nouvelles Edith, et des Marie, et des Gisèle et des Agnès, ont franchi bien souvent, à Brest, à Lorient, à Toulon, à Cherbourg, le seuil de la Poste. C'est que, comme chaque année depuis tant d'années, le croiseur-école Jeanne-d'Arc était parti pour une croisière lointaine, accompagné cette fois d'un escorteur tout neuf, l'aviso Victor-Schoelcher. Cent douze jours de mer, quatre- vingt trois jours d'escales ! Longue attente pour les Edith. On entrait à pas furtifs, craignant de rencontrer devant le guichet des timbres Monsieur l'Abbé ou madame Dupont ; on tendait très vite sa carte d'identité à un employé goguenard qui faisait exprès, semblait-il, de feuilleter avec lenteur les paquets de courrier marqués E...



Parfois, et trop souvent, c'était :
— Rien pour vous, mademoiselle.
La Poste devenait, du coup, le lieu le plus hostile, le plus triste du monde. Mais dans l'été commençant, alors que, croisière ter- minée, les bateaux allaient revenir :
— Tenez, mademoiselle !
Et voici la lettre que reçut Edith, une lettre signée Jean-François, non pas un « midship » comme l'eût exigé la tradition, mais un simple matelot embarqué sur le Victor-Schoelcher :



Ma chère cousine,

Nous avons quitté Ajaccio : il est fini, le beau voyage. Pour nous qui comptions depuis sept mois, non plus par villes et par régions, mais par océans, par continents, la Méditerranée c'est déjà : « Bonjour la France !» Et je vois, comme si nous nous y trouvions ensemble, le canot blanc et bleu qui, retourné pendant l'hiver, m'a attendu. Je sens l'odeur sucrée destilleuls. J'entre dans ta maison... J'ouvrirai tout de suite mes valises. Arrachant les emballages papiers de soie de Djibouti, feuilles de journaux japonais, pagnes du Pacifique - je ferai pénétrer l'univers dans ta chambre.
En effet, les cadeaux que je te destine symbolisent, chacun, une escale.





Cette minuscule tortue de bronze qui aujourd'hui lève son nez entre deux de mes chemises,* je l'ai achetée à Bangkok, une nuit ; la vendeuse qui s'appelait très simplement Pithsnimashi- manon, était agenouillée devant sa fragile demeure hissée sur pilotis, et cent petites bougies jetaient autour d'elle leur vacillante lueur... Ces plumes d'oiseau de paradis, roses et dorées, qui tremblent et dansent au moindre souffle, je les ai obtenues d'un Papou, contre des cigarettes. C'était à Yule Island, face à la Nouvelle-Guinée.
TàD Croiseur Ecole Jeanne d'Arc  19-2- 1963 Entre Wallis et Futuna et Port-Vila 
La clique du bord jouait la Marseillaise, que des religieuses écoutaient avec des larmes : il y avait quinze ans, nous disaient* elles, qu'elles n'avaient pas entendu la Marseillaise ! Elles étaient là, parmi les pompons rouges, surveillant les Enfants de Marie vêtues de bleu ciel et aux oreilles distendues par de lourds anneaux de cuivre ; elles conversaient avec les Papous peints d'ocre et de vermillon et qui dansaient, tandis que des femmes aux seins nus faisaient cliqueter des colliers en dents de requins... Ce petit pot, qui vient de Singapour ? Il contient un baume miraculeux, n'en doute point, puisque le « démonstrateur », après s'en être enduit de l'index au coude, plongeait sa main dans l'eau bouillante puis se tailladait la peau, apparemment sans dommage.



Il nous a proposé aussi des langues de vipères baignant dans de la bave de crapaud
(guérison instantanée des migraines) et des perles, oui des perles, souveraines contre les douleurs d'estomac. Il vendait également des montres : je m'en suis offerte une, dont le mouvement s'est pour jamais bloqué vingt-quatre heures plus tard... Aimeras-tu ce sari, qui a la couleur de tes yeux, gris avec des points d'or ? Je l'ai choisi à Aurangabad devant de bien étranges temples hindous... Je te donnerai encore une étoile de mer trouvée au pied d'un coco- tier sur le sable si doux de l'Ile-aux-Pins, dans le Pacifique. Et un plateau de bois qui, sans doute, t'apparaîtra banal, mais qui évoque pour moi Capetown et le merveilleux accueil de l'Afrique du Sud : 



je pense à ces longues files de voitures somptueuses ramenant le soir, à la coupée, des matelots dont certains avaient abandonné à d'éphémères amitiés le ruban ou même le pompon de leur bachi (de leur béret, si tu préfères.) Je pense à une blonde Sud- Africaine penchée à son balcon et qui, par le langage du geste et du sourire, désigna sur le trottoir une cabine de téléphone publique : ainsi convia-t-elle à dîner un de mes copains, lequel avait déjà trois rendez-vous pour la soirée... Moi, cousine, j'ai été presque sage, à Capetown comme à Bombay.



J'ai même résisté, à Perth, à la grâce d'une onduleuse Australienne de ton âge, avec qui, une nuit, j'ai été voir briller les petits yeux des kangourous. A propos, je te rapporte aussi un kangourou : une mascotte, un jouet qui remplacera l'ours en peluche de ton enfance. 

J'ai aimé acheter ces souvenirs. Il en fut de même pour tous • les matelots du Schoelcher, que j'ai vus tant de fois passer la coupée,
chargés comme des Père Noël ; à Singapour, on assurait que nos innombrables paquets avaient enfoncé la ligne de flottaison du navire!
 Et dans l'espace étroit qui sépare nos « banettes » — comprends : nos couchettes, c'était un spectacle singulier, crois-moi, que ces marins se drapant dans des kimonos brodés de flamboyants dragons, ou bien assemblant avec fébrilité les rails de trains électriques !



C'est que le « Souvenir » est une véritable institution à bord. Certains, même, ne posent pied sur terre que pour faire des achats. On commence, de tradition, par acheter les cartes postales, ces images dont tu fais collection. Puis on se met en quête de ce dont vous ont parlé les « Anciens » : masques nègres à Dakar ou à Pointe- Noire, rhum à la Réunion, haches primitives en Nouvelle-Guinée, services à thé à Singapour... Le plaisir — la règle élémentaire du jeu — c'est le marchandage. Il faut pouvoir dire, retour à bord, qu'on a acheté tel ou tel objet à un centième du prix proposé1 A Bombay, ce marchandage est particulièrement agréable. Enfoncé dans un fauteuil moelleux, le client de passage se voit offrir par le,vendeur cigare et coca-cola — gratuits — et marchandises diverses plus ou moins onéreuses :

TàD Croiseur Ecole Jeanne d'Arc  19-2- 1963 Entre Wallis et Futuna et Port-Vila 



— Veux-tu un beau stylo, pas cher ? —* Merci, non, je n'écris jamais.
— Une canne à pêche ?
— Je déteste la pêche à la ligne.

— Un appareil photographique ? — Ma mère m'a donné le sien. — Un bijou pour ta fiancée?


— Je n'ai pas de fiancée.
— Mais je peux te proposer aussi une fiancée...
Que tout ce que je te raconte là, Edith, ne te fasse pas imaginer

que les matelots de la « Royale » mènent constamment en croisière une vie de plaisirs faciles ! A la mer, c'est tout différent. Chacun a sa spé, sa spécialité. Moi, tu le sais, je suis détecteur. Je vis dans la pénombre. Penché sur mon radar (un petit écran qui ressemble à celui de la télévision de l'oncle Fernand) je regarde, je regarde très loin, je décèle, je devine presque, avec l'habitude, le bateau étranger, le sous-marin qui menace, l'avion qui s'apprête à piquer. Mon radar et moi, nous avons appris à nous connaître. On s'aime un peu maintenant. E t les jours d'exercice, notre C.O. — le Centre Opérations — devient passionnant. On est fiers, parce qu'on se rend compte de notre importance : le Commandant, les officiers, seconde après seconde, suivent avec nous l'opération et, grâce au radar, l'Amiral peut mieux choisir, décider, ordonner. Dans la vie quotidienne, le C.O., c'est un confessionnal. Durant de longues heures de quart, on s'abandonne aux confidences. Mais soudain un point apparaît sur le « scope ». 



Passerelle de C.O... Nouvel écho dans le 165 à 15 nautiques ! On nous répond d'en haut :
— C.O. de passerelle... Reçu... Veillez !
Ce C.O., dans une Marine qui exige de plus en plus de spécialistes, reste inconnu pour une grande partie de l'équipage : lieu tabou où se déroulent des rites mystérieux en l'honneur de la déesse Electronique ! Aussi, entre ces marins-frères embarqués pour la même aventure, les détecteurs apparaissent-ils parfois comme d'une race à part — enviée ou méprisée. Ils sont aussi ceux « qui travaillent assis » ; les autres, qui vont de la passerelle aux machines de la plage-avant à la plage-arrière, étant ceux qui « travaillent debout »...



Pour en finir avec ce Centre qui doit t'ennuyer, je te parlerai de notre passager clandestin, embarqué à la Réunion : un grillon 1 Dissimulé dans un indicateur-radar, il emplissait la passerelle de son chant cadencé. Nous faisions route vers l'Australie. Le bateau glissait sur l'eau phosphorescente avec un bruit de soie déchirée et, tout émus, nous écoutions religieusement cette musique de la Terre. Je pensais à toi, je me disais : « Aurai-je une lettre d'Edith à l'escale 

prochaine ? »

Tu ne peux savoir, en effet, ce que représente « La Lettre » pour 
un marin.

Dès que se dessine une côte, dès que se précise un port, on commence à s'inquiéter, à espérer. Et le vaguemestre, humble personnage à la mer, devient, dès l'arrivée à l'escale, un seigneur. Il est le premier descendu à terre avec sa sacoche, accompagné par les vceux de tous. Il revient avec un monceau d'enveloppes. Impatient, fébrile presque, on attend l'écriture préférée. Joie! la voici, ronde, un peu enfantine, avec les mots « Paris-Naval » soulignés trois fois. Edith ne m'a pas oubliée, Edith m'envie, Edith se morfond... Est-ce bien sûr ? C'est samedi. Je suis certain qu'elle se prépare, cheveux gonflés, jupe collante, à aller danser le madison avec Georges ou André...





L'aviso-escorteur Victor Schoelcher a été mis à flot le 11 octobre 1958 à l'arsenal de Lorient. Admis au service actif le 15 octobre 1962, il est affecté à l'Ecole d'application des enseignes de vaisseau, comme conserve de la Jeanne d'Arc pendant onze campagnes d'application, au cours desquelles il montrera le pavillon français dans toutes les parties du monde, et effectuera des escales dans plus de 70 villes aux noms prestigieux.

— Permissionnaires, à l'appel ! lance le haut-parleur.

Dans un mouvement d'humeur, je chiffonne ta lettre dans ma poche.

— Alors ? Tu viens, Jean-François ?

Ce sont les copains qui m'attendent pour la bordée et qui s'im- patientent. On se fait facilement des amis sur un aviso comme le Schoelcher où, quartiers-maîtres et matelots, nous sommes à peine cent cinquante garçons. Mais cette camaraderie de mer se forge surtout au cours des bordées. On est content, devant un paysage nouveau, de pouvoir parler. On évite de s'aventurer seul dans les ruelles insolites. O n aime savoir que, les soirs de « cuite », on aura près de soi des bras solides pour vous aider en cas de bagarre... Très vite des « groupes de sorties » se forment : deux, trois matelots. On est devenus copains parce qu'on lit lès mêmes livres ou, tout simplement, parce qu'on connaît bien le Pas-de-Calais où l'un de nous est né. Et on se sait copains pour un temps limité, car, la croisière finie, on ne se reverra sans doute plus. 

A Lorient, bientôt nous nous séparerons. Mes camarades porteront — fait d'exception — mes valises et brandiront dans les rues mes lances papoues. Nous ferons la tournée des bistrots en commençant prudemment par les plus éloignés de la gare. Nous boirons du vin rosé de Cabernet, de la bière, nous chanterons à tue-tête l'hymne de notre bateau : « Non, non, le Schoelcher n'est pas mort ! », nous cacherons notre émotion avec des mots grossiers, sinon des injures. Et quand le train s'en ira, les copains s'aligneront sur le quai des adieux, tout comme sur le pont quand retentit l'ordre : « Sur le bord ! » et qu'on salue « au sifflet » le Commandant.
Tu m'as demandé une fois si j'avais des camarades à bord de la Jeanne-cTArc. E h bien, non. Les équipages de la Jeanne et duSchoélcher ne se mêlent guère pour les sorties à terre. Chacun pré- fère rester « en famille » : c'est de tradition. E t notre attitude, bien souvent, étonne les étrangers... Pour l'aviso-escorteur, c'est un peu agaçant, avoue-le, de voir l'auguste Dame recevoir partout et toujours les honneurs ! A la Jeanne, réceptions et spectacles. A la Jeanne, la sympathie première de la foule sur le quai, à l'amar- rage. Jaloux, les matelots du Schoélcher ne manquent pas de qua- lifier le croiseur-école de « bateau-fayot », de « bateau-caserne », de « vieille baille » où la discipline rude va de pair avec l'inconfort.



Et les matelots de la Jeanne de répliquer :
— Le Schoéecher? C'est une «péniche», un«mouille-cul»,un bateau qui « ne tient pas la mer ! »
Reconnaissons-le, pourtant , les midships (gentiment surnom- més mimis) entretiennent de bons rapports avec les équipages des deux navires. Les pauvres enseignes ! Il faut les plaindre, au fond. Obligés d'assister durant les escales à toutes les cérémonies officielles, ils considèrent souvent avec envie la joyeuse indépendance du matelot.


Notre dernière étape commune fut Ajaccio : le Schoélcher ralliant Brest, la Jeanne poursuivant quelques jours encore la découverte de la Méditerranée. A u moment de la séparation, le croirais-tu, la « péniche » que nous sommes avait oublié sa sourde rancœur contre la «vieille baille ». Il n'y avait plus que deux vieux copains qui, après sept mois de bourlinguage côte-à-côte, allaient se quit- ter. On était tous un peu tristes. La clique, à bord de la Jeanne, a joué «Cen'est qu'un au revoir... » Un clairon a sonné un garde-à- vous d'adieu. A u x drisses sont montés des pavillons multicolores

qui disaient au Schoélcher « Bon retour... Bon vent... Merci » tandis que nos appareils de « scott » répondaient par éclats brefs. E t déjà, c'était fini. Notre bateau faisait P.M.P. — route à vitesse maximum — vers les Côtes de Bretagne, vers toi, cousine.


TàD Poste navale 22-5-1963 Escale d'Ajaccio
Vers toi, mais aussi vers le quotidien. Comprends-moi... Nous avions pris l'habitude de vivre en communauté, entre hommes, et notre Pacha, notre Commandant (le « Vieux » comme il est d'usage entre nous, de le désigner) avait su se rendre populaire. C'étaient de petites conférences amicales concernant l'exercice en cours ou les paysages que nous allions découvrir ; une anecdote à propos d'un animal marin aperçu par le veilleur . Sachant qu'il était chas- seur d'images, nous ne manquions jamais de l'avertir qu'une belle pièce avait été pêchée à l'arrière, ou qu'un banc de marsouins folâtrait à tribord. On ne lui en voulait pas quand il lançait à l'ini- proviste dans les vagues la bouée symbolisant « U n homme à la mer » et qu'il fallait, en toute hâte, larguer les foscarts, mettre en marche la table traçante anti sous-marine. On recommençait avec bonne humeur jusqu'à dix fois cette manœuvre jusqu'à ce que celle- ci devînt réflexe, automatisme... 


En dehors du travail, nous connais- sions cette camaraderie dont je t'ai parlé. Bains de soleil sur la plage arrière — que nous appelions la «Palm-Beach »— On se rafraîchissait, sous les cieux chauds, avec l'eau giclante des pompes » à incendie. Orchestres improvisés, le soir. Jeux de cartes : 421, belote, manille... Nous avions pris l'habitude de fumer des cigares de nabab, d'écrire à l'aide de stylos de luxe, de nous raser avec des rasoirs d'Amérique : tout cela coûte si bon marché, dans les ports-francs ! E t puis, i l faut bien le dire, la mer possède des vertus anesthésiantes : plus de grandes tristesses, plus de grandes colères, plus de grands soucis...



Pour quelques-uns de mes camarades mariés, le retour marquera la fin d'une sérénité égoïste. Ils pensent déjà au caractère acariâtre de l'épouse, aux zéros en dictée des enfants, aux économies faites durant la croisière et qui se volatili- seront comme par enchantement dans l'achat d'une machine à laver.

Pour moi, bien sûr, c'est différent. Cependant, il te faudra être indulgente au cours de ma permission, Edith. J'ai perdu l'habitude de t'aider à disposer le couvert, d'aller chez l'épicier avec un sac à provisions pour te rapporter des boîtes de petits pois. E t les cloches de l'église qui tintent à chaque quart d'heure, derrière ta maison, me surprendront au début.

Le retour, il est tout proche. Imagine avec moi... Sa flamme de guerre de six mètres flottant bien haut, mon bateau se glisse parmi les autres navires, tandis que sur le quai de Brest, marins et familles regardent et attendent. Nous avons l'attitude détachée, légèrement supérieure, de garçons qui reviennent du bout du monde et qui ont vu tellement de choses !... Le dernier « traversier » est accroché. Le « dégagé » du poste de manœuvre retentit. La flamme de guerre retombe lentement. La coupée à peine mise en place, les amis s'élancent...

— Bonjour, ma cousine !

CHRISTINE GARNIER.



La France a vendu d'occasion à l'Uruguay l'aviso-escorteur Victor-Schoelcher, en service depuis 1962 dans la marine nationale. Le bâtiment, qui a notamment servi d'accompagnateur au porte-hélicoptères Jeanne-d'Arc et qui a secouru des réfugiés vietnamiens en mer de Chine ou ravitaillé les pêcheurs français, sera remis en état à l'arsenal de Lorient avant d'être livré, en janvier prochain, à la marine uruguayenne. Cette transaction est évaluée à 100 millions de francs. L'Uruguay envisage d'acheter deux autres avisos-escorteurs à la marine française. Le Monde 6 octobre 1988
Merci à Daniel Allançon, Claude Bélec, Patrick Le Pestipon

Sources :

https://www.revuedesdeuxmondes.fr/wp-content/uploads/2016/11/c0fc4f4da1610af36028e63c170e8477.pdf

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