22 décembre 2020

Dahomey La Naïade - Goéland Sané Durance - Amiral Cuverville - Behanzin - Abomey 1890 1892

La Naïade - Campagne au Dahomey - Amiral de Cuverville

Un projet de restitution de plusieurs objets d’art appartenant aux collections nationales qui constituent des prises de guerre nous amène à parler du Dahomey. Le projet de loi vise à faire sortir des collections nationales vingt-sept biens culturels afin d’ouvrir la voie à leur restitution à deux pays d’Afrique, le Bénin et le Sénégal. Il concerne notamment vingt-six œuvres constituant le « Trésor de Béhanzin », conservées au musée du Quai Branly-Jacques Chirac et revendiquées par la République du Bénin depuis septembre 2016. 

 


Ce livre, qui est une histoire plutôt diplomatique que militaire, prouve qu'il y a une « diplomatie nègre ». Elle a ses agents, son protocole variable suivant les régions.


C'est la gloire de la France, malgré tout la nation catholique par excellence, la « nation maternelle » comme dit le poète, d'avoir mis dans ses rapports avec les sauvages enfants de la nature une condescendance admirable, une patience toute chrétienne.

Ignorante des brutalités, dont certaines nations européennes moins imprégnées de la charité du Christ ont pu se rendre coupables, elle agit envers les peuples qu'elle veut gagner à la cause de la civilisation avec autant de mansuétude que si elle avait affaire au léopard Britannique ou à l'aigle Teutonique.

Pour les petits et les grands elle ne connaît pas deux poids 

et deux mesures

Lorsqu'en 1885 l'amiral de Cuverville pacifia une première fois le Dahomey, les rapports entre la France et la cour d'Abomey étaient bien moins tendus. En 1890, les événements qui motivaient le blocus avaient une plus grande gravité,  Violant les traités, le roi Kon-Dô, dit Béhanzin, qui venait de succéder à son père le roi Gléglé, soutenait une guerre sanglante contre l'allié de la France, 

Toffa, le roi de Porto-Novo. M. Bayol, lieutenant-gouverneur, envoyé à Abomey pour faire entendre les protestations du gouvernement de la République Française, avait échoué dans ses négociations ; et pour échapper à la captivité ou à la mort, il avait dû s'enfuir. 



La France venait de débarquer ses troupes et d'occuper- Cotonou. Les Dahoméens s'étaient emparés par représailles et par trahison des Européens restés à Ouidah.

Parmi ces otages s'était trouvé le R. P. Dorgère, des Missions Africaines, qui subit avec ses compagnons l'horreur de trois mois d'une dure captivité.




Les difficultés, survenues au Dahomey en 1885, à l'occasion du protectorat portugais et du percement de l'isthme de Cotonou, avaient été heureusement aplanies par l'intervention de M. de Cuverville, chef de la division navale de l'Atlantique Sud. Mais il était aisé de prévoir qu'un jour ou l'autre surgiraient de nouvelles complications. Dans un rapport, à la date du 4 janvier 1886, tout un ensemble de mesures avait été recommandé par le chef de division.



« Civilisation chrétienne du Dahomey et accès sur le moyen Niger, en partant de nos établissements du golfe de Bénin, tel est le double but à poursuivre. » En résumé, l'amiral voulait une action ferme en face des envahissements de l'Angleterre et de l'Allemagne, et vis-à-vis du Dahomey, il demandait qu'on procédât sans faiblesse, en déployant largement le drapeau de la Croix, confié aux mains des missionnaires.


« J'ai chargé provisoirement le commandant du Sané d'y exercer, avec toutes les attributions d'un gouverneur, l'autorité supérieure sur terre et sur mer, et je lui ai prescrit de mettre la côte du Dahomey en état de blocus ; trois avisos de mer: Ardent, Brandon et Goéland, ont d'ailleurs - été envoyés à ses ordres, du Sénégal et du Gabon, et le Roland a fait route, le 5 avril, sur une invitation, de Saint-Thomas pour Cotonou. -, « Mais c'est vous, Monsieur le contre-amiral, que j'ai choisi pour être investi de la haute direction des opérations sur le littoral du Dahomey.


« Vous voudrez donc bien, après la réception de la présente dépêche, faire route le plus tôt possible de la Martinique pour Dakar, où vous ferez compléter les vivres, le charbon et les rechanges de la Naïade ; vous continuerez du Sénégal pour Cotonou, où le commandant du Sané vous remettra le service. 
Vous exercerez, dès lors, les pouvoirs en ce moment attribués au capitaine de vaisseau Fournier. Vous commanderez l'ensemble dès-navires".

La Durance 


« Enfin, la Durance, entrée en armement à Rochefort le 29 avril, sera expédiée vers le 15 mai courant, pour Dakar et Cotonou.

« Cet aviso-transport, qui sera détaché jusqu'à nouvel avis, à la côte occidentale d'Afrique, sera à votre entière disposition et vous pourrez l'utiliser, soit pour faire des transports, soit pour servir de magasin ou d'hôpital.


« Il vous apportera de France : « Vingt baraques système Deker, représentant un encombrement de 300 mètres cubes et destinées à Cotonou (15 autres partiront par le courrier du 10 juin, si le commandant Fournier le demande) ; « Les 2.000 fusils Gras, avec munitions, dont vous avez sollicité l'envoi (50 mètres cubes) ; « Une dizaine de mètres cubes de munitions pour canon de 80.

« Vous pourrez faire l'emploi que vous jugerez convenable des fusils Gras, pour armer, le cas échéant, des auxiliaires noirs et donner ainsi aux populations hostiles aux Dahoméens, les moyens, sinon de se défendre par elles-mêmes, tout au moins de n'avoir besoin de notre appui que dans une mesure de plus en plus restreinte.

... "Bientôt l'armée de Béhanzin tentait d'emporter de vive force Cotonou. Elle avait été repoussée par le commandant Terrillon, qui, lui infligeant de nouvelles défaites à Zobbo, à Dogba, se portait en avant de Porto-Novo et livrait la sanglante bataille d'Atchoupa. - En somme, la guerre était commencée, et les ordres reçus par l'amiral de Cuverville demandaient, qu'au milieu du bruit des batailles, il fit entendre des paroles de paix. La tâche était bien plus difficile. Il ne se le dissimulait pas. Aussi voulait-il être fort et pouvoir parler en maître. De plus l'époque n'était pas favorable; de là les appréhensions qu'il manifeste et les demandes qu'il adresse au ministre de la Marine dans cette même lettre du 27 mai, datée de Dakar : 


« Pendant la saison qui va commencer, nous ne pourrons compter que d'une façon très relative sur le personnel Européen, et j'entrevois bien des invalidations ; les tirailleurs indigènes sort, par excellence, les troupes qu'il nous faut, et je vous prie d'en faire diriger six cents sur Cotonou, en sus de ceux qui s'y trouvent déjà, dès que les circonstances le permettront ; seuls, pendant les orages et les nuits pluvieuses de l'hivernage, ils pourront assurer le service de garde, tant à Porto-Novo qu'à Cotonou et Grand-Popo qu'il ne faut pas perdre de vue. A mon avis, ce dernier point est actuellement très insuffisamment garanti."

Le 31 (mai), la Naïade signifiait au ministre qu'elle se mettait en route, et l'amiral de Cuverville, en annonçant son arrivée au commandant du Sané., le priait de prévenir le Résident M. Ballot, pour qu'il prît ses dispositions afin de passer quelques jours à bord de la Naïade, dès qu'il aurait jeté l'ancre en face de Cotonou.

La Naïade quitta Dakar, faisant route pour le golfe de Bénin, à la marche moyenne de huit nœuds ; allure qui permettait d'économiser un combustible toujours difficile à remplacer


Le Kerguelen restait au Gabon. En passant devant Agoué le Goëland fut aperçu par la Naïade. Il surveillait la côte de Grand-Popo à Agoué. A Ouidah l'Ardent était au mouillage ; et enfin à Cotonou, où la Naïade arrivait le 8 juin, à 7 heures et demie du soir, se trouvaient le Sané et le Roland.


La Mésange, qui était en station dans l'Est, vint bientôt mouiller à côté du vaisseau-amiral.

Le commandant en chef avait donc sous ses ordres sept navires, sans compter l'Émeraude, qui était dans la lagune, et devait être bientôt renforcée d'un petit bâtiment analogue.



« Le roi Béhanzin, écrivait M. de Cuverville, le 6 août, retient tous les messagers qu'on lui envoie. Depuis le 31 mai, nous sommes absolument sans nouvelles de ceux qui lui ont été adressés par le capitaine de vaisseau Fournier, avec les cadeaux du Président de la République. 

En fait de cadeaux, il fallait des obus. Mais le désir de la paix a produit, comme on devait s'y attendre, un effet tout contraire. Les malheureux cadeaux envoyés par mon prédécesseur, au nom du Président, ont produit le plus lamentable effet, et ont permis à Béhanzin de déclarer à son peuple que la France lui demandait pardon d'avoir osé attaquer son territoire. Bref, comme les messagers, porteurs des cadeaux, étaient des gens d'ordre inférieur, le roi ne s'est pas gêné pour les interner, et les chefs noirs ont pu dire qu'il n'y avait pas de précautions à prendre avec la France, « on pouvait marcher dessus. » 






Pour qui connaît le pays et le parfait mépris dans lequel les indigènes tiennent les blancs, à cause de leur immoralité (je parle du plus grand nombre, et surtout des agents de factoreries), il est évident que le choix d'un envoyé pouvant en imposer à Abomey, connaissant la diplomatie noire et les usages du pays, — assez courageux pour ne pas craindre d'irriter l'autocrate en lui faisant entendre de dures vérités, — un pareil choix, dis-je, était fort difficile. »



Sources

La Marine au Dahomey A. de Salinis  BnF Gallica

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