OPEX opérations extérieures
un site à découvrir
http://opexnews.over-blog.com/archive-08-2009.html
par exemple cet article
Le 6 juin 1944, au petit matin, sur la plage de Ouistreham, Philippe Kieffer, patron du 1er bataillon français des fusiliers marins commandos, foule le sol français. L'arme à la main, il refuse de rester au poste arrière, dirige ses hommes sur la plage, saute dans un char britannique, livre sous les balles une bataille interminable dans les rues de la ville. Le combat est fondateur, le commando construit là sa légende.
Le 6 juin 2009, à quelques mètres de ces mêmes dunes de sable, le contre-amiral Marin Gillier, le béret vert vissé sur la tête, connaît l'histoire par coeur. Il est à la tête des forces spéciales de marine, qui portent le nom du 6e commando créé il y a tout juste un an, le 6 juin 2008: le commando Kieffer. Il lui a pourtant fallu batailler. "Normalement, on ne donne que des noms de héros morts au combat", explique-t-il. Philippe Kieffer est mort dans son lit à l'âge de 63 ans. Mais la filiation est évidente: Gillier n'a pas eu à insister trop longtemps.
La nécessité de s'adapter à la réalité des nouveaux théâtres de guerre a poussé l'état-major des armées à créer cette nouvelle unité, spécialisée dans la mise en oeuvre des nouvelles technologies. "Aujourd'hui, on gère plus des opérations politiques, les cibles sont très précises", explique-t-il. Pour former sa nouvelle unité, l'amiral a tenu aux symboles. Tout comme Philippe Kieffer, l'amiral Gillier recrute ses hommes parmi diverses spécialités. Cette fois, il ne s'agit plus de recruter des seuls fusiliers marins, mais aussi des professionnels de la guerre électronique, des as des radars ou des drones, des plongeurs démineurs, des pompiers, des informaticiens... "Mais ils doivent tous passer le stage commando", insiste le patron.
Loin de rendre les armes
Parmi les centaines de réponses à l'appel d'offres, 177 hommes ont été présélectionnés. Exactement le nombre d'hommes qui composaient le bataillon qui débarqua le 6 juin sur la plage de Ouistreham. Parmi ceux-ci, 32 seulement ont été retenus pour l'instant. La nouvelle unité devrait être opérationnelle d'ici au 1er juillet, prête à partir n'importe où. Quelques hommes, déjà, ont été envoyés ponctuellement sur des missions. "La semaine dernière, le commando a reçu la certification Otan pour partir en cas d'alerte", glisse Marin Gillier.
On dirait presque qu'il a hâte. L'amiral n'est pas du genre à rester les bras croisés. C'est encore un autre détail qui pourrait faire de lui le digne héritier du capitaine de corvette Kieffer. Marin Gillier participe aux opérations. Le 11 avril 2008, 30 Français sont retenus sur le Ponant par des pirates, au large des côtes somaliennes. A la tête des forces spéciales, en charge de l'opération tactique, Gillier est parachuté en mer au milieu de ses hommes, dont il parle avec affection, et contribue au sauvetage des otages. Il est pourtant rare que des hommes de son grade continuent à livrer des batailles. Mais Marin Gillier, 51 ans, est loin d'être prêt à rendre les armes. Dès qu'il le peut, il accompagne ses hommes.
Le militaire n'était pourtant pas voué à mener de tels combats. Fils de profs, sa mère enseigne la physique, son père l'anglais, il grandit dans les rues de Paris, loin des rives de la Bretagne où il est désormais installé. "J'étouffais", concède-t-il. Ses parents l'imaginent ingénieur, le poussent à faire maths sup et maths spé. "J'étais programmé pour la vie entière." Le jeune homme de 19 ans rêve plutôt "d'aventure"... Il décide alors d'intégrer l'Ecole navale. Il assure qu'il ne sait plus très bien pourquoi et comment. "Au lycée, j'avais rencontré des marins venus nous voir. Ils portaient une casquette blanche. Ça m'avait bien plu..." Ça lui suffit pour suivre leur chemin. Gillier ne connaît alors même pas l'existence des forces spéciales, soutient-il. Il choisit sa spécialité parmi d'autres. Il imagine peut-être que celle-ci le mènera à la plus grande des aventures. Et donne un sens à son prénom. "Ma mère l'a choisi parce que c'était celui d'un ami. Rien à voir avec la mer."
"Je n'ai rien à me reprocher"
Ses parents approuvent son choix. "Ils ont vite compris", assure-t-il. Gillier mène sa vie, parcourt le monde, se construit une nouvelle famille, épouse une fille de militaire. "A l'époque, j'étais second sur un patrouilleur au large de la Nouvelle-Calédonie, raconte-t-il. J'ai demandé à mon commandant d'enfiler son bel uniforme blanc et d'aller demander, pour moi, la main de ma future femme à mon beau-père." Le chef accepte bien volontiers, le père de la future mariée sable le champagne.
Marin Gillier repart en mer et enchaîne des opérations qu'il refuse d'évoquer. A jeter un oeil sur les médailles qui ornent sa poitrine, on comprend vite qu'il a connu les principaux théâtres de guerre de ces vingt-cinq dernières années: le Liban, le Tchad, la Yougoslavie... Et le Rwanda aussi.
De cette tragédie, il parle volontiers. Même si l'émotion est palpable. Il y a, chez tous ceux qui ont approché l'horreur rwandaise, un avant et un après. "On n'en dort plus la nuit", souffle-t-il, les bras hérissés par la chair de poule. Il évoque ces enfants tués à la machette, cette petite fille venue lui parler "alors qu'elle avait le haut du crâne coupé, on apercevait ses méninges". Ou encore cet enfant croisé au bord d'une route, accroché au sein de sa mère pourtant décapitée. Puis il parle de l'"Opération turquoise", de ces accusations portées contre lui. De ces 36 heures, entre le 27 et le 30 juin 1994, où des milliers de Tutsis ont été massacrés sur la colline de Bisesero.
Les militaires français n'auraient pas tout fait pour les sauver. Il raconte le chaos, les incompréhensions. "En arrivant, on ne savait pas qui étaient les gentils et les méchants. Tout le monde nous demandait de sauver des gens par-ci, par-là. Peut-être ce jour-là avons-nous pris la mauvaise route." Le marin pourrait être encore poursuivi par la justice internationale, tout comme les ministres français de l'époque. "Mais je ne suis pas inquiet. Je n'ai rien à me reprocher." Seuls les souvenirs continuent de le hanter. Des images qu'il ne partage pas lorsqu'il rentre chez lui et retrouve ses neuf enfants, dont deux garçons, réfugiés politiques, qu'il a recueillis. "On ne peut pas raconter ce qu'on voit. On ne peut que le vivre ensemble." Après chaque opération, il met du temps à se réhabituer à la vie normale. Un constat qu'il sait dur pour son entourage. "Tout me paraît fade." Chez lui, après vingt-sept ans de commando de marine, son paquetage est toujours prêt.
Le 6 juin 2009, à quelques mètres de ces mêmes dunes de sable, le contre-amiral Marin Gillier, le béret vert vissé sur la tête, connaît l'histoire par coeur. Il est à la tête des forces spéciales de marine, qui portent le nom du 6e commando créé il y a tout juste un an, le 6 juin 2008: le commando Kieffer. Il lui a pourtant fallu batailler. "Normalement, on ne donne que des noms de héros morts au combat", explique-t-il. Philippe Kieffer est mort dans son lit à l'âge de 63 ans. Mais la filiation est évidente: Gillier n'a pas eu à insister trop longtemps.
La nécessité de s'adapter à la réalité des nouveaux théâtres de guerre a poussé l'état-major des armées à créer cette nouvelle unité, spécialisée dans la mise en oeuvre des nouvelles technologies. "Aujourd'hui, on gère plus des opérations politiques, les cibles sont très précises", explique-t-il. Pour former sa nouvelle unité, l'amiral a tenu aux symboles. Tout comme Philippe Kieffer, l'amiral Gillier recrute ses hommes parmi diverses spécialités. Cette fois, il ne s'agit plus de recruter des seuls fusiliers marins, mais aussi des professionnels de la guerre électronique, des as des radars ou des drones, des plongeurs démineurs, des pompiers, des informaticiens... "Mais ils doivent tous passer le stage commando", insiste le patron.
Loin de rendre les armes
Parmi les centaines de réponses à l'appel d'offres, 177 hommes ont été présélectionnés. Exactement le nombre d'hommes qui composaient le bataillon qui débarqua le 6 juin sur la plage de Ouistreham. Parmi ceux-ci, 32 seulement ont été retenus pour l'instant. La nouvelle unité devrait être opérationnelle d'ici au 1er juillet, prête à partir n'importe où. Quelques hommes, déjà, ont été envoyés ponctuellement sur des missions. "La semaine dernière, le commando a reçu la certification Otan pour partir en cas d'alerte", glisse Marin Gillier.
On dirait presque qu'il a hâte. L'amiral n'est pas du genre à rester les bras croisés. C'est encore un autre détail qui pourrait faire de lui le digne héritier du capitaine de corvette Kieffer. Marin Gillier participe aux opérations. Le 11 avril 2008, 30 Français sont retenus sur le Ponant par des pirates, au large des côtes somaliennes. A la tête des forces spéciales, en charge de l'opération tactique, Gillier est parachuté en mer au milieu de ses hommes, dont il parle avec affection, et contribue au sauvetage des otages. Il est pourtant rare que des hommes de son grade continuent à livrer des batailles. Mais Marin Gillier, 51 ans, est loin d'être prêt à rendre les armes. Dès qu'il le peut, il accompagne ses hommes.
Le militaire n'était pourtant pas voué à mener de tels combats. Fils de profs, sa mère enseigne la physique, son père l'anglais, il grandit dans les rues de Paris, loin des rives de la Bretagne où il est désormais installé. "J'étouffais", concède-t-il. Ses parents l'imaginent ingénieur, le poussent à faire maths sup et maths spé. "J'étais programmé pour la vie entière." Le jeune homme de 19 ans rêve plutôt "d'aventure"... Il décide alors d'intégrer l'Ecole navale. Il assure qu'il ne sait plus très bien pourquoi et comment. "Au lycée, j'avais rencontré des marins venus nous voir. Ils portaient une casquette blanche. Ça m'avait bien plu..." Ça lui suffit pour suivre leur chemin. Gillier ne connaît alors même pas l'existence des forces spéciales, soutient-il. Il choisit sa spécialité parmi d'autres. Il imagine peut-être que celle-ci le mènera à la plus grande des aventures. Et donne un sens à son prénom. "Ma mère l'a choisi parce que c'était celui d'un ami. Rien à voir avec la mer."
"Je n'ai rien à me reprocher"
Ses parents approuvent son choix. "Ils ont vite compris", assure-t-il. Gillier mène sa vie, parcourt le monde, se construit une nouvelle famille, épouse une fille de militaire. "A l'époque, j'étais second sur un patrouilleur au large de la Nouvelle-Calédonie, raconte-t-il. J'ai demandé à mon commandant d'enfiler son bel uniforme blanc et d'aller demander, pour moi, la main de ma future femme à mon beau-père." Le chef accepte bien volontiers, le père de la future mariée sable le champagne.
Marin Gillier repart en mer et enchaîne des opérations qu'il refuse d'évoquer. A jeter un oeil sur les médailles qui ornent sa poitrine, on comprend vite qu'il a connu les principaux théâtres de guerre de ces vingt-cinq dernières années: le Liban, le Tchad, la Yougoslavie... Et le Rwanda aussi.
De cette tragédie, il parle volontiers. Même si l'émotion est palpable. Il y a, chez tous ceux qui ont approché l'horreur rwandaise, un avant et un après. "On n'en dort plus la nuit", souffle-t-il, les bras hérissés par la chair de poule. Il évoque ces enfants tués à la machette, cette petite fille venue lui parler "alors qu'elle avait le haut du crâne coupé, on apercevait ses méninges". Ou encore cet enfant croisé au bord d'une route, accroché au sein de sa mère pourtant décapitée. Puis il parle de l'"Opération turquoise", de ces accusations portées contre lui. De ces 36 heures, entre le 27 et le 30 juin 1994, où des milliers de Tutsis ont été massacrés sur la colline de Bisesero.
Les militaires français n'auraient pas tout fait pour les sauver. Il raconte le chaos, les incompréhensions. "En arrivant, on ne savait pas qui étaient les gentils et les méchants. Tout le monde nous demandait de sauver des gens par-ci, par-là. Peut-être ce jour-là avons-nous pris la mauvaise route." Le marin pourrait être encore poursuivi par la justice internationale, tout comme les ministres français de l'époque. "Mais je ne suis pas inquiet. Je n'ai rien à me reprocher." Seuls les souvenirs continuent de le hanter. Des images qu'il ne partage pas lorsqu'il rentre chez lui et retrouve ses neuf enfants, dont deux garçons, réfugiés politiques, qu'il a recueillis. "On ne peut pas raconter ce qu'on voit. On ne peut que le vivre ensemble." Après chaque opération, il met du temps à se réhabituer à la vie normale. Un constat qu'il sait dur pour son entourage. "Tout me paraît fade." Chez lui, après vingt-sept ans de commando de marine, son paquetage est toujours prêt.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire