Ecole Navale Brest 30 mai 1936
En confinement, chacun ouvre ses coquerons, ses soutes, ses classeurs.
Suite à l'article sur l'Ecole navale (la Baille), l'amiral Arata nous fait partager un dossier sur l'inauguration de l'école navale. Ce dossier constitué par aspirant mécanicien Joseph Emile Jules Lacroix comprend cartons d'invitation, menu, cartes.
"Pour l'Ecole Navale, je viens de retrouver mes archives de l'admission à l'Ecole des Ingénieurs Mécaniciens depuis le début: LACROIX Joseph, Emile, Jules né le 24 septembre 1912 à Caudies de Fenouillèdes ( PO). - Arts et Métiers d'Aix - Entré sans concours.- 2ème/8".Et comme le sous-entend l'amiral, pour être invité, il devait être au moins fils d'archevêque...
M.LEBRUN A INAUGURE HIER, à Brest LA NOUVELLE ECOLE NAVALE
Les ministres de la Marine, de la Guerre, de l'Air, de la Marine Marchande et des Colonies accompagnaient le chef de l'Etat qui fit un vibrant éloge de la Bretagne et salua la renaissance de notre flotte.
BREST, 30 mai (de notre rédaction). M. Albert Lebrun, président de la République. a solennellement inauguré aujourd'hui les bâtiments de la nouvelle Ecole Navale dont la première pierre fut posée en 1929 par M. Georges Leygues, alors ministre de notre Marine nationale.
Le chef de l'Etat, accompagné des ministres de la Marine, de la Guerre, de l'Air, de la Marine marchande et des Colonies, a reçu de la population un accueil enthousiaste.
Au cours du banquet offert par M. Piétri, ministre de la Marine, ce dernier prononça un vibrant discours à la gloire de notre marine nationale, auquel M. Albert Lebrun répondit.
LE DISCOURS DE M. LEBRUN
Le président de la République, après avoir adressé au nom des membres du gouvernement qui ont bien voulu l'accompagner, et au sien, un salut cordial aux population du Finistère et à ses élus, MM. les Sénateurs et Députés, ainsi qu'au président du Conseil général, poursuit ainsi :
« Croyez que le chef de l'Etat se félicite d'avoir pu venir en Bretagne et rendre visite a votre admirable province, l'une des plus fidèles parmi toutes celles qui, depuis des siècles, contribuent à 1a parfaite homogénéité de notre beau pays de France.
Terre de contrastes, elle est tour à tour le pays des antiques forêts de chênes, d'Argoat sombre où les derniers druides trouvèrent refuge, les derniers aux ajoncs d'or, où la légende promena les rêveries de l'enchanteur Merlin et aussi des falaises déchiquetées et des grèves stériles, cette Armor qui depuis toujours jette ses enfants dans la téméraire aventure des flots mouvants alors que se dresse devant eux, en une visite décevante, les tours disparues de la ville d'Ys.
Son histoire comme elle-même est originale et forte. Elle est la patrie des plus illustres soldats, depuis Du Guesclin, le connétable qui porta les prouesses de son épée par delà les Pyrénées, Beaumanoir, magnifique héros du combat des Trente, jusqu'à la pure et idéale figure de La Tour d'Auvergne, premier grenadier de France. Un grand nombre de ses fils furent aussi de hardis capitaines de mer Duguay-Trouin, Jacques Cartier, Surcouf, du Couëdic et d'autres qui déployèrent à travers le monde le pavillon français.
« Terre de force , Terre de poésie aussi. C'est d'elle que Chateaubriand, La Mennais, Brizeux, Renan ont tiré le meilleur de leur génie. Elle a forgé une race de travailleurs tour à tour mystiques et réalistes par qui notre histoire s'est enrichie de pages émouvantes comme celles qu'écrivaient hier encore les fusiliers-marins de l'Yser fit les canonniers de Verdun.
La Bretagne, terre de marine Mais la Bretagne est avant tout une terre de marins. L'océan qui l'étreint domine toute son existence, ses décors et son coeur. Elle est, a écrit Anatole Le Bras, le chef-d'oeuvre de la mer. De tout temps, elle a donné à notre marine les meilleurs de ses fils. Ce fut tout naturellement à Brest que Richelieu forma la première compagnie de ses gardes-marines dont la culotte et les bas rouges, la bravoure et les exploits, comme aussi les excès bruyants dans les basses ruelles de la cité, sont restés longtemps fameux. C'est dans sa rade encore que stationna le Duquesne, où Napoléon voulut que fussent formés les aspirants pour le recrutement des cadres de sa flotte. C'est toujours ici que, sous les voiles de L'Orion et des trois Borda s'entraina pendant un siècle l'élite de notre marine
La nécessité de la nouvelle école
C'est également à Brest que devait être installée l'Ecole Navale quand on envisagea de l'ancrer définitivement à terre.
"Nécessité d'ailleurs, qui s'imposait. Car si le cadre limité d'un vaisseau suffisait jadis pour assurer l'instruction de nos officiers, aujourd'hui que le vulgaire mazout a remplacé la poésie des voiles blanches, on ne peut plus réaliser à bord de vieux navires désaffectés une organisation adaptée aux exigences si complexes de l'instruction moderne.
Une flotte actuelle est comme un gigantesque appareil de précision. Il faut pour la bien mener un personnel doté non seulement d'une culture générale solide, mais aussi d'une éducation professionnelle très étendue. Les hommes qui en ont la charge doivent être presque tous des spécialistes confirmés dans leurs fonctions multiples et délicate».
C'est pour tenir compte de ces exigences qu'a été entreprise l'édification de cette école. Notre joie est grande de pouvoir inaugurer ce matin ses magnifiques bâtiments aux proportions heureuses dus à la conception de l'architecte Jacques Hermant mort, hélas, au moment où se réalisaient ses plans et terminés sous la haute direction de M. Maurice.
Ils vont désormais, sur ce plateau des QuatrePompes d'où ils dominent la ville et la rade, enrichir le patrimoine monumental, de la France et permettre à Brest de poursuivre sa mission éducatrice. Ecole d'une importance capitale pour la formation de nos cadres, officiers de vaisseau et ingénieurs mécaniciens. L'officier de marine se distingue par sa belle tenue, sa passion du devoir, un sens de la discipline devant qui doit s'incliner toute velléité d'indépendance et cette exaltation du métier qui, seule, permet d'en accepter l'austère sévérité et les lourdes servitudes.
Un hommage à Georges Leygues
le président salue au nom du pays, ses chefs, ses professeurs et ses élèves et rend un hommage particulier celui qui en fut le père, au grand ministre de la Marine d'après guerre. Georges Leygues, dont ce fut la passion au lendemain de la victoire de travailler au relèvement de notre marine militaire si gravement anémiée au cours des hostilités; enfin, à ses successeurs, en particulier M. le ministre Piétri, dont M. Lebrun fait l'éloge en ces termes :
Avec une noble intelligence, un sens élevé de sa mission, une compréhension éclairée des nécessités de la défense nationale, il a poursuivi la tache de Georges Leygues et s'est révélé comme l'un de ses continuateurs hautement qualifiés.
Avec ses divisions de croiseurs rapides, ses flottilles de torpilleurs et de contre-torpilleurs si parfaitement homogènes, ses nombreuses escadrilles de sous-marins, ses formations d'aéronautique eux caractéristiques chaque jour améliorées, ses bâtiments de ligne en construction, notre flotte répond à nos besoins essentiels. Elle assure la sécurité de nos côtes et la liberté des lignes de communication avec nos possessions d'outre-mer.
Je salue avec joie et fierté la renaissance de notre marine. Tout à l'heure, nous allons. passer en revue sur votre rade les magnifiques unités de notre deuxième escadre. Les joyeuses acclamations qu'elle adressera au Président de ta République iront, en fait, à la France tout entière. et c'est au nom de la France républicaine que le lui enverrai mon fier et confiant salut. Le chefs de l'Etat demande à l'assistance de lever son verre avec lui-même en l'honneur de la Bretagne. pays de chênes, de landes et de la mer, de la ville de Brest au long passé sans tache, de l'Ecole Navale, pépinière pour demain d'officiers savants. vaillants et forts, de notre flotte rajeunie et puissante, de ses états-majors et équipages soudés entre eux par l'ivresse du plus beau des devoirs
Programme musical breton avec le Roi d'Ys d'Hector Lalo
mais surtout il convient de noter que l'orchestre va jouer une pièce de Jean Cras : "Journal de bord".
Deux parties composent cette pièce : Mer Calme et Terre en vue.
Né à Brest Jean Cras, il entre à l'École navale à 17 ans sur le ponton école Borda, il sera professeur à l'Ecole navale quelques années plus tard. Il y invente la règle qui porte aujourd'hui son nom. Nommé contre-amiral il sera Major Général de Brest. Jean Cras embarque toujours avec son piano.
La dernière photo représente la promotion 1934.. Ils étaient aspirants en 1935. Lacroix doit y être. Par contre je connais le 6ème en partant de la gauche de la dernière rangée haute . C'était l'aspirant Guillou Jean. Il sera mon commandant à l'Ecole Atomique en 1965. Très connu dans le nucléaire, ce fut notre amiral Rickover français.Ce fut aussi mon parrain à l'Académie du Var. Il nous a quitté à 99 ans. Claude Arata |
Sources :
Claude Arata
Ouest-Eclair
Archives Ville de Brest
BnF Gallica