Internés allemands à Marseille 1914-1918 WWI
La seule bataille de la Marne, en septembre 1914, livra à la France 25 000 prisonniers. Quant à l’offensive franco-britannique sur la Somme, du 1er juillet au 18 septembre 1916, elle déboucha sur la capture de 55.800 prisonniers de guerre
Au total, ce sont entre 350 000 et 500 000 prisonniers dont le destin incomba aux autorités militaires françaises.
Comment gérer ces nouveaux flux, comment se comporter avec ces soldats ennemis, comment subvenir à leur entretien, comment optimiser leur présence ?
Pour reprendre une expression chère à Erich Maria Remarque, les « hommes-bêtes » redevenaient des soldats. Passés ces entretiens, on les envoyait au nettoyage, à l’épouillage, préludes à une quarantaine sanitaire. Cette dernière se pratiqua notamment au lazaret des îles du Frioul.
L’afflux de prisonniers prit au dépourvu le gouvernement. Aussi ne s’étonnera-t-on pas de la diversité des locaux désignés pour les accueillir : casernes, forteresses, citadelles, écoles, usines, pénitenciers, bâtiments conventuels, bateaux, pontons, maisons particulières, furent retenus pour parer au plus pressé. Parcourons les dépôts provençaux pour en avoir confirmation.
Dans les Bouches-du-Rhône, parmi les sites choisis, il faut citer le Dock Pinède, ponton qui formait à l’extrémité nord du port de Marseille, à 5 kilomètres du Vieux Port, à la terminaison des docks, un lieu de transit notamment pour les Bulgares qui arrivaient de Salonique et les prisonniers qui attendaient leur embarquement pour la Corse, l’Algérie ou la Tunisie.
À Marseille toujours, il y eut le camp Oddo dirigé par le capitaine Robert. Le 8 juin 1918, il comptait une trentaine de baraques Adrian qui accueillaient 1449 Allemands dont 1063 se levaient à l’aube pour aller travailler dans les docks, les usines, les gares des environs.
On avait aussi eu recours à des « bastilles » plus surprenantes. La Chambre de commerce, en quête de main-d’œuvre, avait été mise à contribution, et était intervenue en transformant Le Saghalien, un ancien paquebot des Messageries maritimes en casernement d’une capacité de 1 200 lits. Elle percevait 0,25 franc par jour et par homme de la part du syndicat des entrepreneurs de manutention.
À une cinquantaine de kilomètres au sud-est de Marseille, sur un site magnifique, comprenant des ruines gallo-romaines et une ancienne commanderie des Hospitaliers, on trouvait le camp de Carpiagne, le plus important de la région avec ses 30 baraques Adrian de 80 lits chacune.
On y expédia de nombreux ressortissants de l’empire austro-hongrois. À l’ouest de Marseille, on croisait aussi des prisonniers dans les chantiers navals de Port-de-Bouc ou dans les usines chimiques de Miramas.
D’autres encore seront affectés aux grands mas arlésiens. Plus au nord enfin, on transforma l’abbaye des prémontrés de Frigolet en un camp d’internés civils qui accueillit aussi quelques prisonniers de guerre slaves.

Après avoir expulsé les ressortissants allemands de son territoire dès la déclaration de guerre, Marseille reçoit de nombreux prisonniers, le principe étant de les éloigner des zones de combats pour décourager toute tentative d'évasion.
Dès août 1914, militaires et « otages » civils allemands arrivent à Marseille. Le rythme des convois en gare Saint-Charles s'accélère, passant de quelques centaines à plus de 4 000 fin septembre 1914.
De passage ou internés à Marseille, leur présence provoque de nombreux incidents : huées et agressions physiques s'abattent sur les convois, à tel point que les escortes sont renforcées et les transports se font la nuit.
Les prisonniers sont internés à la prison militaire du fort Saint-Nicolas, au Frioul, au camp de Carpiagne et parfois même en ville dans des locaux reconvertis, dans des conditions plus ou moins bonnes, malgré la propagande voulant montrer l'humanité des camps français en comparaison de la « barbarie teutonne » dont la presse se fait l’écho.
Par ailleurs, il est important pour les autorités de montrer à la population qu'on emploie utilement les détenus ennemis : palliant partiellement la pénurie d'ouvriers, ils sont notamment utilisés pour des corvées de manutention sur le port, dans les gares et pour de grands travaux, tel le creusement du tunnel du Rove.