PREMIER DÉPART DES BALLONS-POSTES 23 septembre 1870
Cette lettre porte la mention manuscrite "par ballon monté", ajoutée après coup. Comme ce pli n'a pas été affranchi, il a été taxé à 30 centimes.La journée s'annonçait bonne. Pendant que notre artillerie tonnait sur les Prussiens à Villejuif et Arcueil, l'aérostat des observations militaires de la rive droite que Nadar a installé à Montmartre, avec le concours de ses deux aides, MM. Dartois et Duruof, avait été requis pour le transport de dépêches importantes et se disposait à prendre son essor.
A sept heures précises, une voiture de l'administration des postes déposait plusieurs sacs énormes cachetés. M. Rampon, directeur des postes, la direction des télégraphes, plusieurs membres de la commission de défense et des officiers supérieurs étaient présents.
Le ballon le Neptune, cubant 1,200 mètres, était gonflé en permanence de jour et de nuit depuis dix-sept jours, pour les ascensions d'observation qui se suivaient sans arrêt. Malgré ce long et dur service, les cordes du filet tendues faisaient crier le cercle de la nacelle, et le Neptune avait hâte de partir.
La manœuvre était faite par les ex-équipiers du Géant, qui se sont attachés depuis longtemps à la fortune de Nadar. Ces équipiers, d'excellente tenue et n'ayant aucun rapport avec les servants ordinaires des aéronautes forains, étaient assistés de huit hommes de la flotte et de vingt-cinq soldats de ligne.
A sept heures un quart, le chargement était fait. Nadar avait choisi pour exécuter ce premier départ M. Duruof, déjà célèbre par ses ascenscions maritimes au cap Gris-Nez et à Monaco. M. Duruof fit entendre le sacramentel «lâchez tout!» et le ballon avait à peine quitté le sol qu'au cri de l'aéronaute : Vive la République ! la population matinale, rassemblée sur la place Saint-Pierre, répondait par une acclamation unanime.
Le Neptune a bientôt gagné la hauteur de 1,500 mètres, région qui lui avait été indiquée pour sa route, et il a pris en ligne droite la direction du Calvados. Le vent lui donnait une vitesse de 15 lieues à l'heure.
Il portait avec l'aérostat un chargement de 200 kilos de dépêches sur papier fin et un lest considérable.Un premier essai pour l'application de l'aérostation au transport des dépêches avait échoué la veille. Le premier résultat heureux est donc dû à M. Nadar et à ses vaillants aides, MM. Duruof et Dartois.
© Notice : Musée de La Poste, Paris / La Poste