Le MARION DUFRESNE à TROMELIN OP3-2018 Préfète Evelyne DECORPS
L'OP3-2018 est de retour à La Réunion le 3 décembre 2018 après son périple dans les Terres Australes.
Le 30 novembre, le bateau a fait escale à Tromelin ayant embarqué la nouvelle préfète des TAAF Evelyne Decorps.
Un article du Monde va nous éclairer sur son départ "précipité" de Bamako... puis tiré du journal de bord, un article sur la Marcophilie vue par des touristes du MD et une présentation de Tromelin.
Évelyne Decorps est une diplomate française née le 14 juin 1957. Elle est l'actuelle préfète, administratrice supérieure des Terres australes et antarctiques françaises depuis le 30 octobre 2018
En 1983, elle débute sa carrière comme conseillère, notamment à l'administration centrale du ministère des Affaires étrangères, puis à Conakry en Guinée (1985-1991)1 ; elle est de retour à Paris entre 1991 et 2001 puis quitte de nouveau le pays pour l'Institut français de coopération à Tunis en Tunisie (2001-2005) avant de s'envoler pour le Ghana (2005-2008), de nouveau à Paris entre 2008 et 2011, elle devient consule générale à Vancouver au Canada entre 2011 et 20131. En juin 2013, elle est nommée ambassadrice de la France au Tchad2, puis au Mali en septembre 2016. Le 30 octobre 2018, elle est nommée préfète, administratrice supérieure des Terres australes et antarctiques françaises
Mali m'a dit!
06-09-2018
"Siège éjectable
Depuis six mois environ, des rumeurs circulaient à Bamako sur le remplacement de Mme Decorps, bien moins en phase avec la présidence malienne que ne l’était son prédécesseur, Gilles Huberson. Si son travail est salué par ses collègues – certains n’hésitant pas à parler d’un rappel « dégueulasse alors que rien ne pouvait lui être reproché » –, l’ambassadrice aurait aussi eu quelques frictions avec des officiers français. Ont-ils milité pour son départ avant d’entamer « un automne mouvementé »,
comme cela se murmure au Mali ? La question reste entière."
photo SOULEYMANE AG ANARA / AFP |
"Personnalité élégante et subtile, tout à la fois franche en privé et mesurée en public, Evelyne Decorps avait occupé entre 2013 et 2016 les fonctions d’ambassadrice au Tchad, un autre poste stratégique au Sahel, où les questions militaires et diplomatiques sont étroitement liées – N’Djamena abritant notamment le poste de commandement pour les 4 500 soldats de l’opération « Barkhane ». Selon nos informations, Mme Decorps devrait être remplacée par Joël Meyer, l’actuel ambassadeur de France en Mauritanie. Afin que son départ ne soit pas interprété comme une sanction, de hautes fonctions dans l’administration publique lui ont été proposées pour la suite de sa carrière." Le Monde
photo PressAfrik |
Mais revenons sur l'OP3 avec un article sur la philatélie et la Marcophilie signé M. et D. Baillon
Il n’y a plus grand monde aujourd’hui qui s’intéresse à la philatélie. Sauf à bord du Marion.
C’est que les TAAF, avec leur statut à part de TOM, ont le privilège d’émettre leurs propres timbres. L’administration des terres australes reçoit ainsi chaque année de nombreux courriers, que les collectionneurs souhaitent faire tamponner à bord du Marion-Dufresne II à la veille des escales dans chacun des districts, où les plis seront oblitérés, puis réembarqués avant expédition vers leurs destinataires à l’issue de la rotation.
Tamponner ? Cela veut dire apposer des tampons. Car si la philatélie, qui porte sur les timbres, est certainement un art subtil en soi, source d’utiles connaissances et de joies d’esthètes, elle comporte une branche adjacente familière aux seuls initiés : la marcophilie, qui est la passion pour les marques que portent les envois postaux. Ces marques, bien loin d’être cantonnées aux seules mentions « N’habite pas à l’adresse indiquée » ou bien « Retour à l’envoyeur », sont de nature fort diverse.
Car chacun, à bord du bateau et dans les districts, est habilité à apposer son cachet… à condition d’en posséder un, d’où l’utilité pour les générations de voyageurs à venir de la présente note. Tous sont concernés :
il y a d’abord les cachets réglementaires : celui du bateau, suivi de celui du commandant assorti de sa signature, de la griffe postale « Courrier posté à bord / Posted at sea », et sur certains courriers affranchis en timbres autres que ceux du pays de l’escale, la griffe postale « Paquebot »
viennent ensuite, de préférence au recto de l’enveloppe, les cachets non réglementairement obligatoires : préfet des TAAF, secrétaire général du territoire, VIP divers (ministres, sénateurs, députés…) s’ils sont présents à bord ;
suivent au verso de l’enveloppe, les cachets éventuels de l’opération portuaire, de la compagnie d’hélicoptères, du médecin du bord, des officiers du navire (chef mécanicien, second capitaine…) et aussi, éventuellement, des hivernants en transit, ou des personnels divers…
On imagine sans peine l’enveloppe chargée qui résulte de cet exercice, accompli lors d’un rituel immuable qu’il nous faut maintenant décrire.
La veille de l’escale dans chacun des districts, à l’heure dite, tous se rassemblent autour de la grande table du PC Sciences, au pont G du navire ; l’OPEA (Officier Portuaire des Expéditions Australes, personnage clef dans la vie du bord) apporte alors, préparés dans divers cartons soigneusement étiquetés, les plis du jour, qui sont présentés un à un aux trois premiers tamponneurs :
celui du bateau, celui du commandant, qu’il va signer, et celui du « Courrier posté à bord / Posted at sea » ; viennent ensuite tous les autres, d’abord ceux du recto, puis, dans une joyeuse confusion à l’autre bout de la table, ceux du verso ˗ ceux du moins qui disposent d’un cachet, car il semble que l’information préalable à l’embarquement, indispensable pour la conception graphique et la réalisation du tampon, soit inégalement répartie. La pérennité ou non de la trace laissée lors de son passage à bord du légendaire Marion et en terres australes est à ce prix.
Veut-on avoir son cachet, qu’il faut donc le prévoir : le dessiner ou le faire dessiner selon son goût avant le départ, mais avec grand soin car il servira l’image de son propriétaire tout au long de sa mission. Vaste est l’étendue stylistique des polices employées et des illustrations dont elles sont assorties, en lien naturellement avec l’emploi de chacun ;
Veut-on avoir son cachet, qu’il faut donc le prévoir : le dessiner ou le faire dessiner selon son goût avant le départ, mais avec grand soin car il servira l’image de son propriétaire tout au long de sa mission. Vaste est l’étendue stylistique des polices employées et des illustrations dont elles sont assorties, en lien naturellement avec l’emploi de chacun ;
plus étroite, cependant, la gamme thématique qui fournit l’iconographie, où manchots, otaries et albatros figurent en bonne place. Un humour léger et allusif, témoignant de l’attachement à sa mission, à la science et aux districts, est certainement bienvenu, et même souhaité par les TAAF, qui savent veiller à leur image.
Les enveloppes passent ainsi successivement entre les mains des uns et des autres afin d’être marquées… pour autant que leur format le permette. Les cachets sont apposés soit aux endroits précis qu’imposent certains marcophiles sourcilleux (lesquels indiquent au crayon les emplacements souhaités, et non souhaités), soit au hasard, pour une composition collective qui fluctue selon la concentration des uns et des autres et le sens esthétique de chacun. D’occasionnels recouvrements ne sont pas à exclure, mais le voisinage immédiat du timbre doit rester réservé à l’oblitération, et le coin recto en bas à gauche aux coordonnées en latitude et longitude qui seront apposées par les districts.
On voit au fil de l’exercice passer la gamme étendue des timbres des terres australes, dont l’administration tire au demeurant de cette activité des revenus substantiels. Ce sont de belles réussites plastiques, réalisées le plus souvent en taille douce par des artistes graveurs de talent. Ils illustrent l’histoire des bases et la géographie des TAAF, les navires d’hier et d’aujourd’hui, les missions scientifiques, la botanique, les oiseaux, les animaux marins… Autour de la table, sous le regard des spectateurs assez nombreux qui n’ont pu y prendre place, on s’extasie lorsque défilent les plus beaux timbres, on commente les autres, on reconnaît son propre courrier au passage, on s’apostrophe dans une atmosphère joyeuse rythmée par les coups de tampon, chacun y allant de son anecdote ou, pour les (vrais) philatélistes, de leur récrimination lorsque untel a, sacrilège ! détaché le timbre de sa planche faute d’une place suffisante sur l’enveloppe. Après la séance du courrier proprement dite, qui peut durer jusqu’à une heure et demie, viennent les carnets des voyageurs, les livres et cartes des terres australes, de simples feuilles parfois, celles de passagers imprévoyants subitement devenus philatélistes / marcophiles, la beauté des timbres et la singularité des cachets constituant l’un des beaux souvenirs à rapporter du voyage.
Cependant, les précieux plis sont emportés et placés en lieu sûr. Ils seront rituellement les premiers à débarquer par l’hélicoptère lors de l’escale dans chacun des districts afin d’être oblitérés par la gérance postale locale, avant de remonter sur le Marion d’où ils ne seront débarqués qu’à la Réunion. Ainsi n’arriveront-t-ils qu’après le retour des passagers. Mais qu’importe : le temps ne manquera pas pour évoquer les souvenirs, avec l’aide, pour les mémoires défaillantes, du riche site internet des marcophiles des TAAF. Et oui, il existe !
M. & D. Baillon
S 15° 53’ E 054° 31’ Tromelin.
Dernière escale !
Depuis que nous avons quitté les quarantièmes, l’air et l’eau ont tiédi peu à
peu. A bord du Marion le chauffage dont nous avions besoin dans le grand sud
est redevenu air conditionné.
Nous avons passé le tropique du Capricorne une nuit sans nous en apercevoir, et continuant notre escalade vers l’équateur nous sommes
presque venus au petit matin poser le nez du bateau sur une plage de corail
blanchi : Tromelin.
Difficile de dire exactement ce qu’est Tromelin. Pas vraiment une île. Un bout
de terre ? Un Ilot ? Un atoll corallien ? Un récif ? A peine un banc de sable.
D’ailleurs avant d’adopter "Tromelin", la toponymie avait retenu "l’Ile des
Sables". Pourtant aujourd’hui la carte du SHOM indique "Ile Tromelin". Va pour
île, donc !
Nous ne sommes plus dans les terres australes. Techniquement Tromelin
fait parti du groupe des "Iles Éparses", ces territoires Français éparpillés
autour de Madagascar un peu partout, ici et là, surtout dans le canal du
Mozambique. La nuit nous pouvons toujours voir la Croix du sud, mais elle est
désormais bien basse sur l’horizon.
Nous descendons à terre. La préfète des TAAF, qui vient juste de prendre ses
fonctions, est à bord du Marion Dufresne depuis deux jours. Elle nous
accompagne en uniforme blanc impeccable. Du fait de sa présence, nous commençons comme il se doit la visite de l’île par une cérémonie de lever des couleurs.
Nous sommes une quinzaine : quelques militaires, quelques représentants des TAAF, notre groupe de voyageurs et tous les résidents permanents de Tromelin au grand complet ! Ils sont trois : un militaire chargé du maintient des infrastructures qui fait aussi office de mécanicien, un ornithologue et une infirmière.
Le militaire présent le plus gradé préside la cérémonie. Chacun se raidit
légèrement dans un garde-à-vous approximatif, et tandis que s’élèvent dans le
ciel pur le drapeau français et celui des Terres Australes, nous entonnons une
Marseillaise à capella. Sans musique, le rythme est lent, les voix graves, les
paroles claires. Les phrases tombent brusquement comme dans les chants de
légionnaires. La préfète exécute un beau salut militaire, et ma foi le tout a
une certaine allure.
Sitôt la cérémonie terminée, nous partons avec l’ornitho pour explorer l’ile.
Il faut dire que depuis que les rats ont été éradiqués avec succès en 2005, les
populations d’oiseaux ont repris leurs droits.
Ici les veloutiers verts et soyeux qui tapissent le sol abritent les nids des
des fous à pieds rouges, des fous masqués, des nodis bruns. Les
plus étonnants sont ces petites sternes toutes blanches qui ne nichent pas.
Elles déposent juste leur œuf en équilibre sur la fourche d’une branche
d’arbre, puis le couvent à moitié et le surveillent de loin jusqu’à l’éclosion.
Les plus élégants sont les Paille-en-Queue, qui laissent trainer derrière eux
quelques longues plûmes. Elles sont soit noires, soit rouges vif. Les Paille-
en-Queues sont aux mers du sud ce que l’oiseau-lyre est à nos contrées.
Puis il est temps d’aller faire un petit tour sur la plage. C’est le royaume
des tortues vertes et des Bernard l’Hermite. Mais ce n’est pas eux que nous
sommes venus voir. Aux heures les plus chaudes de la journée, la plage est
déserte sous le soleil abrupt.
Trouvant notre chemin à travers des cratères de sable, grands comme des trous
d’obus, laissés par les tortues lorsqu’elles viennent pondre, nous arrivons au
bord de l’eau sur la côte ouest. Là, à quelques brasses des rouleaux turquoises
qui s’écroulent bruyamment sur la grève de corail mort, nous apercevons
immédiatement ce que nous sommes venus voir : l’ancre de l’Utile.
Il s’agit d’une ancre dont une des branches dépasse de la surface. Battue par les vagues, défiante et rouillée, elle nous montre l’endroit exact ou le 31
Juillet 1761 un navire a fait naufrage. Filant plein est par une nuit sans lune,
le pilote n’a vu l’ilot que trop tard. L’Utile a été précipitée à la
côte dans la nuit noire. Au matin il s’était déjà disloqué. C’était une flute
de 45 mètres environ, fine et rapide, qui emmenait vers l’Ile de France
(aujourd’hui l’Ile Maurice) une cargaison d’esclaves malgaches.
Dès qu’il fait jour, les survivants s’organisent. L’équipage et environ 80
esclaves qui n’ont pas péri noyés récupèrent tout ce qui peut être sauvé :
vivres, outils, vêtements. Avec du bois et quelques espars échoué sur la plage,
on construit une embarcation de fortune, mais tout le monde ne peut pas y
prendre place. C’est donc l’équipage de l’Utile seul qui embarque à bord de la
chaloupe au milieu d’un silence pesant. Ils abandonnent les esclaves, leurs
laissant quand même un peu de nourriture. Ils voguent vers l’Ile de France,
promettant de revenir bientôt chercher les malheureux esclaves abandonnés à leur sort sur l’Ile des Sables.
Nous sommes en 1761. Le commerce de l’ébène bat on plein. L’esclavage ne sera aboli qu’en 1848. Rien d’illégal donc… sauf que le commerce des esclaves est un monopole accordé par le roi à la Compagnie des Indes, et que l’Utile n’a pas déclaré sa cargaison, car les officiers préféraient se livrer pour leur propre compte à ce commerce très profitable.
Arrivés à l’île Maurice, l’équipage "oublia" de parler de la cargaison illicite
qui avait été abandonnée. Quelques années plus tard, un navire de passage
découvrant qu’il y avait de la vie sur l’ile tenta d’y débarquer. Mais en vain.
Le canot mis à l’eau se retourna à l’approche du rivage. Certains de ses
occupants périrent aussi. Finalement une véritable expédition de sauvetage ne
fut montée qu’en 1776 ! Quinze années après le naufrage de l’Utile, le Chevalier
de Tromelin réussit enfin à prendre pieds sur l’île. Seuls sept malgaches
avaient survécu, ainsi qu’un enfant de huit mois.
Le Chevalier de Tromelin les ramena à l’île de France ou ils furent affranchis.
Certes il ne s’agit pas là d’une des pages les plus glorieuses de l’histoire des
colonies. Cela n’empêche : L’Utile fut, bien longtemps après cette histoire, un
prénom très usité à Madagascar. Il n’est plus très en vogue aujourd’hui !
Denis Lazat
Sources :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire