LES
RECETTES DE TANTE JEANNE
Du contrôle de
la marmite Par Jean-Michel Bergougniou
De la Turlutine…
Quitte à décevoir mon ami Jean-Jacques Dujardin, je n’aborderai pas
l’interdiction faite aux marins de manger de l’ours polaire. Laissons ces
plantigrades profiter encore des bains d’eau glacée avant un réchauffement
climatique promis.
D’ailleurs en zone froide, dès 1848, l’infusion de café
sucré va être remplacée par une panade surnommée « turlutine ». Elle est faite d’une fraction de la ration de
biscuit, de sel, de poivre, et de 15 g de beurre par homme. C’est la première
fois que le beurre entre dans les rations. La délivrance de cette ration
cessera en 1874.
Abandonnons l’eau glacée qui, pour moi, doit être purifiée par un
désinfectant de la même couleur que le gilet d’un chien s’agitant sur un pont
d’envol. Toujours avec modération bien entendu.
Parlons donc cuisine, plats chauds et sandwich.
… Au contrôle des chaudières.
La cuisson à l’eau est au 19e siècle l’unique
possibilité de préparer les vivres. Un rituel est mis en place pour s’assurer
de la propreté de ladite chaudière.
C’est le père du poète Tristan Corbière, Edouard, qui nous en donne une
description.
« Chaque matin avant de verser dans la chaudière la
quantité d’eau délivrée scrupuleusement par les hommes de la cale chargés de la
distribution, le chef des cuisiniers de l’équipage, le maître-coq, a soin de
prévenir l’aspirant de garde à qui est confié le soin d’examiner l’état intérieur
de la vaste chaudière… Lorsque la commission d’examen chargée de la visite,
commission composée d’un aspirant, d’un maître, d’un quartier-maître et d’un
matelot, se trouve réunie auprès de la cuisine, une petite échelle est placée
sur le rebord de la chaudière, et l’aspirant monte et disparaît quelquefois
dans le vaisseau disposé à recevoir sa visite.
Un peu de vieille toile à voile
est jetée sur le fond pour que les pieds du contrôleur ne ternissent pas
l’éclat de la fourbissure à laquelle les cuisiniers ont travaillé depuis le
matin. Après avoir sévèrement examiné toutes les parties soumises à son
inspection, après surtout avoir passé la main sur le métal qu’a poli l’action
des bouchons d’étoupe, l’aspirant, s’il est satisfait des résultats de sa visite,
sort de la chaudière en descendant, avec l’aide des autres membres de la
commission, par l’échelle qu’il a déjà parcourue pour y monter. Il autorise
alors le maître-coq à procéder à la confection du potage de l’équipage. Le feu
ou plutôt la fournaise préparée pour faire bouillir la soupe flamboie déjà sur
les barres de fer du coq, dans l’immense cuisine du bord. On fait pleuvoir dans
la chaudière, encore posée à plat sur le pont de la batterie haute, quelques
seaux d’eau ; puis après cette opération préliminaire, on frappe des
palans, tout un appareil de moufles et de poulies enfin, sur les anses de
l’énorme vaisseau qui va bientôt prendre sa place accoutumée sur le brasier
ardent qu’il doit recouvrir… »
A lire cette description de l’aspirant entrant dans la
marmite, on peut raisonnablement se demander si elle n’inspira pas quelque
indigène affamé prêt à l’accommoder avec les légumes "Dujardin", le
tout suivi d’un bon "Fromage"… De quoi décimer l’état-major des
anciens de la Jeanne !
Pour mémoire n’oublions pas que James Cook, découvreur des îles
Sandwich, pourrait s’être sacrifié pour nourrir quelques Hawaïens affamés.
En vous souhaitant un bon appétit, la suite au prochain numéro.
Dessins Alain Carpier
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