16 février 2012

Une visite à Dunkerque et à Jean Bart


Une visite à Dunkerque et à Jean Bart

Organisation des défenses du port de Dunkerque  musée portuaire photo JM Bergougniou

C'est vers le VIIème siècle que Dunkerque prend naissance sous la forme d'un établissement de pêche qui se fixe au bord d'une petite crique abritée par les dunes. Dès lors, les habitants établissent une première chapelle qui donne bientôt son nom à la localité : l'église des dunes (Duyn Kerke en flamand).
e
Attaque du port de Dunkerque  
musée portuaire photo JM Bergougniou
x
Très vite, la petite communauté de marins s'organise : un mur de défense levé en 960 et un hôtel de ville bâti en 1233 attestent que l'essor urbain démarre véritablement à cette époque. Spécialisé dans la pêche au hareng, le port se développe lui aussi, en même temps que d'importants aménagements hydrauliques, assèchements, creusement de canaux interviennent dans l'arrière pays. C'est à la fin du XIVème siècle que l'activité portuaire découvre une nouvelle activité : la course.

Ecumant les mers, les Dunkerquois se forgent rapidement une réputation sur laquelle reposera l'histoire maritime de la cité.



Dunkerque reste cependant une ville sur la défensive qui pour se protéger, doit maintenir autour d'elle un corset de fortifications. Dunkerque subit de nombreux sièges bien souvent dévastateurs comme celui de 1558.



Convoité par les grandes puissances, Dunkerque connaît une rare succession de suzerains : flamands, bourguignons, autrichiens, espagnols, anglais, français, dont trois se sont succédés en une seule journée, le 25 juin 1658, lors de la fameuse Bataille des Dunes remportée par Turenne.




Dunkerque sous le feu ennemi
photo JM Bergougniou 


timbre évoquant Dunkerque et Jean Bart
Définitivement française en 1662, la ville connaît alors, grâce à l'intérêt personnel que lui porte Louis XIV, une transformation radicale qui la place au rang des grandes villes du royaume. Etendue, embellie, elle demeure le port d'attache de brillants marins dont le chef de file resteJean Bart (1650-1702), le plus célèbre de tous les corsaires français qui s'est illustré notamment lors de la fameuse Bataille du Texel.


Le Port de Dunquerque  photo JM Bergougniou

Le XVIIIème siècle se révèle moins favorable au port flamand à l'exception du développement de la pêche à la morue en Islande qui lui permettra d'occuper le premier rang national au XIXème siècle. C'est en 1879 que s'engage une transformation radicale du port qui lui permet de concurrencer ses voisins et de devenir le principal débouché du pays sur la Mer du Nord. Désormais 3ème port de France, Dunkerque est frappé par les deux conflits mondiaux. Violemment bombardé en 1915 et 1917, thèâtre de l'Opération Dynamo en mai 1940, elle sera largement détruite et libérée en mai 1945 de l'occupation allemande.




portrait de Jean Bart au musée portuaire
photo JM Bergougniou

La France doit importer d'énormes quantité de blé par voie maritime. Jean Bart est chargé d'escorter les convois qui viennent de Pologne et de la Moscovie. Ces convois ouvrent un énorme champ d'action à l'activité des corsaires. Les uns se chargeant de les capturer les autres de les protéger .


Souvenir de l'évasion du cuirassé Jean Bart
de Saint-Nazaire  TAD 19 juin 2010

En janvier 1694, Jean Bart quitte Dunkerque pour se rendre en Norvège prendre en charge un convoi de 30 Navires chargés de blé. Le 16 Mars, l'intrépide marin les ramène à Dunkerque, malgré la menace des escadres anglaises et hollandaises .



Jean Bart à toutes les sauces photo JM Bergougniou



Le 29 mai, Jean Bart reçoit des instructions de Versailles. Il doit se rendre une nouvelle fois en Norvège, à Vléker, d'où il ramènera à Dunkerque et au Havre une Flotte commerciale composée cette fois de 120 navires. Sans attendre l'arrivée de Jean Bart, le convoi s'élance sous la seule protection de trois navires neutres (deux Danois et un Suédois). Dés leur appareillage, les navires sont capturés par les Hollandais. 


Se doutant d'une telle éventualité, Jean Bart en route vers la Norvège, fait naviguer ses frégates le long des côtes de Hollande.
Effectivement, le 29 juin à 3 heures du matin, il arrive au large de l'île du Texel où il aperçoit une énorme quantité de voiles. Il fait prendre des renseignements qui confirment de suite la présence des navires marchands francais.


 A 5 heures, l'escadre dunkerquoise est à portée de canon de l'ennemi. Jean Bart donne donc alors ses ordres. Bien qu'en nette infériorité, il décide, sans hésitation d'aller à l'abordage. Pour atténuer le désavantage, l'une des flûtes accompagnatrices sera transformée en navire de combat. L'escadre francaise aura donc 7 navires pour un total de 302 canons, les Hollandais disposent quant à eux de 8 Vaisseaux et de 388 canons. De plus leur flotte est sous le commandement d'un Vice-Amiral : Hidee Devries.



Jean Bart une marque commerciale
photo JM Bergougniou



Malgré l'inégalité des forces, Jean Bart engage immédiatement le combat. Il sera particulièrement bref et d'une rare violence. Chacun ayant son adversaire, le capitaine dunkerquois se charge bien entendu du navire amiral. Le premier, il saute à son bord suivi de ses hommes galvanisés par son courage. "Le Maure" est totalement désemparé, sa mature fauchée par les boulets Hollandais. Qu'importe il tient bon "Le Prince de Frise" est enlevé au bout d'une demi-heure à peine. Ses deux pavillons sont ramenés par un jeune marin provençal. Le Vice-Amiral Hidde Devries, gravement blessé, est capturé avec ses officiers. Voyant leur amiral perdu les Hollandais cessent bientôt le combat au cours duquel ils ont perdu plus de 100 hommes et 3 vaisseaux pris par les corsaires dunkerquois. 


Vitrine évoquant la course
et les corsaires : 

Cuiller à pot et boulet ramé
photo JM Bergougniou

Aprés avoir remis ses navires bien malmenés en état de naviguer, Jean Bart peut faire voile vers Dunkerque en fin d'après-midi. L'immense flotte y arrive le 3 juillet. Reçu en Triomphateur, le héros du Texel met pied à terre à 2 heures de l'après-midi, devant une foule immense où figurent toutes les notabilités locales. L'enthousiasme est tel que Jean Bart a bien du mal à retenir son émotion. Il ramène avec lui les 3 prises Hollandaises et 455 prisonniers dont 129 blessés. 30 navires de blé sont déchargés à Dunkerque, le reste de la flotte continuant vers le Havre.



Marionnette  
photo JM Bergougniou
L'exploit du Texel suscite une véritable explosion de joie à travers tout le royaume. Le 5 juillet, le fils de Jean-Bart, François Cornil et son beau-frère sont reçus à Versailles où ils remettent au roi les pavillons capturés. En remerciement, Louis XIV adresse des lettres de félicitations aux officiers, donne une médaille d'or au marin provençal ayant enlevé les pavillons hollandais et éléve François-Cornil Bart au grade d'enseigne de vaisseau. Pour Jean Bart, suprême distinction, le roi lui octroi des lettres d'anoblissement par brevet du 4 aout 1694.



Figure de proue La goélette Amiral Lhermite est lancée des chantiers Gaspard Malo de Dunkerque en 1851 pour l'armateur dunkerquois J. L. Cuenin & fils qui la destine à la pêche à la morue en Islande. Cette goélette, vendue en 1861 à l'armement Sauvage, sera la meilleure "pêcheuse" pour l'année 1862, sous le ordres du capitaine Druel. Elle fera naufrage en 1867 aux îles Westman (Islande)


Le musée portuaire de Dunkerque


Entrepôt des tabacs Vue sur la ville
photo JM Bergougniou
Maquette photo JM Bergougniou
Activité commerciale du port grues bigues et palans  photo JM Bergougniou
Poulies, palans et manilles photo JM Bergougniou

L’entrepôt des tabacs

L’entrepôt des tabacs a été construit en 1869, il servait au stockage des tabacs produits dans le Nord Pas-de-Calais ou provenant d’Algérie. Ses murs épais préservaient les marchandises des écarts de température et de l’humidité, son édification le long du quai facilitait la manutention. Racheté par la Communauté Urbaine en 1974, il a été réaménagé et accueille le Musée portuaire depuis 1992.

Les collections du Musée portuaire sont constituées d’un fonds varié de plus de 10 000 objets (maquettes de navires, tableaux, gravures, outils, figures de proue…) et 120 000 photographies. Elles sont constamment enrichies grâce à la politique d’acquisition soutenue par le FRAM et la Communauté Urbaine de Dunkerque.

En 2008, un programme national de numérisation a été initié par le Ministère de la Culture et de la Communication pour favoriser la consultation libre et ouverte des ressources numériques culturelles.

Le musée s’est engagé dans cette démarche, vous pouvez désormais accéder à une sélection de 500 fiches d’information sur les collections du musée, photographies et objets.



 Quelques mots sur le fonds photographique 


Fonds des Ateliers et Chantiers de France (ACF) 


L'activité portuaire photo JM Bergougniou
Une partie des photographies provient du chantier de construction navale de Dunkerque qui ferma ses portes en 1987. Cet ensemble est constitué essentiellement de reportages montrant les phases de montage et les lancements de bateaux.

Les plaques de verre de Lecomte et Maurice Vancauwenberghe 

Un don de près de 200 plaques de verre réalisées par des photographes amateurs est venu s’ajouter. Elles représentent le port et ses activités de 1900 à 1930.

Bibliothèque le coin des jeunes  
photo JM Bergougniou


Le fonds Desreumaux 

Ce fonds de 18 000 clichés correspond essentiellement à des commandes de professionnels du bâtiment, d’entreprises et d’administrations portuaires.


Les maquettes photo JM Bergougniou

Les clichés du Grand port maritime (ex Port autonome) 

Le musée bénéficie également du dépôt de 5 000 clichés promotionnels du fonds du Port Autonome de Dunkerque. Y sont notamment mis en avant les trafics et les marchandises desservant le port de Dunkerque ainsi que les infrastructures et outillages de la période 1965 -1980.


Maquette photo JM Bergougniou

Le fonds Dehaene 

Le passionné d’histoire locale qu’était René Dehaene a rassemblé plus de 3 600 plaques de verre et photographies anciennesauxquelles il a ajouté, de 1946 à 1982, sa production de photographe amateur, composant ainsi une collection de près de 38.000 photos.




 Affiche SNCF photo JM Bergougniou



Le fonds Lemaire 




Le fonds Lemaire, riche de 14 000 photographies, il illustre tant l’activité maritime que la vie quotidienne dans le dunkerquois des années 1950. En témoignant du travail sur les quais et dans les ateliers au siècle dernier et en conservant les traces de bâtiments, de navires ou d’outillages qui n’ont pu être préservés, ces fonds apportent un complément précieux aux collections du musée.


Maquette photo JM Bergougniou


Musée à flot

Unique en France, la collection de bateaux du Musée portuaire représente un des attraits majeurs de la visite.


Duchesse Anne en cale sèche
photo JM Bergougniou
Duchesse Anne 
en carénage aux chantiers 

Un trois-mâts carré destiné à servir de navire-école Duchesse Anne

Le plus grand voilier visitable en France. Lancé en 1901 sous le nom de Grossherzogin Elisabeth, ce trois-mâts carré est un navire-école construit pour former les officiers et les matelots de la marine marchande allemande.



Pendant 30 ans, il sillonne la mer Baltique ou croise au large des côtes d’Afrique et d’Amérique du Sud avec à son bord 130 à 200 cadets, encadrés par un équipage de 15 à 20 officiers, sous-officiers, maîtres et matelots.


Duchesse Anne en cale sèche photo JM Bergougniou

Sandettie


Une page de l’histoire maritime de Dunkerque s’est tournée lorsque, salué par un concert de sirènes, le bateau-feu Sandettie est rentré pour la dernière fois au port le 3 juin 1989.


Mis à poste en 1949, le BF 6 (bateau-feu 6) fut appelé successivement Dyck et Sandettie, du nom des bancs de sable qu’il était chargé de signaler. À chaque changement d’affectation, on changeait le nom peint en grandes lettres blanches sur la coque.


L’équipage de ce navire sans destination se composait de 8 hommes chargés de conserver le bateau et son système d’éclairage en bon état de fonctionnement, d’effectuer et de transmettre des relevés météorologiques ou encore d’assurer la surveillance des navires qui passaient à proximité.

sources :


http://www.museeportuaire.com/IMG/pdf/fiche_public_da20011.pdf


http://www.museeportuaire.com/spip.php?rubrique16

http://www.museeportuaire.com/spip.php?article68
http://www.ville-dunkerque.fr/fr/decouvrirdunkerque/histoire/index.html

Photos (c) JM Bergougniou

15 février 2012

Bold Alligator 2012 BPC Mistral

Bold Alligator 2012  BPC Mistral 


Lundi 6 février 2012, 4h30 du matin.


L’assaut amphibie, point d’orgue de l’exercice Bold Alligator 2012 , est lancé. Les troupes françaises, embarquées sur le bâtiment de projection et de commandement (BPC) Mistral, débarquent sur une plage de Camp Lejeune. Leur mission : reconnaître et sécuriser la zone pour permettre aux forces américaines de débarquer à leur tour. Sur un créneau de six heures, 300 militaires et 80 véhicules sont ainsi projetés de la mer vers la terre, en une vingtaine de rotations navales et 6 liaisons d’hélicoptères Puma et Gazelle du 3e régiment d’hélicoptères de combat.



 

Pendant les six heures d’assaut, débarquent à tour de rôle les éléments du 1er régiment étranger de génie , la section d’infanterie du 21e régiment d’infanterie de marine et les éléments en appui du 1er régiment étranger de cavalerie et du 3e régiment d’artillerie de marine. Pendant ce temps, depuis le cœur du Mistral, l’état-major du détachement amphibie assure le suivi des opérations et la coordination avec les forces américaines et le groupe tactique.








A 23h, l’opération amphibie est terminée. Le Mistral reste néanmoins en mesure d’apporter aux troupes le soutien logistique nécessaire et l’appui des hélicoptères, pendant la suite des opérations terrestres.

 

Organisé conjointement par la Navy et le corps des Marines américains, l’exercice amphibie Bold Alligator est la plus grosse manœuvre amphibie menée depuis dix ans. La France offre la plus grosse participation alliée , avec l’envoi d’un BPC, d’un groupement tactique et d’un état-major embarqué, soit 650 personnes, 6 hélicoptères et plus de 80 véhicules.


Pli de Hampton roads merci à JEF

Hampton Roads est le nom à la fois d’une étendue d’eau et des terres environnantes se trouvant au sud-est de la Virginie aux États-Unis, connue historiquement pour une bataille navale qui s’y déroula lors de la guerre de Sécession.

L’étendue d’eau nommée Hampton Roads (familièrement appelée the harbor) est l’un des plus grands ports naturels au monde qui regroupe l’embouchure des fleuves Elizabeth et James ainsi que de plusieurs rivières mineures et qui se jette ensuite dans la baie de Chesapeake, puis dans l'océan Atlantique.
Le nom de Hampton Roads appliqué à la région côtière regroupe la plupart des comtés et villes de la région sud-est de la Virginie et est inclus dans la région statistique de Virginia Beach-Norfolk-Newport News (VA-NC MSA). Cette région, abritant une population totale d’environ 1,6 million d’habitants, est la quatrième plus grande zone métropolitaine du sud-est des États-Unis et la plus importante entreWashington D.C. et Atlanta.


http://www.defense.gouv.fr/terre/bloc-a-la-une/bold-alligator-2012-le-bilan

Le capitaine de vaisseau Emmanuel Gué est le commandant du French Amphibious Task Group de l’exercice Bold Alligator 2012.

Depuis quand préparez-vous cet exercice ?
Nous avons préparé cet exercice pendant un an environ. L’opération Harmattan a accaparé beaucoup de nos ressources et fait peser quelques incertitudes sur notre participation. Mais nous n’avons jamais cessé de travailler avec nos interlocuteurs de l’US Navy et de l’USMC (US Marine Corps) et l’effort de préparation s’est intensifié à partir d’octobre dernier.





Comment organisez-vous la liaison avec les forces armées américaines ?Les liens sont permanents entre la Marine nationale et l’US Navy. Un lieutenant de vaisseau de l’US Navy est en échange à bord du Mistral. Il est chef de service et pleinement intégré à l’équipage. Un officier américain est également posté en permanence au sein de notre état-major de la force aéromaritime de réaction rapide (FRMARFOR). Et dans le cadre de l’exercice, nous avons également embarqué des officiers de liaison de l’USMC et de l’US Navy, ainsi qu’une équipe Anglico (Air Naval Gunfire Liaison Company) avec ses véhicules.



la suite sur :


http://forcesoperations.com/2012/02/09/interview-fob-capitaine-vaisseau-emmanuel-gue-commandant-french-amphibious-task-group-exercice-bold-alligator-2012/



10 février 2012

55 jours à Pékin 1900 la révolte des Boxers Chine D'entrecasteaux Pé-Tang EV Henry Beijing Peking

55 jours à Pékin 1900




La Chine a toujours fasciné les Européens. L'Empire du milieu est le centre du Monde. Témoin, pour ceux qui fréquentent Paris et le quartier latin, ce café qui porte le nom des "Deux magots". Cette enseigne de la fin de l'Empire est bien plus ancienne que la période que nous allons évoquer.
Un magot est une figure grotesque de la Chine ou du Japon , peinte, dessinée, sculptée et parfois enluminée . Les dimensions de la tête de cette statuette sont considérablement exagérée. Ce personnage assis, grimaçant est représenté le ventre pansu débordant sur les jambes entrecroisées. Il représente un personnage chinois de moine-ascète.C'est l'image du dieu Poussah ou Poutaï, dieu du contentement.


La Révolte des Boxers ou Révolte des Boxeurs, ou Guerre des Boxers est une révolte, initiée par les Poings de la justice et de la concorde, société secrète dont le symbole était un poing fermé, d'où le surnom de Boxers donné à ses membres en Occident et qui se déroula en Chine, entre 1899 et 1901.



Ce mouvement, initialement opposé à la fois aux réformes, aux étrangers et à la dynastie mandchoue des Qing qui gouvernait alors la Chine, fut utilisé par l'impératrice Cixi contre les seuls étrangers, conduisant à partir du 20 juin 1900 au siège des légations étrangères présentes à Pékin. C'est l'épisode des « 55 jours de Pékin », qui se termina par la victoire des huit nations alliées contre la Chine (Autriche-Hongrie, France, Allemagne, Italie, Japon, Russie, Royaume-Uni et États-U
nis).


Venant après la guerre sino-japonaise de 1894-1895, que la Chine avait perdue, cette nouvelle défaite est une étape supplémentaire dans le combat qui oppose conservatisme et réformisme dans la Chine du 19e siècle, et qui se terminera par la chute de la dynastie Qing en 1912.







En janvier 1900, un édit de l'impératrice reconnut les sociétés secrètes. À partir de mai 1900, la cour impériale organisa des groupes de Boxers en milices à Pékin. Les princes Duan et Chuang, et le général Kang-i, furent officiellement nommés à la tête des groupes de Boxers présents dans la capitale.




Le 7 juin 1900, des troupes de Boxers commencèrent à arriver en masse à Pékin. La sécurité de la capitale était désormais assurée par le Prince Duan et les forces armées impériales n'intervinrent donc pas pour les arrêter. Dans les jours suivants, près de 450 hommes de troupes occidentaux pénétrèrent dans la capitale chinoise pour protéger les délégations étrangères. La révolte atteignit son paroxysme : les insurgés étaient désormais soutenus ouvertement par des éléments de l'armée et changèrent leur slogan en « Soutenons les Qing, détruisons les étrangers ».


L'atmosphère est très angoissante pour les assiégés, ils sont face à des milliers de Chinois haineux hurlant 
"Cha ! Cha ! Cho ! Cho ! " « Tue ! Tue ! Brûle ! Brûle ! »

En réalité, seul le courage a permis aux assiégés de tenir, qui peuvent parfois passer à l'offensive, comme le montre l'expédition héroïque de Matignon, médecin des légations de France, dont la défense avait été confiée au lieutenant de vaisseau Eugène Darcy, du croiseur d'Entrecasteaux. 

En effet le 15 juin, il décide d'aller sauver le père Addosio et ses fidèles, assiégés par les Boxers à l'église du Nan-T'ang. Pour cette expédition, il prépare un commando composé de douze hommes, Français et Italiens. Ils partent dans les rues désertes le matin, et un premier assaut a lieu à l'hôpital près de l'église. Arrivés au boulevard de l'Église, ils sont encerclés par les Boxers et l'armée régulière, mais quelques coups de feu les font reculer, et le commando peut se dégager. 

Pendant ce temps les assiégés de l'église ont réussi à se réfugier dans des maisons. Le commando Matignon est ensuite accueilli par des démonstrations de gratitude de la part des chrétiens chinois, et accueille environ 80 réfugiés, dont certains gravement blessé



LA DÉFENSE DES  LÉGATIONS à PÉKIN
PAR LES MARINS FRANÇAIS

Claude ARATA

Division navale de l"extrême Orient
            
Pékin 1900. Le temps est révolu des grands empereurs Mandchous installés à Pékin depuis le milieu du XVII siècle (Pékin, en chinois, Bei Jing - capitale du Nord). Leurs successeurs sont devenus à la longue un peu falots. C’est ainsi que deux siècles plus tard, du temps de Napoléon III, ils ont eu toutes les peines du monde à se débarrasser de la révolte des Taï Ping venus du sud. C’est précisément vers la fin de la rébellion que la cour semble n’avoir d’yeux que pour le choix de concubines impériales. Parmi les élues figure, peut-être contre son gré car elle roucoule alors avec un capitaine, mandchou comme elle, une jolie fille qui dominera pendant quelque cinq décennies la Cité Interdite, donc la Chine, dans des conditions surprenantes qui tiennent de circonstances imprévisibles. La jeune Mandchoue portera le nom de Ci Xi,  qui signifie, non sans humour, « Tendresse bénie du Ciel ». Elle gouvernera avec un Tson Li Yamen, ministère des affaires étrangères, à sa dévotion et de très hauts fonctionnaires chinois, mais surtout grâce à son ambition démesurée, une intelligence et un sang-froid hors pair, et un manque de scrupules du même gabarit, sous le titre d’Impératrice-régente.



Menu du Chateaurenault 2 août 1904
Telle elle apparaît dans le flamboyant film hollywoodien de Nicholas Ray, tourné en 1963, Les 55 jours de Pékin - vous vous souvenez peut-être de Charlton Heston, David Niven et de la sublime Ava Gardner. Ce film retrace surtout la défense de l’ambassade américaine et l’on n’aperçoit un détachement de soldats français qu’à la fin du film.  Pourtant les Français, et en particulier les marins, ont joué un rôle très important dans cette guerre particulière, la guerre des Boxers. Je vais donc essayer de vous en retracer leur  action.

La situation en Chine en 1900


Bien avant la guerre, s’opposaient déjà en Chine deux tendances à vrai dire traditionnelles, celle des conservateurs qui ne voulaient rien changer à l’ordre des choses et celle des réformateurs qui voulaient imiter les étrangers pour moderniser l’empire.
Ces étrangers sont peu nombreux, 12 000 en 1899, mais ils jouent un grand rôle  avec des statuts très privilégiés en particulier dans les domaines des douanes et des concessions à bail de terrains. Les traités de Nankin et Pékin  avaient accordé aux Européens la possibilité d’avoir à Pékin des ambassadeurs ou des consuls dans les légations et dans seize ports chinois. La France, qui s’était très tôt tournée vers l’Indochine, s’était impliquée en Chine dans des efforts de christianisation catholique et dans la protection des missions. Il y avait, en 1900, sept cent cinquante missions et six cent mille catholiques chinois.

Le Palais d'été

Cette intrusion des étrangers va provoquer deux réactions nationales, différentes et même opposées dans leurs principes et leur mise en œuvre.
La première réaction est la tentative en 1898 d’un groupe de réformateurs de lancer une série de réformes destinées à moderniser la Chine à l’exemple du Japon. Menée par l’empereur héritier en personne Guang Xü, elle est brutalement  arrêtée par l’impératrice Ci Xi qui reprend le pouvoir et choisit pour principal collaborateur le prince Tuan, le plus fanatique des réactionnaires et xénophobes. Ce sont « les Cents jours de Pékin ».
La seconde réaction, celle qui nous intéresse ici, c’est l’insurrection menée contre la domination étrangère par la secte des Boxers. Cette secte avait pour mot de ralliement «  Justice et Vérité par le poing », d’où le nom de Boxeurs donnés par les européens ou plus couramment le nom anglais Boxers. C’étaient des fanatiques, portant un turban et une ceinture rouges, qui se prétendaient invulnérables. Leurs tracts disaient « les catholiques et les protestants ont humilié nos dieux et nos sages, abusé nos Empereurs … quel que soit le village où vous habitez, s’il se trouve des chrétiens chinois débarrassez-vous d’eux sans retard, brulez leurs églises...  ». Dès le mois d’avril 1900, les Boxers vont multiplier leurs attaques et destructions de missions, en particulier dans la province du Shantoung qui était sous influence allemande. Celles-ci se propagent rapidement vers la province voisine du Petchili, en remontant du sud vers Tien Tsin et Pékin. Le gouvernement chinois est alors inactif et apparemment neutre.



TAD Postes aux Armées Chine  4 janvier 1902

La situation s’aggravant les premiers à réagir sont les Français, monseigneur Alphonse Favier évêque de Pékin et Stephen Pichon, ministre de France. Le 19 mai, ce dernier s’adresse au Tson Li Yamen en réclamant la dissolution du mouvement Boxers. Rien ne se passe et les évènements s’accélérant, les ministres des puissances européennes ne se font plus d’illusion. Le 29 mai, ils demandent aux commandants de leurs forces navales en Extrême-Orient de venir les secourir. Après entente commune, chaque nation décide de débarquer cent marins à Takou, dans le golfe du Petchili, pour aller protéger les légations de Pékin.
Pour la France, étaient déjà sur place sous le commandement du contre-amiral Courrejolles, le croiseur-cuirassé de 8500 tonnes  d’Entrecasteaux  et le croiseur de 4000 tonnes Descartes. Chaque bâtiment fournit cinquante hommes et le lieutenant de vaisseau Eugène Darcy, du d’Entrecasteaux, prend le commandement de cette compagnie de débarquement. Son état-major est constitué de l’aspirant Herber, de l’enseigne de vaisseau Douguet et de l’enseigne de vaisseau Paul Henry.

Lettre  Corps expéditionnaire en Chine  29 novembre 1900

En fait, petite anecdote, le capitaine de vaisseau de Marolles, commandant le d’Entrecasteaux, avait initialement désigné pour ce détachement l’aspirant Jean de Pontevès, et non l’enseigne de vaisseau Henry. Ce dernier, « bouleversé » selon ses camarades, estime qu’il a, par son brevet  obtenu à  l’école des fusiliers, déjà implantée à Lorient, une sorte de droit à marcher avec cette compagnie et demande au lieutenant de vaisseau Darcy également  fusilier  d’intercéder pour lui auprès du commandant. Ce dernier accepte et Henry, en quittant ses camarades, à ces paroles prémonitoires : « De deux chose l’une, ou il n’y aura rien, et ce sera un voyage d’agrément; ou il y aura quelque chose, et ce sera terrible : nous n’en reviendrons pas. »
C’est ainsi que quatre cent cinquante marins de huit nations différentes vont, le 31 mai, prendre un  train spécial à Tien Tsin pour gagner la capitale à travers une foule hostile estimée à soixante mille personnes contenues à grand peine par six mille réguliers chinois.  Ce faible effectif est composé, outre les Français,  de matelots russes, anglais, américains, italiens, autrichiens,  allemands et japonais. Faible effectif, d’autant plus qu’au passage à Tien Tsin, vingt-cinq marins du Descartes, sous les ordres de l’enseigne de vaisseau Douguet, y sont restés pour garder le consulat de France. Le lieutenant de vaisseau Darcy arrive donc à Pékin avec seulement soixante quinze hommes.



Le siège de Pékin

Quelques points de repère sur Pékin en cette époque. La capitale est composée de deux villes : au sud, la vieille ville chinoise, quasi déserte à l’exception des temples du Ciel et de l’Agriculture et, au nord, la ville Tartare. Cette ville est entourée d’une muraille de vingt mètres d’épaisseur et de seize mètres de hauteur percée de onze portes dominées par des tours de quatre étages avec meurtrières. Au centre, se trouve la ville impériale, entourée d’un mur de six mètres de hauteur, avec en son milieu le palais impérial souvent appelé Cité interdite. Trois points vont nous intéresser : le quartier des légations au sud-est, la cathédrale de Nan Tang au sud-ouest et le Bei Tang, accolé au nord-ouest de la ville impériale où se trouvent les chrétiens regroupés par monseigneur Favier.

On peut distinguer quatre phases durant ce siège.
- Une phase préliminaire, du 31 mai au 17 juin- Une phase de combats intenses du 17 juin au 15 juillet- Une relative accalmie du 17 juillet au 14 août- La fin des combats et le début de l’occupation




Du 31 mai au 17 juin. La phase préliminaire

Elle commence, comme nous l’avons vu, avec l’arrivée du lieutenant de vaisseau Darcy et de sa petite équipe. Il va la couper en trois groupes : trente hommes à la légation de France sous son commandement, trente hommes avec l’enseigne de vaisseau Henry, renforcés par onze italiens avec l’aspirant Olivieri, au Bei Tang et provisoirement quinze hommes avec l’aspirant Herber au Nan Tang. Ces hommes n’ont avec eux que leur sac, leur fusil et trois cent seize cartouches. Ils s’installent et vont essayer de protéger au mieux les installations. La légation de France est, avec celle d’Allemagne, l’une des plus exposées. Le meilleur site est celui de  la légation anglaise mais la proposition de son ambassadeur Sir Claude Mac Donald de la rallier n’est pas retenue au début.


Estimant ces effectifs insuffisants, les ministres, et en particulier monsieur Pichon, demandent des renforts aux amiraux des flottes qui ne cessent d’arriver en rade de Takou. Le 5 juin, l’appel est entendu et une colonne de secours d’environ deux mille marins est mise sur pied sous les ordres du vice-amiral Seymour, commandant en chef de l’escadre anglaise, pour rallier Pékin. C’est la fameuse colonne Seymour. Côté français, le contre-amiral Courrejolles charge le capitaine de vaisseau de Marolles, commandant le d’Entrecasteaux, de prendre la tête de cent soixante marins avec comme adjoint le lieutenant de vaisseau Ronarc’h (le futur commandant de la brigade des fusiliers marins à Dixmude en 1914) et quatre officiers dont l’aspirant de Pontevès que l’enseigne de vaisseau Henry avait remplacé au premier détachement. Ces troupes se rendent à Tien Tsin, située à cent vingt kilomètres de Pékin, pour embarquer dans cinq convois ferroviaires. Le départ a lieu le 10 juin. Il n’y a plus de liaison télégraphique avec Pékin et la voie de chemin de fer est annoncée coupée. Mais il est décidé de la réparer au fur et à mesure de l’avance sur la capitale pour arriver en fin de journée. Rien ne va se passer comme prévu. Les boxers sabotent les voies, détruisent les ponts, incendient les gares et harcèlent les troupes. Pendant dix jours la colonne va avancer d’une quarantaine de kilomètres jusqu’à Lan Fang puis reculer pris en tenaille. L’amiral Seymour, à court de vivres et de munitions, va finir par battre en retraite vers Tien  Tsin. Ses atermoiements dans l’avancée de ses troupes lui vaudront le surnom de  see no more (on ne le verra plus)… Ce n’est que le 26 juin qu’une troupe de secours russe d’environ deux mille fantassins viendra les dégager et leur permettre de regagner le quartier des concessions. Sur les deux mille hommes de cette colonne, on comptera soixante dix tués et deux cent sept blessés. Nos cent soixante français auront trois tués et vingt blessés.


Mais revenons à Pékin où nos assiégés attendaient cette colonne le 11 juin au soir et ne vont en fait plus en avoir de nouvelles jusqu’à leur délivrance en août. Ce 11 juin, Sugiyama, le chef de la chancellerie du Japon, se rend à la gare pour attendre cette colonne et il est massacré par les boxers, c’est le premier étranger tué dans Pékin. . Les liaisons télégraphiques sont coupées avec l’extérieur. En trois jours, treize églises et sept hôpitaux sont réduits en cendre sans que les autorités chinoises interviennent.

Du 17 juin au 15 juillet. Les combats intenses

Un fait particulier va provoquer un changement de posture du gouvernement  chinois. Le 15 juin, les commandants des escadres mouillées au large de Takou se réunissent et décident, sans en référer à leur gouvernement,  pour faciliter l’accès des troupes à Tien Tsin, de lancer un ultimatum au vice-roi de la ville et au commandant des forts pour qu’ils se rendent.
Suite à leur refus, les forts de Takou sont attaqués et pris le 17 juin, assurant ainsi une base-arrière logistique. La canonnière française Lion s’y distingua en faisant sauter la poudrière des forts.  


http://www.gsma.pf/b_tien.html


Le Tson Li Yamen considère alors que cette occupation équivaut à une déclaration de guerre et, le 19 juin, signifie aux ministres des légations d’avoir à quitter Pékin dans les vingt-quatre heures. Aux ministres qui veulent encore négocier, l’ambassadeur allemand Von Ketteler réplique que « c’est déjà la guerre » et décide d’aller seul voir le Tson Li Yamen  pour essayer d’éclaircir les choses. Le 20 juin, il est assassiné dès sa sortie par des soldats réguliers chinois.  La guerre est maintenant  déclarée et commence ainsi le premier combat d’un siège qui va durer cinquante cinq jours.




Que ce soit aux légations ou au Bei Tang, les marins ont à lutter contre l’incendie, les fusillades, la canonnade et les mines. Les boxers attaquent en hurlant shô, shô ! (brûle, brûle !) et shâ, shâ ! (tue, tue !). Les armées régulières, poussées par le prince Tuan, qui est membre du Tson Li Yamen, font alors cause commune avec les boxers.
Au quartier des légations, l’état-major interallié et les familles se placent chez les Anglais. La légation de France est menacée sur ses quatre façades et le lieutenant de vaisseau Darcy la défend héroïquement, ayant fort à faire pour contenir les attaques incessantes.  Au 30 juin, il y a déjà neuf tués et onze blessés français dont l’aspirant Herber, tué par une balle au front alors qu’il dirigeait le tir du haut d’un toit. Le 13 juillet, les murs sont sapés par une mine et les Chinois envahissent la cour obligeant les Français à se replier pour les repousser ensuite au corps à corps.

Du 17 juillet au 14 août. L’accalmie

À Tien  Tsin où nous avions laissé le capitaine de vaisseau de Marolles replié avec la colonne Seymour, les combats ont continué. Un corps expéditionnaire de près de dix mille hommes, dont deux mille français sous les ordres du colonel de Pélacot, a entrepris de réduire la résistance chinoise. La ville se rendra le 14 juillet.
Cette victoire a des répercussions immédiates sur le siège de Pékin. Il s’établit une trêve plus ou moins avouée entrecoupée de fusillades et d’assauts. Ci Xi, toujours dans son rôle ambigu, va même jusqu’à envoyer quelques vivres et douceurs aux légations.


Au Bei Tang, avec l’enseigne de vaisseau Henry, il n’y aura pas de trêve. Dans ce parallélogramme entourant la cathédrale Saint-Sauveur, sont réfugiés soixante Européens et trois mille Chinois, femmes et enfants. Aucun point n’est fortifié. Henry va, avec ses quarante marins, placer des postes aux endroits les plus menacés et transformer le Bei Tang en forteresse.  Les attaques sont incessantes, tirs de mines et de canons. Le 18 juillet une mine fait seize morts et vingt-cinq blessés. Henry, intrépide,  est partout, donne l’exemple et n’hésite pas à s’exposer plus que ses hommes pour sauver des situations critiques ou entreprendre des actions offensives. C’est ainsi que le 30 juillet, alors qu’avec deux matelots il est sur un échafaudage établi contre un mur d’enceinte que les boxers commençaient à escalader, il est touché par deux balles de fusil. Il devait mourir quelques instants plus tard, un mince sourire aux lèvres, assurent les témoins. Il avait rempli sa mission ; il avait vingt-quatre ans. Dans une lettre, peut-être prémonitoire et en forme de testament, adressée à ses parents quelques jours avant, il écrivait : « Si je suis tué, ces derniers mots vous porteront mes derniers adieux… je succombe pour la plus belle des causes, et j’ai fait, je l’espère, tout mon devoir». Monseigneur Favier écrira à ses parents : « Nous l’avons exposé, pleuré, enseveli ; il était superbe, un rayon du paradis illuminait sa figure, nos chrétiens versaient des larmes et la douleur des marins était navrante… la parole qu’il nous avait dite allait se réaliser : je ne disparaitrai que lorsque vous n’aurez plus besoin de moi ». Du 30 juillet jusqu’à la délivrance, les attaques vont en effet diminuer.




La fin des combats et le début de l’occupation

Après la prise de Tien Tsin, les renforts arrivent journellement de Takou. Le 3 août, vingt mille hommes, dont mille français sous les ordres du général Frey, peuvent marcher sur Pékin. Ils vont utiliser les deux rives du Peï Ho. Après la prise de Peï Tsang, Yang Tsoun et Toung Tchéou, ils arrivent à Pékin le 15 août et vont délivrer les légations et le Bei Tang. On ignore alors que Ci Xi et l’empereur Guang Xü sont partis à l’aube, déguisés en paysans, pour rejoindre Sian Fu, la capitale de la province du Chen Si.
Mission accomplie, nos marins français quittent Pékin le 27 août. Les pertes des alliés aux légations et au Bei Tang  pendant ce siège, furent de soixante quatre tués et cent trente trois blessés. Pour nos Français, sur les soixante dix huit présents, il y eut seize tués et vingt-sept blessés. Côté chinois, l’estimation est de plus d’un millier de morts.

Le 20 septembre, le contre-amiral Courrejolles portait à l’ordre de la division navale l’extrait suivant de la lettre de monsieur Pichon : « Nos marins ont été, au cours des évènements tragiques que nous avons traversés, d’une intrépidité et d’un dévouement sans égal. Sous la direction de leurs officiers, dont deux ont été tués, ils ont, on peut le dire, opéré des prodiges de valeur. Chose à peine croyable, surtout lorsqu’on voit l’état des lieux, trente des leurs avec dix Italiens, ont sauvé d’un massacre général, pendant plus de deux mois, une population de trois mille personnes réfugiées au Bei Tang. À la légation de France, le reste du détachement, soit quarante cinq hommes,  a défendu un des postes les plus périlleux, où les Chinois ont donné les plus rudes assauts. J’accomplis un devoir que me dicte la reconnaissance, en rendant ce témoignage de la bravoure de nos marins… ».

La Marine n’a pas oublié  nos deux officiers disparus. Un remorqueur en 1902 et un contre-torpilleur en 1912 porteront le nom Aspirant Herber. L’enseigne de vaisseau Henry, quant à lui, verra son nom porté par quatre bâtiments : un remorqueur en novembre 1900, un contre-torpilleur en 1912, un aviso en 1929 et surtout en 1962  un aviso-escorteur construit à Lorient, qui est resté en service jusqu’en 1994. D’autre part, le 28 septembre 1901, eut lieu, dans le bourg de Plougrescant dans les Côtes d’Armor, la bénédiction d’un monument élevé à la mémoire de Paul Henry par ses camarades de promotion et par les officiers du d’Entrecasteaux.




Nous ne pouvons terminer cette histoire sans évoquer un autre marin français qui arrive à Takou en septembre 1900. Il est embarqué sur le cuirassé Redoutable comme premier aide de camp du vice-amiral Pottier, commandant la division navale d’Extrême-Orient. C’est le capitaine de frégate Julien Viaud, plus célèbre sous le nom de Pierre Loti.  Son amiral l’envoie en mission à Pékin, le 11 octobre, pour y rencontrer les autorités. Il y arrive après qu’un corps expéditionnaire interallié de plus de cent mille hommes, dont un contingent français de dix-sept mille soldats sous les ordres du général Voyron,  continue à ramener l’ordre dans le Petchili et vient d’occuper Pékin. Tout ceci avec une répression très dure au début : incendie de villages, massacres, pillage de Pékin et du palais impérial. Loti va rendre compte de ce séjour, et de celui qu’il fera au printemps 1901, dans son journal de voyage qui sera publié, en 1902, sous le titre  Les Derniers jours de Pékin. Il y décrit avec emphase ce qu’il voit de Pékin et de la Chine, les combats qui s’y sont déroulés et ses visites de la Cité Interdite. Logé dans un pavillon près du pont de marbre, il couche dans un des lits de l’impératrice et dérobera, comme il l’écrit « deux petits souliers de l’impératrice pour les emporter comme part de pillage ». On les retrouvera dans sa chambre chinoise à Rochefort entre autres souvenirs rapportés de ce séjour.

De cette guerre des Boxers, de cette lutte contre les « diables étrangers », outre la vaillance de nos marins français, les récits des témoins nous conduisent à plusieurs observations : la très grande valeur au combat de l’armée japonaise, une forme de guerre nouvelle avec des alliés qui coopèrent avec efficacité, la dureté des combats contre une armée chinoise modernisée mais surtout la prise de conscience chez les occidentaux de la naissance d’un nationalisme chinois. Les longues négociations qui suivirent révèlent l’habileté des Chinois et le peu de cohésion des Alliés dans la recherche d’un accord. Malgré les apparences, l’impératrice Ci Xi a bien tiré son épingle du jeu et, en janvier 1902, elle retrouvera  cette Ville Impériale, qui selon Pierre Loti est «  un des derniers refuges de l’inconnu et du merveilleux sur terre, un des derniers boulevards des très vieilles humanités, incompréhensibles pour nous et presque un peu fabuleuses ».

Bibliographie
BOURGERIE R. LESOUEF P. La Guerre des Boxers. Economica, 1998
BAZIN R. L’Enseigne de vaisseau Paul Henry. Mame, 1932
DE PONTEVÈS J.  Souvenirs de la Colonne Seymour, Plon. 1903
MABIRE J. L’été rouge de Pékin. Fayard, 1978
LOTI P. Les Derniers jours de Pékin. Julliard, 1991









Passage de Toulon à Alger 1839 sur un navire de la Marine Royale Cerbere

 Passage maritime de Toulon à Alger 1839 Cerbere  La conquête de l'Algérie débute par le débarquement de l'armée d'Afrique à Sid...