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20 mai 2024

Camille Pelletan Gaston THOMSON ministres de la Marine croiseur-cuirassé Sully Baie d'Along 1905 Marine nationale

Camille Pelletan et Gaston THOMSON ministres de la Marine 

Les ministres de la Marine ont souvent été l'objet de railleries, de critiques et les caricaturistes s'en sont donnés à coeur joie. Deux d'entre eux dans les années 1900 ont été la cible des illustrateurs avec notamment le nauffrage du Sully.





LE « SULLY » ÉCHOUÉ DANS LA BAIE D’ALONG 
Un câblogramme du vice-amiral Bayle, commandant en chef l’escadre d’Extrême- Orient, annonce que le croiseur Sully, commandé par le capitaine de vaisseau Guiberteau, s’est échoué mardi matin, dans la baie d’Along, sur des rochers. La dépêche ajoute, qu’il n’y a aucun accident de personne. Ce malheureux croiseur joue vraiment dt malchance. On se souvient dans quelles déplorables conditions, l’an dernier, M. Pelletan le fit partir pour l’Extrême-Orient, à peine terminé et sans armement complet L’accident qui vient de survenir n’est certainement qu’une conséquence de ce départ ordonné contrairement à l’avis autorisé de tous les hommes de métier. Le Sully est un croiseur cuirassé de 10000 tonnes de déplacement. Son armement comprend 8 canons de 164 millimètres, 4 de 100 millimètres placés en tourelles, 2 de 65 millimètres, 18 de 47 millimètres en tourelles, 6 de 37 millimètres; il a en outre 5 tubes lance-torpilles.



CHOSES MILITAIRES

L’éçhouement du « Sully »

Le départ du croiseur Sully qui, sur l'ordre de M. Peiletan, a quitté Toulon pour aller renforcer l’escadre d’Extrême-Orient, n’aurait pas dû prendre le large avant d’avoir été « mis au point », comme le demandait la commission de réception du bâtiment.

Le commandant du Sully, le capitaine de vaisseau Farret, à qui l’ancien ministre de la marine enleva aussitôt son commandement, estimait que ce navire de guerre n’était pas dans les conditions voulues pour aller faire campagne dans des mers aussi lointaines. M. le vice-amiral Bienaimé, alors préfet maritime à Toulon, devenu, par une conséquence directe des incidents du Sully, député du deuxième arrondissement de Paris,partageait la manière de voir du capitaine de vaisseau Farret et couvrait complètement son subordonné.

Les techniciens de la marine craignaient de voir le Sully commencer en Extrême- Orient une campagne malheureuse. Or, le croiseur s’est — suivant l’expression des marins — mis au plein dans la baie d’Along (golfe du Tonkin), sur un banc de rochers sous-marins.

Un scaphandrier a visité la coque qui porte une légère déchirure. Le Sully a des tôles défoncées et une voie d’eau que l’on a aveuglée. Les pompes d’épuisement ont bien fonctionné. Aucun organe essentiel ne paraît atteint.

La mer est démontée dans le golfe, houleuse dans la baie ; le baromètre monte. Le commandant de la marine est parti pour la baie d’Along avec deux torpilleurs et une grue flottante.

Le Sully a reçu ses principales avaries à l’avant et le heurt a été tellement violent que l’avant du croiseur incline dans l’eau.

Après l'affaire Dreyfus, Camille Pelletan est ministre de la Marine de juin 1902 à janvier 1905 dans le cabinet Émile Combes, dont il est une des personnalités majeures. Très influencé par les théories de la Jeune École de l'amiral Aube, et à l'encontre des enseignements de l'affaire de Fachoda en 1899, il freine la construction des cuirassés décidée lors du « programme de 1900 » et multiplie le nombre des torpilleurs et des sous-marins.

Par l'important décret du 7 octobre 1902, il crée le corps des administrateurs des Affaires Maritimes. Il favorise les carrières des jeunes officiers issus de famille modestes, des officiers sortis du rang et des officiers mécaniciens, jusqu'alors tenus en mépris par ceux issus de l'École navale.

Il introduit la journée de huit heures dans les arsenaux. Durant les grandes grèves de Marseille en 1904, il montre une sympathie prononcée pour les revendications et les méthodes socialistes des grévistes. Sa politique est très critiquée, y compris par les radicaux entrés en dissidence contre le gouvernement Combes, à savoir ses prédécesseurs Jean-Marie de Lanessan et Édouard Lockroy et le futur président de la République Paul Doumer. Une controverse violente s'ensuit, et il devient une cible privilégiée pour les caricaturistes, qui moquent sa pilosité broussailleuse et son manque d'élégance. Ses adversaires s'inquiètent du risque d'affaiblissement de la Marine et de destruction de la discipline. La création d'une commission d'enquête extra-parlementaire est décidée par la Chambre des députés, mais après quelques auditions celle-ci cesse de se réunir et ne remet pas de rapport final


Gaston Thomson fut ministre de la Marine du 24 janvier 1905 au 22 octobre 1908

PINTES DE BON SANG 

Les journalistes, par ma foi, sont des gens bien extraordinaires.

Je n'ai pas l'honneur de les connaître, et je le regrette, bien qu'ils me paraissent d'humeur fort irascible, de fréquentation difficile, de commerce désagréable, et de caractères vraiment insupportables.

Pour un rien ils poussent les hauts cris et remplissent l'air de leur colère.

Ainsi l'autre jour, un bateau qui s'appelle le Sully tout comme M. Mounet ou M. Prudhomme, s'est échoué doucement sur un rocher là-bas, je ne sais où, dans les mers de l'Orient extrême.

Je vous demande s'il y a là de quoi fouetter le schah de Perse.

Eh bien, immédiatement, les journalistes ont poussé des cris d'orfraie.

M. Pelletan qui est un homme sérieux, et qui en fait de bateaux en remontrerait à quiconque — il en a tant monté M. Pelletan n'a fait qu'en rire.

C'est le sort des bateaux de s'échouer sur des rochers, et il est évident que cet accident ne leur arriverait jamais si on les faisait évoluer dans le bassin de la place Pigalle.

Comme l'a fait justement remarquer M. Thomson : — S'il y avait une guerre maritime, vous en verriez bien d'autres !

Somme toute, l'accident n'a rien de désagréable que pour notre grand tragédien national : il est vexant en effet de voir le (Mounet)-Sully échouer dans la baie d'Along quand M. Coquelin a tant de succès dans l'abbé Constantin.

Et puis, il faut se ranger à l'avis de M. Lockroy — le Lockroy de sa mer — l'homme le plus versé sur les choses de la marine.

Comme on l'interrogeait sur l'événement, il répondit par ce mot si finement spirituel, dont on vend douze pour un sou dans les librairies les mieux achalandées : — Après tout, un bateau n'est jamais si bon que lorsqu'il échoue!

Gaston Thomson est un homme politique français né le 29 janvier 1848 à Oran (Algérie) et décédé le 14 mai 1932 à Bône (Algérie). Député sans discontinuer de 1877 à 1932, il détient la palme de la longévité parlementaire en France, avec 54 ans et 320 jours.

Aujourd'hui encore, l'action de Camille Pelletan en tant que Ministre de la Marine reste très critiquée parmi les milieux militaires maritimes. Son application des théories de la Jeune École et de son inspirateur, l'amiral Aube, au moment où celles-ci sont de plus en plus discréditées, ont en effet conduit à remplir les ports français et algériens, aussi bien militaires que civils, de petits torpilleurs « numérotés » dont la longueur n’excède pas 27 à 38 mètres suivant la classe, dont le franc-bord est trop faible pour opérer en haute mer et qui pour partie sont incapables de mener à bien les missions qui leur sont dévolues. Les décisions de Camille Pelletan en tant que Ministre de la Marine contribuent ainsi au retard que la Marine Française accumule à partir du milieu des années 1880 et lui font pour partie rater la « révolution » du Dreadnought et son concept du « All big guns »

La Croix des Marins 12-02-1905

Le Mémorial des Vosges 11-02-1905

https://envelopmer.blogspot.com/2017/03/un-ministre-de-la-marine-meconnu.html

https://envelopmer.blogspot.com/2021/09/echouage-du-cuirasse-sully-1905.html

26 août 2022

vols cartes postales dans le réseau de la Poste 1905

 vols cartes postales dans le réseau de la Poste 1905


DIRECTION DE L'EXPLOITATION POSTALE, l", 2* ET 5e BUREAUX.


Circulaire du 28 juin 1905 relative aux disparitions et maculations de cartes postales illustrées.



LE SOUS-SECRÉTAIRE D'ÉTAT DES POSTES ET DES TÉLÉGRAPHES À MM. LES DIRECTEURS DÉPARTEMENTAUX ET DES BUREAUX AMBULANTS.



La circulaire confidentielle du 2 juin 1904 a appelé votre attention sur la fréquence des disparitions de cartes postales illustrées confiées au service et sur les mesures spéciales à prendre pour remédier à cette situation.

Malgré ces instructions, les disparitions sont toujours très nombreuses ainsi qu'en témoignent les réclamations dont l'Administration est saisie. Le plus souvent, le public signale comme ne lui parvenant pas, soit des cartes isolées, d'une valeur artistique appréciable, soit des séries entières destinées à figurer dans des collections.

Ces disparitions provoquent, ajuste titre, de vives protestations auxquelles il importe essentiellement de mettre un terme.

Je vous prie, en conséquence, de rappeler aux agents et sous-agents que des mesures disciplinaires rigoureuses seraient prises contre ceux d'entre eux qui se rendraient coupables de soustractions de cartes postales illustrées.

Je vous recommande, en outre, lout particulièrement, de continuer à exercer sur les correspondances de cette catégorie la surveillance prescrite par la circulaire du 2 juin 1904, rappelée ci-dessus.



Vous voudrez bien également rappeler, d'une manière toute spéciale, au personnel, qu'il doit apporter dans le timbrage de ces objets tout le soin désirable, en vue d'éviter les maculations trop souvent constatées et qui sont susceptibles, vu la nature de ces correspondances, d'en déprécier la valeur et de provoquer des réclamations justifiées.

Vous n'hésiterez pas d'ailleurs à signaler, le cas échéant, à l'Administration, les agents ou sous-agents qui n'auraient pas tenu compte de ces prescriptions et qui s'exposeraient par cela même à l'application d'une punition rigoureuse.


Le Sous-Secrétaire d'Etat des Postes et des Télégraphes, ALEXANDRE BÉRARD.


13 septembre 2021

le naufrage du HILDA - la catastrophe de Saint-Malo 18-19 novembre 1905

le naufrage du HILDA - la catastrophe de Saint-Malo

Le poids des mots, le choc des photos  Novembre 1905, la tempête gronde sur les côtes de la Manche. Le "Hilda" dessert les ïles Anglo-Normandes et Saint-Malo au départ de Southampton. Ce qui est surprenant c'est la couverture photo de l'événement et les nombreuses cartes postales qui illustrent ce naufrage.




La catastrophe de Saint-Malo




L'émotion sur les côtes Le torpilleur Lancier sur le lieu du sinistre ce que raconte un des survivants - Les cadavres rejetés par la mer

Saint-Malo, 20 novembre.

Ce matin, quand le jour gris et pluvieux s'est levé sur la ville en deuil, tous les malouins qui pouvaient déposer de quelque loisir, se sont portés sur les remparts et sur le môle, comme s'ils pouvaient avoir espoir de voir quelque chose de l'affreux drame qui s'était déroulé dans la nuit de samedi dimanche à quelques kilomètres de la ville endormie.

Et tandis que les regards exploraient la mer, les commentaires d'aller leur train. D'après une version, le vapeur aurait été désemparé de son gouvernail, hypothèse bien invraisemblable, d'autant plus que les vapeurs anglais sont tous munis d'un gouvernail de rechange.

Une autre version dit que les capitaines anglais ont tellement confiance dans leur expérience et leur savoir faire, qu'ils ne se servent pas de la boussole, et qu'ils marchent d'après leur montre (?). C'est ainsi que le capitaine Gregory, qui avait fait plus de 3.000 fois la traversée de la Manche, avait tellement l'habitude des passes qu'il ne craignait pas d'entrer à St-Malo dans n'importe quel moment et par n'importe quel temps. C'cst ce qui fait que trompé par le brouillard, son bâtiment aurait été jeté sur les rochers des Portes, qui sont placés à droite en entrant à Saint Malo, et à gauche en sortant 

Cézembre à droite, la Pierre des portes à gauche, à gauche de la pierre, les Couillons de la porte

Cette passe n'a que 200 mètres de largeur. Le capitaine de l' Ada M. Howke, dit qu'en temps de pluie il a couvent observé un phénomène assez curieux La brume reflète l'éclairage des phares qui se trouvent pour ainsi dire, déplacés parfois à plus de 100 mètres. Est-ce un phénomène de ce genre qui a trompé le capitaine Gregory?

127 victimes

 Saint-Malo 20 novembre. 
Les familles des marchands d'oignons sont arrivées cette après-midi pour reconnaître leurs membres disparus. Leur douleur fait peine à voir. A Saint-Malo le nombre des morts portes à l'hôpital se monte à 5. Une salle a été aménagée spécialement pour les recevoir par le personnel de l'Hôtcl-Dieu. Nombre de journalistes de la presse anglaise et de la prcssc parisienne sont arrivés également. Parmi ires confrères so trouve un rédacteur du «Daily Mail » de Londres.

 Quant au nombre des victimes il est probable que nous les connaîtrons tous demain car le steamer Ella doit en apporter la liste officielle. Ce que l'on sait dès à présent c'est qu'il y avait à bord de l' "Hilda" 82 Français, 17 passagers anglais et 2 hommes et 2 femmes d'équipage, ce qui porterait d'après ces données le nombre des victimes à 127.

Parmi les victimes se trouvent. le colonel Fo1et, de Dinard, et sa femme; MGrindle, dont la femme et les cinq enfants habitent Saint-Enogat ;Mmc Butler, M. King, M. Sykes, Mme Kerby, veuve du général, qui habite Saint-Servan. On craint que leur fils ne soit également parmi les victimes.

 Le maire de Saint-Malo est venu, ce soir, exprimer à M. llamon, agent de la South. Western-Company, au nom de ses concitoyens, la part que la ville entière prend au deuil qui afflige tant de familles françaises et anglaises,

A la Compagnie South- Western


Nous nous rendons aux bureaux de la Compagnie rue Jacques-Cartier, puis sur les quais où nous trouvons M. Hamon, représentant de la Compagnie à Saint Malo. M. Hamon vient de recevoir une quantité de télégrammes émanant des familles inquiètes. Beaucoup arrivent de la Bretagne et de l'Angleterre. Une dépêche de Dinan notamment demande si un groupe de voyageurs composé de: MM. Ralph Kiny, Mansion House, Salisbury; Gaisfied, Dr Stanley et Miss Ingles sont parmi les survivants. Hélas malheureusement non. Tous les bâtiments de la Compagnie sont en berne. A neuf heures arrive le Laura D venu spécialement de Southampton avec les directeurs do la société du South Western. Des personnes en grand deuil se retrouvent sur les quais pleurant silencieusement. Le ciel semble être comme nous, dans le deuil et la tristesse, tellement il est sombre et brumeux,

Sur les lieux du sinistre


Le torpilleur de haute mer  Lancier , commandé par le lieutenant de vaisseau Devoir, se serait rendu sur les lieux  avec la second de l'"Ada", M. Barans, et tâcher d« ramener des cadavres et des épaves. Des ordres très sévères ont été donnés par les autorités maritimes afin de surveiller étroitement le rivage et d'empêcher les pilleurs d'épaves de dévaliser les morts, car presque toutes les victimes sont porteurs de sommes considérables: Le bruit court que quelques marchands d'oignons ont à eux seuls plus de 50.000 francs en or, produit de leur campagne en Angleterre. 50.000 francs, c'est beaucoup, mais il est certain qu'ils rapportaient des sommes importantes. Des remorqueurs sont allés hier avec la sous-préfet de Saint-Malo, M. Ottenheimer, M. l'administrateur de la marine da 1e cl. Potticr, le consul d'Angleterre, major Heuniker sur les lieux du sinistre.

 Le " Hilda" est coulé sur  La Pierre des Portes», un rocher en forme de triangle et se trouve placé comme sur un ber, il est ouvert en deux et on peut facilement pénétrer dans les chambres de l'avant à marée basse, D'api ùs l'enquête Lite par les autorités il a été reconnu que si le gardien du phare du Jardin n'a pas fait de signaux et n'a pas prévenu la terre c'est qu'il n'a rien soupçonné de la catastrophe. Le poste de Cézembre où il existe un téléphone n'a rien non plus signalé pour le même motif. Ce n'est que l' «Ada" qui allant à Southampton s'aperçut lc premier un malheur.

On critique beaucoup ce fait que le phare du la pierre du jardin ne soit pas encore doté d'une corne de brume comme le phare des Corbières près de Jersey. On s'étonne également que le phare du Jardin ne soit pas relié par le téléphone de Cézembre  avec la terre, Il serait cependant d'autant plus facile de l'installer que l'île est très voisine du phare. Enfin, c'est qui à cherche le moyen de prévenir de pareils malheurs.

Le récit d'un témoin

A l'hôpital


Saint Malo, 20 novembre. 
Nous sommes allés ce matin, à l'hôpital de Saint-Malo, avec plusieurs de nos confrères, venus tout exprès de Paris, interviewer les survivants de la catastrophe. Lorsque la soeur nous introduit dans la salle des malades, les malheureux sont réveillés, mais reposent encore. 

 Nous nous retirons dans une petite salle voisine pour leur permettre de s'habiller et bientôt les naufragés surviennent, avec de bonnes figures de bas Bretons. Nous nous inquiétons d'abord de leur santé. Ils ne sont pas, nous répondent-ils, encore revenus de leurs émotions mais cela va beaucoup mieux.

 Une religieuse leur apporte un bol de café bien chaud; on leur donna de nouveaux vêtements pour les empêcher d'avoir froid, et nous prouvons les interroger.


Tout d'abord, ils nous donnent leurs noms et qualités; ce sont: Tanguy Laot, 24 ans de Cléder (Finistère); Louis Roséc, de Plouzévédé 30 ans; Paul Marie Lepen, du Cléder; Olivicr Caroff, 22 ans, de Roscoff, Jean Louis Mouster, de la Feuillée (Finistère); tous les cinq employés au service de M. Louis Quilviger, marchand d'oignons, qui a péri dans tempête.
L'Anglais James Grustes, 48 ans, originaire du Dorsetshire, est marin chauffeur de l"Hilda.

Nous adressant plus particulièrement l'un des témoins de la catastrophe, voici le récit que nous avons recueilli de sa bouche:

«Nous étions partis de Southampton à 4 heures; déjà la mer était mauvaise. Vers le milieu de la traversée, un brouillard intense nous enveloppa complètement. L'on n'y voyait pas à quatre mètres devant soi et le second, M. Prorson, dut faire ralentir la marche du bâtiment. 

A huit heures, la brise d'Est vint à souffler en tempête et la neige se mit à tomber en gros flocons si denses, qu'à l'arrivée, l'on ne vit plus les feux du littoral du cap Fréhel et du phare du Jardin. Quelques instants encore avant la catastrophe, nous avions aperçu des bateaux pécheurs de Cancale, qui ne tardèrent pas à disparaître à nos yeux, enveloppés du des tourbillons d'eau et de neige; ils fuyaient là  voiles serrées vers le large afin d'éviter les dangereux brisants L'"Hilda» crut qu'il serait possible de renter à Saint-Malo...



Dinan, 20 novembre. La nouvelle de la catastrophe de l' « Hilda », apportée ce matin par 1' « Ouest-Eclair a produit une émotion intense parmi nos concitoyens et la colonie anglaise, plusieurs résidents anglais de Dinard et Dinan devant rentrer par le vapeur naufragé.

A la nouvelle parvenue télégraphiquement cc matin que 35 cadavres, dont 23 hommes, 10 femmes et 2 enfants avaient été découverts sur la plage de Saint-Cast, MM. Vassal, sous-préfet, Bayoar, procureur de la République, et Richert, capitaine de gendarmerie, se sont aussitôt transportés sur les lieux. M. L'Hermitte, premier adjoint, en l'absence de M. Ross, maire, actuellement à Paris, pour la réunion du comité de la fédération républicaine  , a fait mettreen berne le drapeau de l'hôtel de ville 





Le naufrage a fait 125 morts dont 65 Johnnies de Roscoff.

Mais voici le récit le plus circonstancié des évènements, fait par Olivier CAROFF :
“Maintenant, j'ai repris toute ma connaissance. Je vis et suis heureux de vivre. Le souvenir de la terrible nuit est un cauchemar. Je m'étais endormi à l'avant. J'ai soudain été réveillé par le froid. Je me suis levé. Il faisait nuit noire, on ne voyait pas à quatre mètres. Je marchais sur le pont. J'aperçus le Capitaine qui, sur la passerelle, donnait des ordres, “Sale temps” me dit un matelot ; nous devons être près de St Malo mais on ne voit pas le phare. Peu après il me sembla percevoir une lueur. Le phare du Grand Jardin est vert, blanc, rouge. Puis tout disparut ; on rentra dans l'ombre. La sirène du bateau sifflait avec rage, la cloche d'alarme sonnait. J'allais retourner me coucher quand un choc formidable se produisit.qui me renversa. Je me relevais et m'élançais vers l'arrière. Je me heurtais au mât et courus vers le bordage. Le navire enfonçait. Je grimpais au mât par les échelles.”
“ J'aperçus alors des gens qui courraient,, affolés, près de moi des hommes grimpaient, Je me pressais pour arriver le plus haut possible. Un craquement terrible, un bruit sourd, le milieu du navire disparut : le mât avant craqua et tomba. J'entendis des cris déchirants.”
" Sur le mât nous étions une vingtaine. De temps en temps, l'un de nous tombait. Le froid me gagnait. Combien de temps ai-je passé ainsi ? je ne saurais le dire. Quand le jour vint, j'aperçus de la fumée, une masse noire, c'était l'ADA : la VIE! Le contremaître MOREL arriva avec des matelots 
une embarcation. Je ne me souviens plus que de mon réveil, l'hôpital, dans des draps chauds. Ce matin seulement, je me suis rendu compte que JE VIVAIS !




Au matin du 19 novembre, les sauveteurs vont retrouver 6 survivants, un membre d’équipage et 5 Johnnies sur les 70 embarqués. Des hommes qui, en s’accrochant à la mature, ont réussi à ne pas tomber dans la mer glacée. Car le bateau transportait une majorité de Roscovites et d’habitants des communes alentours partis vendre leurs oignons rosés en Angleterre. Ils rentraient au pays, leur mission accomplie.
Le lendemain, 69 corps dont celui du capitaine seront retrouvés sur la plage de Saint Cast. Pendant un mois, la mer ramènera corps et débris de bois sur toute la côte.





Sources 
Gallica BnF
L'ouest-Eclair 21 novembre 1905


04 septembre 2021

Echouage du cuirassé Sully 1905 Indochine baie d'Along d'Assas Gueydon

Echouage du Sully en baie d'Along 

7 février 1905


Le Sully est mis sur cale aux Forges et Chantiers de la Méditerranée à La Seyne-sur-Mer le 24 mai 1899  et est lancé le 4 juin 1901 . La construction du navire est achevée en juin 1904 et il est envoyé en Indochine française pour son premier voyage. Le 7 février 1905 , le Sully heurte un rocher dans la baie d'Along. Aucun membre d'équipage n'est blessé dans la collision et les canons ainsi que l'équipement sont renfloués, mais le croiseur cuirassé se brise en deux et son épave est abandonnée


L'ÉCHOUAGE DU « SULLY » Une note de Figaro. Le récit d'un témoin - Une alerte - La responsabilité du commandant Guiberteau.

Le Figaro donne ci-après une version inédite de l'échouage du Sully. Elle provient, dit-il, d'un officier de marine des plus distingués qui a assisté à l'accident et dont la sincérité n'est pas douteuse. Il ne destinait pas cette page émouvante à la publicité. Il ne savait même pas qu'elle serait publiée. Il l'a écrite au cours d'une lettre privée qu'il adressait de la baie d'Along à sa famille. C'est de là que nous la détachons. »

Dans l'après midi du 7 février, le Sully était sorti pour faire des lancements de torpilles. Pour nous, notre service nous appelait dans une autre partie de la baie. Tout à fait par hasard, vers 4 h. 30, nous repassons en vue du Gueydon et du D'Assas, et, à notre stupéfaction, nous remarquons que les feux du Gueydon sont allumés et qu'il est même en train d'appareiller. Le D'Assas également était couvert de fumée. Notre première pensée a été: C'est la guerre à la seconde « Le Sully" est échoué Que s'était-il donc passé ?

Vers 3 heures, le D'Assas avait reçu du Sully, par la télégraphie sans fil. le télégramme suivant « Nous coulons par l'avant envoyez secours immédiat, secours immédiat, secours, secours. » 

Ces derniers mots étaient répétés indéfiniment. Le commandant, croyant à un exercice de signaux, ne s'émeut pas d'abord, pensant « Le Gueydon a dû recevoir le même signal, nous verrons bien ce qu'il va dire. Or la télégraphie sans fil du Gueydon était en réparation. Cependant, comme au bout d'une heure le Gueydon n'avait rien dit, le commandant Allaire se décide à aller montrer le signal au commandant Ridoux. Celui-ci comprend immédiatement la situation, dit à Allaire d allumer les feux et donne l'ordre au Gueydon d'être prêt a marcher le plus vite possible. La nuit tombait, il n'y avait pas un instant te perdre. En une heure cinq minutes, nous sommes prêts et défilons au milieu des rochers a toute vitesse». Au bout d'une
demi-heure nom apercevons une chaloupe, puis une jonque, puis différentes embarcations du Sully, toutes chargées de monde.

Nous les recueillons et apprenons que Le Sully est évacué tout le personnel épars sur des rochers, rien faire pour le bateau, qui est échoué à 13 milles de là, et qui est perdu; urgent de sauver le monde avant la nuit. Nous continuons à toute vitesse, et ne tardons pas à apercevoir la lugubre épave : le bateau, donnant une forte bande sur bâbord, a son gaillard d'avant sous l'eau, et l'hélice tribord derrière hors de l'eau il parait empalé sur une aiguille de corail par le milieu. La nuit nous empêche d'avancer nous mouillons à un mille du Sully par brume et nous envoyons tous nos canots explorer les roches et recueillir le monde 
Enfin, vers 10 heures du soir, l'appel général est fait tout le monde est sauvé! Un miracle, car, à la première secousse ressentie, le bateau s'était tellement enfoncé que toutes les portes étanches avaient dû être fermées immédiatement comment pouvait on espérer que tout le personnel des fonds, soutiers et mécaniciens, eût eu le temps de ne pas voir les portes se fermer sur lui ? Depuis ce soir la, c'est un travail d'en fer. A chaque instant, on craint que le bateau ne se casse en deux (le pont supérieur est déjà déchiré), et on débarque tout le matériel possible.


Dans ce triste accident, tous les officiers et équipages ont fait preuve d'un dévouement remarquable. Aucune panique; l'ordre le plus parfait a régné pendant le sauvetage.


Guiberteau a la chance inouïe que le rocher n'est pas marqué sur la carte de sorte qu'il en sortira blanc comme neige. Il avait déjà failli fourrer le Sully au sec si souvent que l'échouage » était devenu un sujet de conversation constant au carré. Tout le monde s'y attendait également dans l'escadre des officiers l'avaient même répété à l'amiral. Bien plus, tous les officiers du Sally avaient prévu un code de signaux télégraphiques pour leurs familles leur première pensée avait été de prendre le mot avenir pour signifier "Sully échoué, tout le monde sauvé".


Vous comprenez quel surmenage en ce moment pour nous: débarquement du matériel, explorations au scaphandre, service   la présence de 1.200 hommes à bord, service de garde armée la nuit pour empêcher les jonques de pirater le bateau, etc. Nous sommes tous sur les dents. Et puis, quelle tristesse, quelle rage de voir ce pauvre beau bateau chaque jour s'affaisse davantage et chaque jour s'ouvrir un peu plus. Comme je vous l'ai dit, il est fichu. On a télégraphié à Hong Kong, où siège une puissante compagnie danoise pour le renflouage des bateaux; mais rien ne vient: tout son matériel est en ce moment à Port-Arthur, en train de repêcher la flotte russe pour le compte des Japonais. Et, chaque matin, de sinistres craquements font évacuer précipitamment le bateau, annonçant la catastrophe imminente. En admettant qu'on le retire jamais, la coque est tellement déchiquetée, la roche a tellement disloqué les machines et tordu tout le bâtiment que jamais on n'en pourra rien faire. Après de telles révélations, d'une évidence absolue, ajoute le Figaro, les versions officielles, les résultats des enquêtes officielles sont de peu de poids. Elle n'empêcheront pas la vérité d'être telle que la voilà exprimée à la fois sans parti pris et sans timidité.

André Nédk.

Le récit d'un marin rennais


Un moment fatal. Un moment d'affolement. -̃ Sauve qui peut Sur le rocher. 

Après l'échouage


D'autre part, voici le récit de l'accident tel qu'il est rapporté à ses parents, qui veulent bien nous communiquer ce récit, par un jeune marin de Rennes qui fait partie de l'équipage du Sully. Nous respectons le style qui donne une rare impression de chose vécue.

Baie d'Along, près Hong Haï (Tonkin), 15 février.

Chers parents,



Dans ma lettre datée du 6 février je vous disais que le lendemain 7 on devait aller à Tourane mais ayant eu contre ordre on a appareillé pour faire les tirs de canons au tube et exercices de torpilles. Malgré le mauvais temps et la brume tout alla à peu près bien jusque vers deux heures, à 2 heures précises. on relève l'ancre car on avait mouillé pour le dîner et aussi à cause de la brume. 

Sitôt l'ancre à bord on nous fait rompre les rangs d'appareillage et les torpilleurs se préparent, A 2 h. 25 ou regarde lancer la première torpille, 2 h. 35 paré lancer une autre, mais le canot a vapeur qui remorquait les buts ayant passé trop vite, il revire de bord. A 2 h. 45 heure fatale le commandant commande de faire 70 tours au Sully les mécaniciens exécutent et à 2 h, 47 un premier choc, terrible, manque de chavirer à terre tout le monde puis un deuxième plus fort et un troisième la Sully a monté d'un coup, puis il me couche sur tribord (droite) et revenant pour y rester sur bâbord (gauche) il s'y couche à tel point que c'est à peine si à quatre pattes on pouvait marcher sur le pont. (70 tours de la machine font une vitesse de 12 noeuds forts.)


Aussitôt les clairons, tambours, et tous les chefs commandent d'aller fermer les portes étanches, mais hélas pour beaucoup de ces portes il était trop tard et avec la pression elles défonçaient; le personnel mécanicien a eu juste le temps de se sauver car les machines étant tout pression, les tuyautages éclataient. La cambuse a été inondée et du même coup l'infirmerie, et en un mot le navire jusqu'au milieu sur sa longueur et rempli jusqu'aux trois quarts de sa hauteur. En ce moment beaucoup ne sont affolés, ce qui a amené beaucoup de désordre car en entendant les autres crier, plusieurs se sauvaient du fait d'entendre ces cris. Surtout ce qui m'a déplu le plus là-dedans cest que tous ceux qui se sauvaient était jeunes ou rengagés et c'est eux qui auraient dû montrer l'exemple. Quand on a amené la grande chaloupe et que le petit vapeur a été accosté, c'était premier pour les malades, maie les valides, au lieu de les porter, pilaient ou montaient dessus. Puis on les a emmenés à terre.

On amenait la dernière embarcation quand un chef demanda si l'on avait ouvert aux hommes punis on ne se le rappelait plus, aussi on y court à deux et on leur ouvre. Tu parles de les voir enjamber l'escalier. Ah I j'en riais comme beaucoup d'autres.

Arrivés sur le pont le commandant dit aux officiers de conserver leur sang-froid et de faire l'appel de rocher en rocher et pour le moment de quitter le bord eux -même et criant de toutes ses forces « Sauve qui peut.Tirez les coups d'alarme" 


Aussitôt un coup de canon part, puis un autre, tous sautent dans les embarcations et taillent de l'avant sur les rochers. Mais notre baleinière chargée comme elle était et avec la mer houleuse n'alla pas loin. Sitôt qu'on eût quitté l'abri du bateau une lame sourde ne lève et nous "capoalle" tous à l'eau. Deux autres embarcations en font autant plus loin. Aussitôt croche n'importe quoi, avirons. gaffes, planches, bancs et nage à la cote mais il y a loin. Enfin on y arrivait tour et pas moyen de monter sur les cailloux; je peux dire que c'est là que je me suis leull, pas peur mais mal l'aise quand même. 
Je défais comme je peux mes souliers, je tire ma vareuse et réussis monter, seulement les genoux, les mains, les jambes en sang, ce dont je ne me sentais guère sur le moment, et saute vivement donner la main aux autres. On fait l'appel et personne ne manquait heureusement. 

Le sauvetage


Le canot à vapeur et une vedette partirent ensuite à Hong-Hay prévenir le D'Assas et le Gueydon. Pendant ce temps, on grelottait tout trempé sur les rochers, parlant de France où t'en saurait cette triste nouvelle. Jusque huit heures le soir, on n'avait rien vu, mais en ce moment apparaissent le Gueydon et le D'Assas, aussi vous parlez d'entendre des cris. Ou nous fait embarquer tous à bord du Gueydon, dont le commandant dit aux hommes de prêter quelques effets à chacun; heureusement pour moi que j'avais des copains, car beaucoup en prêtant leurs effets grommelaient; ce qui prouve que la fraternité n'existe guère dans la marine. Je crois que si ce serait moi, je les aurais donnés volontiers pour faire plaisir et pour les réchauffer. Ensuite, on a mangé, etc. et à se coucher qui n'est de quart vers minuit, branle-bas pour ceux du Sully, une partie dans les canots et l'autre dans les jonques et vapeurs. Je peux dire et me souviendrai longtemps que j'y ai eu froid, avec revolver et mousqueton chargés, tout ça à cause des pirates de Chinois mais de l'humour que j'étais, s'il en était approché un, je ne le manquais pas. Toutes les nuits depuis. on est de quart quatre heures. et turbiner comme des chameaux pendant le jour à sauver les meublés, des effets, le matériel, etc., débarquer les canons.

Aujourd'hui, ce matin, puisqu'il est minuit et demi, ou va décharger le charbon si l'on peut, les cordages de soutes. et dans l'eau toujours on est plus de deux cents qui avons passé la nuit. Depuis, on ne reconnaît personne on nous dit que c'est pour tirer au flanc. On a fait venir vingt scaphandriers de Saigon et d'autres de Hong-Kong. Et moi j'ai espoir qu'il se lèvera de la ; il y mettra le temps, mais on réussira par le renflouer. C'est comme pour mon sac, j'ai réussi à le sauver, Mais non sans peine, car, par deux fois, j'ai plongé sans succès. J'allais le laisser, quand deux autres se réunissant moi, on a réussi à casser le cadenas qui tenait des caissons mes effets de drap bleu sont perdus par l'huile et l'eau de mer, mais le reste est bon moi qui croyais pouvoir finir payer mon sac le mois prochain j'en reprendrai encore pour 60 francs au moins.

J'ai perdu ma boite où il y avait cinq paquets de tabac pour mon mois, mon livre de messe et un tas de petits trucs etc. une vareuse, un morceau de savon et un bleu de chauffe. Toute ma fortune une piastre en papier (45 sous fiançais), je l'ai perdue; heureusement, j'ai trouvé quelques  petits morceaux du savon pour finir le mois. Le tabac, presque tous l'ont perdu aussi pige si quand on peut en avoir une, ou la fume ras.

Je vous dirais bien autre chose, mais je n'en finirais plus et puis j'ai envie de dormir, car je suis obligé de vous écrire cette lettre par trois fois et la nuit autrement, on n'a pas une minute.

Tu parles si l'amiral et le commandant sont tristes, car je crois que le rocher où la Sully a coulé est marqué sur la carte.

A propos, si jamais l'on venait à faire un supplément sur le Naufrage du Sully, je serais content que tu me l'enverrais, maman.


Le Sully cale 8 m. 50 d'eau et où il est échoué il n'y a que 6 m. 62 en mer haute mais, ce qu'il y a de malheureux, aussi qu'il se fend par le milieu il y à même des endroits où l'on peut mettre un couteau entier.

Je suis sauvé ainsi que tous, c'est le principal, et je ne suis pas malade. Qu'il coule ou qu'ils te renflouent, je m'en fiche main- tenant, car tout le mal qu'il nous fait avoir ne nous plait guère.

Source

BNF Gallica

Ecole navale

L'Ouest-Eclair

Le petit Parisien

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