Le 21 avril 1916, il quitte Haiphong avec à son bord les 1320 hommes du 13ème Bataillon de Tirailleurs Indochinois, il arrive à Marseille le 23 mai. Le 31 août 1916, il embarque à Saigon 1070 hommes du 14ème Bataillon de Tirailleurs Indochinois. Arrivée à Marseille le 5 octobre.
Parti de Marseille pour Yokohama le 29 octobre 1916, il en repart le 26 décembre, embarquant à Hong Kong 950 coolies chinois, et à Djibouti 850 tirailleurs... Il n'arrivera jamais à Marseille.
Rapport sur le torpillage de l'Athos
Le lieutenant de vaisseau Traub (M.-E.-F.), commandant du torpilleur d’escadre Enseigne-Henry, à Monsieur le Capitaine de frégate, commandant la 2e escadrille de torpilleurs.
Commandant,
Conformément aux ordres de Monsieur le Capitaine de frégate, commandant la Provence-IV, j’ai appareillé de Milo, le 16 février, à 5 h du matin, sous les ordres du commandant du Mameluck, pour me rendre à La Sude prendre avec lui l’escorte du paquebot Athos.
Fort frais de N. ¼ N.-E., mer grosse. A 12 h 20, je mouillai en rade de La Sude. Je quittai cette rade le même jour à 15 h, avec le Mameluck, pour aller prendre au large l’escorte de l’Athos. Ce bâtiment devait primitivement rentrer à La Sude vers 11 h du matin ; mais, retardé par le mauvais temps et abandonné pour cette raison par son escorte anglaise, il avait signalé son arrivée vers 16 h au large de l’entrée.
A 16 h 05, nous prenions l’Athos en escorte à 5 milles environ dans le Nord du cap Dripano et gardions route à 13 noeuds sur le canal de Cerigotto.
Je pris poste à bâbord de l’Athos, à 700 mètres, relevant sa passerelle à 10° sur l’arrière du travers. Je me tins à cette position jusqu’à la nuit. Je repris ce poste le lendemain matin au petit jour et le conservai jusqu’au moment où l’Athos fut torpillé.
Dès que nous eûmes franchi le canal de Cerigotto, la mer tomba et, le 17 dans la matinée, il faisait calme ; visibilité bonne.
Le 17, à 9 h 25, par 35°25 et 19°20 E. Greenwich, nous croisâmes par tribord, à 5 ou 6 milles par le travers, un quatre-mâts goélette dont la nationalité ne put être distinguée. Il me parut être un des voiliers américains que j’avais vus précédemment dans le port du Pirée. Je crois devoir vous signaler cette rencontre, bien que je ne pense pas qu’il y ait lieu d’établir une corrélation entre elle et le torpillage de l’Athos qui se produisit à 40 milles plus loin.
A 12 h 27, par 35°22 et 18°32 Est Greenwich, je perçus le bruit d’une explosion assez forte et un peu sourde, ressemblant à un coup de canon de petit calibre tiré à quelque distance. J’étais à ce moment à bâbord de ma passerelle, surveillant l’extérieur. Je crus d’abord que le Mameluck avait tiré sur un sous-marin, mais, ayant immédiatement regardé l’Athos, je vis l’eau provenant de la gerbe due à l’explosion de la torpille s’écouler en nappe le long du bord. L’Athos venait d’être torpillé par bâbord arrière, sous les poulaines de l’équipage, à une vingtaine de mètres de l’arrière.
Je mis immédiatement la barre toute à gauche, différenciai mes machines et pris route à toute vitesse sur le point probable où se trouvait le sous-marin, prêt à mettre en action tous mes moyens offensifs : torpille, grenades et canon. En même temps, je mettais nos embarcations en dehors, prêtes à être amenées pour le sauvetage des naufragés. Je ne vis absolument rien. Après avoir couru pendant quelques minutes sur différents sillages, dus probablement à l’Athos et à l’Enseigne-Henry, j’abandonnai la chasse et commençai les opérations de sauvetage. Il n’y avait alors à l’eau que quelques hommes qui, dès l’explosion, s’étaient jetés à la mer.
A 12 h 37, j’amenai ma baleinière près d’un petit groupe, à 12 h 40, mon youyou auprès d’un autre. Je donnai ordre à mes embarcations de ramasser tous les survivants, d’ailleurs peu nombreux, qu’elles trouveraient en ces points puis de se diriger sur l’Athos en recueillant au passage tous ceux qu’elles rencontreraient et mis en marche à toute vitesse vers l’Athos. Celui-ci avait couru sur son erre et se trouvait à 1 ou 2 milles du point où il avait été torpillé. Il avait d’abord donné une légère bande à bâbord, puis s’était redressé et s’enfonçait très lentement par l’arrière.
A 12 h 40, il commença à se mâter et, à 12 h 41, il s’enfonçait verticalement et disparaissait.
A 12 h 44, j’amenai mes deux berthons sur le bord de la zone des épaves.
A 12 h 48, je stoppai au milieu des embarcations et des radeaux et manoeuvrai pour ramasser du bord les gens qui se trouvaient à l’eau, en presque totalité des sénégalais et des chinois. Il n’étaient d’ailleurs pas en très grand nombre et furent très rapidement ramassés directement du bord dans la région où je me trouvais, ou recueillis par les embarcations que je renvoyais au fur et à mesure, une fois déchargées. J’estime que vers 13 h 05, il n’y avait plus personne dans l’eau.
J’avais complété les armements de quelques embarcations de l’Athos avec le personnel que j’avais disponible, c’est-à-dire le quart de chauffeurs et de mécaniciens non de service, sous la direction du 1er Maître mécanicien. Mr l’Enseigne de vaisseau de 2e classe de Verdelhan des Molles, sur la brillante conduite duquel j’aurai à revenir, avait pris place dans un berthon afin de transmettre mes ordres aux embarcations et de les diriger.
A 13 h 20, je mis en marche et fis route sur un sillage qui m’avait été signalé. Je tirai trois coups de canon, obus A.
A 13 h 25, je stoppai de nouveau au milieu des embarcations.
A 13 h 32, ayant environ 600 personnes à bord (614 après pointage à l’arrivée) et ne pouvant plus en prendre d’autres, je décidai de protéger les opérations du Mameluck qui avait encore quelques radeaux non déchargés près de lui, et remis en marche. Je commençai en même temps à mettre un peu d’ordre à bord et à répartir le personnel entre les postes, appartements, machines, chaufferies et soutes à charbon.
Je communiquai avec le Mameluck et il fut décidé que nous prendrions chacun la moitié des embarcations à la remorque. Je revins à 13 h 48 près des embarcations, stoppai près d’elles et leur donnai l’ordre de se grouper et de se prendre mutuellement à la remorque. Puis j’allai explorer la zone des épaves jusqu’au point origine et m’assurai qu’il n’y avait aucun survivant oublié.
A 14 h 07, je pris cinq embarcations à la remorque et mis en route à 3 nœuds ; mais les remorques cassèrent successivement et les points d’attache cédèrent. Il fallut après plusieurs tentatives renoncer à tout remorquage. Le commandant du Mameluck, qui s’était trouvé aux prises avec les mêmes difficultés, m’informa alors que nous restions à garder les embarcations jusqu’à l’arrivée de la Baliste et de la Moqueuse qui avaient annoncé leur ralliement.
De 14 h 28 à la nuit, je fis des routes diverses à 13 nœuds autour des embarcations. A 17 h, les embarcations me signalèrent qu’elles avaient des blessés. J’attendis le coucher du soleil et, à 17 h 45, j’amenai ma baleinière et les recueillis. Puis je donnai ordre aux embarcations, commandées par le second de l’Athos et sept hommes du quartier-maître de l’Enseigne-Henry, de se grouper et d’allumer leurs fanaux afin de faciliter leur repérage. Je pris ensuite la ligne de file derrière le Mameluck.
Nous restâmes croiser Nord-Sud près des embarcations jusqu’à l’arrivée de la Baliste, vers 20 h 30.
A 22 h, la Moqueuse rallia. Je lui donnai ordre de m’accoster afin d’opérer le transbordement d’une partie de mon personnel. J’estimai en effet, puisque la Moqueuse était là, qu’il était plus prudent d’évacuer environ 200 hommes. Toutes les apparences semblaient présager un changement de temps, le baromètre baissait légèrement, la brise passait à l’O.-S.-O. et l’horizon était chargé dans l’Ouest. J’étais en outre à 210 milles de La Valette.
La Moqueuse m’accosta à 22 h 35 et me quitta à 22 h 48, ayant près de 255 survivants.
Je fis route aussitôt à 15 nœuds 5 sur La Valette où j’arrivai le 18 à 12 h 47.
De l’enquête forcément un peu sommaire à laquelle j’ai pu procéder, il semble résulter que la torpille, lancée à 1000 ou 1200 mètres, a frappé sous une inclinaison d’environ 45° sur l’arrière du travers. S’il en est bien ainsi, en admettant 35 nœuds comme vitesse de la torpille, celle-ci aurait été lancée à 450 mètres environ sur l’arrière de l’Enseigne-Henry. Son sillage n’a été vu par personne à mon bord. Je n’ai à aucun moment vu le sous-marin. J’ai ouvert le feu, par acquis de conscience, sur un sillage problématique. Je n’ai pas jugé devoir lancer de grenades au hasard, étant donné mon très faible approvisionnement de ces engins ; je n’en possède en effet que quatre, nombre réglementaire, deux simples et deux jumelées. J’ai estimé devoir les garder pour le cas où j’apercevrais, ne fût-ce qu’un instant, le périscope ou un sillage certain.
Les opérations de mise à l’eau des radeaux et des embarcations paraissent avoir été faites, à bord de l’Athos, avec le plus grand ordre. Tous les survivants que j’avais à mon bord avaient un moral excellent ; ils m’ont donné l’impression qu’il n’y avait pas eu de panique. Je crois devoir cependant signaler qu’une assez grande quantité de radeaux n’ont pas été utilisés ; ils flottaient vides d’occupants.
Le commandant de l’Athos, le capitaine au long cour Dorise, n’a quitté son bord qu’au moment où le bâtiment sombrait ; il a été atteint à la tête par l’une des cheminées. Il a été sauvé, ainsi que Mr le Contrôleur des services maritimes Maurel, par Mr l’Enseigne de vaisseau de 2e classe de Verdelhan des Molles qui, tout habillé et sans ceinture de sauvetage, s’est jeté à l’eau de son berthon pour les aider à atteindre un radeau puis une embarcation. Le commandant de l’Athos, pris de congestion, s’était évanoui dans l’eau ; recueilli à mon bord, il n’a pu être rappelé à la vie et a expiré quelques instants après son arrivée, vers 12 h 55. J’ai conservé son corps et l’ai ramené à La Valette. L’Athos avait pu, avant de couler, lancer un S.O.S. ; j’ai fait le même signal à 12 h 50 et l’ai renouvelé à 14 h 30 en le rectifiant, la première position étant éloignée de 7 milles.
A 12 h 55, j’ai reçu de l’Asie en clair le signal suivant : « Devons-nous nous diriger sur les lieux ? », auquel j’ai naturellement répondu : « Non ». Je crois devoir vous signaler ce fait qui semble indiquer que les commandants des bâtiments de commerce n’ont pas encore bien compris les dangers auxquels ils s’exposent en émettant des signaux et en venant au secours de bâtiments torpillés. Je dois également vous informer que, vers 16 h, ma vigie m’a signalé un vapeur en vue vers le N.-O ; ce navire n’avait pas, en admettant qu’il fut muni de T.S.F., appliqué assez largement les règles de déroutement.
J’avais pu recueillir à bord de l’Enseigne-Henry :
- Femmes…………………………………......................... 20
- Enfants……………………………………......................... 6
- Femmes de chambre………………………..................2
- Passagers civils……………………………...................18
- Marins de l’Etat permissionnaires……..............22
- Officiers de l’Athos…………………………..................5
- Officiers et adjudants…………………….................17
- Militaires européens……………………….................24
- Equipage de l’Athos……………………….................35
- Boys annamites……………………………...................11
- Tirailleurs sénégalais……………………................132
- Chinois……………………………………….......................39
- Blessés………………………………………......................28
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359
+ Transbordés sur la Moqueuse 255
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Total : 614
Mon second, Mr l’Enseigne de vaisseau de 2e classe Hue, m’ayant demandé de faire sortir les couleurs, cette cérémonie fut l’occasion d’une manifestation qui, après les heures dramatiques de la journée, fut émotionnante et non sans grandeur : tous les survivants, debout sur le pont et découverts, saluèrent le pavillon de trois cris de « Vive la France ! » et de trois hourras.
Je vais en terminant, Commandant, rendre hommage au calme, au sang-froid, à l’entrain et à l’absolu dévouement dont tous, officiers et équipage de l’Enseigne-Henry, ont fait preuve au cours de ces tragiques évènements.
Signé : Marcel Traub.
sources: