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19 décembre 2021

Espionnage dans les ports - Ouest-Eclair Ouest France 1922 -

Moustaches et grandes oreilles  
La collecte des informations

Je reprends quelques articles du journal Ouest-France qui revient sur des événements des années 1920 dans les ports français mais qui évoquent aussi la "pêche" par les chalutiers russes...

L’affaire est sérieuse et l’heure est grave. L’article à la une de L'Ouest-Eclair le 5 mai 1922, couvre une large part de la page. Avec ce gros titre d’un autre temps : Les Soviets avaient organisé en France et surtout dans nos ports un vaste réseau d’espionnage​. Il s’était déployé un peu partout, à tel point que sept parquets sont saisis et une vingtaine de commissions rogatoires sont ouvertes afin de prolonger les enquêtes.

De quoi s’agit-il ? Des documents confidentiels concernant les installations miliaires françaises ont été dérobés avec, sans doute, la complicité de militants communistes. Et la Marine nationale a été particulièrement visée. Ces précieux renseignements, précise l’Ouest-Eclair, concernaient la construction des sous-marins, les navires en chantier, les mouvements d’escadres, l’augmentation ou la diminution des forces maritimes, les emplacements de dépôts d’armes, les stocks d’explosifs​.
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Le début de l’affaire remonte à plusieurs mois. Vers le milieu de février, une indication troublante parvint au ministère de la Marine. Le commissaire de surveillance d’un de nos grands ports avertissait le service de renseignements que, dans un arsenal de sa circonscription, plusieurs documents secrets intéressant nos constructions maritimes avaient disparu​, précise le journal.
Les ports de Brest et de Lorient visés

Dans l’Ouest, les ports militaires de Brest et de Lorient ont été visés mais aussi des arsenaux de la région parisienne. L’enquête aurait déjà permis d’établir que les renseignements transitaient par Berlin avant de filer à Moscou. Déjà, trois arrestations ont eu lieu. Le réseau prévoyait aussi de récupérer puis de transmettre des renseignements concernant les mouvements de l’escadre de la Méditerranée à l’occasion d’un voyage prochain du président de la République, Alexandre Millerand.


La une de l'Ouest-Eclair du 5 mai 1922 est largement occupée par la révélation d'une affaire d'espionnage au profit de l'URSS.

C’était il y a un siècle, mais il suffit aujourd’hui de demander à quelques anciens de la Marine nationale  d’ouvrir leur album à souvenirs pour mesurer combien l'URSS a toujours été bien curieuse à l’égard des bâtiments français. Cet ancien adjoint au commissaire de bord du porte-avions Clémenceau se souvient d’exercices entre alliés au début de l’année 1973, en Atlantique au large du Portugal.



Nous avons vu arriver les chalutiers russes avec leurs grandes antennes. Nous avons compris qu’ils allaient nous accompagner. Ils ne se cachaient pas. On ne les voyait jamais pêcher​, se souvient-il. Gilles, un ancien appelé, à bord de l’Arromanches, a participé aussi à des manœuvres avec des bâtiments américains. Le risque d’une présence de bateaux russes pour être aux premières loges était réel. Aussi, raconte-t-il, on nous demandait à bord de doubler les veilles et d’ouvrir les yeux.

« Les Russes à la conquête des mers »


Eric, un autre ancien de la Royale, alors matelot sur le Beautemps-Beaupré (bâtiment hydrographique chargé de relevés des fonds marins), n’a pas oublié cette escale à Dakar (Sénégal) au début des années 1960. Un chalutier soviétique accoste. À bord de ce navire, il ne devait avoir comme poisson que celui dans les congélateurs. Le navire débordait de matériel n’ayant rien à voir avec la pêche, mais avec l’espionnage. La mâture le prouvait​, détaille-t-il.

Échange habituel entre marins, quel que soit l’uniforme, le capitaine soviétique est invité à déjeuner par le commandant du Beautemps-Beaupré. Avec au programme une visite du bâtiment. Par précaution, au PC radio, les indicateurs de fréquences et les codes avaient été recouverts. Le capitaine soviétique a alors souri. Il a dit qu’il connaissait déjà tout cela. Il avait aussi les noms de membres d’équipage​, se souvient l’ancien marin.

« Au large de Mururoa (le centre des essais nucléaires dans le Pacifique), nous avons eu droit au coup du sous-marin russe en panne et du pseudo-chalutier russe qui venait à son secours »​, raconte encore cet ancien de la Royale.

Les Russes à la conquête des mers​, titrait ainsi Ouest-France. C’était dans l’édition du 15 avril 1971. L’article estimait que la conquête des océans sera la grande affaire en l’an 2000​. Une prévision largement confirmée.

Une très grave affaire Les Soviets avaient organisé en France et surtout dans nos ports de guerre un vaste réseau d'espionnage A l'heure actuelle, sept parquets sont saisis.

Trois arrestations ont été opérées, dont celle du secrétaire du parti communiste à Ivry

 PARIS, 4 mai. La Sûreté générale vient de découvrir, après de patientes recherches, qui s'échelonnent sur plusieurs mois, l'existence en France d'une organisation extrêmement importante, qui pratiquait l'espionnage au profit du Gouvernement des Soviets.

Les membres de cette association criminelle opéraient dans nos ports de guerre, dans nos arsenaux et dans divers établissements de l'Etat.

Des documents disparaissent

Vers le milieu de février dernier une indication troublante parvint au Ministère de la Marine. Le Commissaire de surveillance d'un de nos grands ports avertissait le service de renseignements que, dans un arsenal de sa circonscription plusieurs documents secrets intéressant nos constructions maritimes avaient disparu.

Quelques semaines plus tard, nouvelle alerte, on signalait d'une poudrière du centre de la France, à la Sûreté générale cette fois, que des circulaires confidentielles avaient été distraites d'un dossier.

En même temps que l'autorité militaire prescrivait une surveillance plus sévère dans tous les établissements travaillant pour la guerre, la Sûreté générale recherchait, dans les milieux communistes actifs, si certains affiliés plus particulièrement signalés comme suspects n'étaient pas en relations avec des ouvriers. travaillant dans ces établissements. Ces recherches devaient être couronnées-de succès. '"̃

Une « babillarde. » trop indiscrète

En effet: une correspondance venant de .province et adressée au .secrétaire d'un eroû" pement-libertaire de banlieue avant été interceptée, on trouva dans la lettre, outre diverses indications écrites dans un langage conventionnel, le plan d'une des plus importantes poudrières françaises.

L'enquête ordonnée dans les ports donnait en effet des résultats inattendus. Ce n'était plus seulement des actes isolés de quelques communistes que l'on découvrait presque quotidiennement, mais des manifestations coordonnées et méthodiques d'une redoutable et mystérieuse organisation. Une documentation abondante concernant l'état de notre marine, la construction des sous-marins, nos stocks matières premières, etc.. était livrée à intervalles réguliers aux agents des Soviets en France.



Sur l'ordre de ceux-ci, des individus à leur solde transmettaient fidèlement à Moscou tous les renseignements d'ordre maritime et militaire, ainsi que toutes les précisions désirables sur l'état d'esprit du personnel.

De Brest, de Lorient, de Toulon à Moscou, via Berlin


Des embryons de centres d'espionnage existaient à Brest, Lorient, Toulon, dans des poudrières du Centre, dans des arsenaux voisins de Paris-; des a courriers » faisaient la navette entre ces divers points et Berlin.

De la capitale allemande, les renseignements confidentiels étaient transmis à Moscou. mais, peut-être, les nouveaux alliés des Soviets en tiraient-ils parti auparavant. A cOté de l'espionnage caractérisé, les agents de Moscou faisaient une très active propagande bolcheviste excitant les ouvriers au sabotage, les marins à l'insoumission. Ils préparaient des mutineries' qui auraient éclaté, espéraient-ils, au premier signal. Sept Parquets sont saisis



l'heure actuelle sept parquets informent eu France sur cette grave affaire. Des Commissions rogatoires au nombre de près de ont été envoyées sur les divers points du territoire. On voit l'extension qu'est appelée à prendre l'action judiciaire.

On sait déjà que trois arrestations seulement ont été opérées jusqu'ici. Il serait peutêtre plus vrai de dire « connues jusqu'à présent », car il est probable, que déjà en Province, dans les ports notamment, les individus sur lesquels pèsent les soupçons les plus graves, sont gardés à vue, sinon appréhendes.

D'ailleurs les arrestations opérées à Paris et qui ont été annoncées, hier soir, *emontent elles-mêmes à plusieurs jours mais on les avait tenues secrètes pour que des divulgations prématurées n'entravassent pas les opérations en cours.

La dernière de Bettemps

Ces précautions n'étaient pas inutiles, puisque, dans la nuit de Vendredi à samedi, alors que François Bettemps était déjà arrêté, mais que ses amis ignoraient encore son incarcération, un personnage mystérieux vint, sans être vu ni entendu de personne, clisser sous la porte de sa chambre, une lettre sur laquelle étaient tracés ces simples morts « Ne va pas où tu sais, c'est dangereux

Les 5 agents des Soviets ont, cet incident le prouve, un service de contre surveillance, dont le but est de déjouer les recherches de la police.

Les derniers renseignements que Bettemps s'apprêtait à transmettre au moment de son arrestation avaient trait aux mouvements de l'escadre de la Méditerranée, l'occasion du voyage du Président de la République en Algérie.

Il les avait reçus, jeudi, de Toulon, par un courrier spécial et devait les communiquer vendredi, à Gène..

Quel était le destinataire T Dans quel but ces renseignements étaient-ils demandés î L'enquête l'établira bientôt.

Ajoutons que Coudon, un des individus arrêtés, a été élu conseiller municipal aux rérentes élections complémentaires, qui ont eu lieu à Ivry-Port. Il est secrétaire du parti communiste de cette localité.

A Brest

Les faits ci-dessus ont eu, à Brest, une répercussion très vive.

Il y a plusieurs mois qu'une enquête très discrète est menée à Brest par l'autorité ma- 1 ritime, sur les agissements suspects de communistes attachés comme ouvriers à l'Arsenal, aux Etablissements du port ou aux Chantiers navals.

A Brest, comme dans plusieurs autres ports, des fuites.. très graves se sont, en effet, produites ces derniers temps, et on a la conviction, dans les milieux maritimes, que les documents secrets et confidentiels qui ont disparu à diverses reprises, ont été. par l'organe de communistes français, livrés aux Soviets.

D'une part, les renseignements étaient d'ordre purement technique navires en chantier, mouvements d'escadres, état des constructions, augmentation ou diminution des forces maritimes d'autres pouvaient avoir un but politique, tels que désignation des emplacements de dépôt d'armes, stocks d'explosifs, etc. afin de s'en emparer le cas échéant, à l'occasion d'une tentative révolutionnaire.

Le communisme vu par le journal Le Pélerin
N° 2514 de 1925
Les listes noires

Les derniers, enfin, étaient de véritables listes civiles et militaires sur lesquelles figuraient les noms des officiers chefs d'ateliers. commandants de groupe, ainsi que des statistiques établissant le nombre des unités susceptibles d'adhérer à. un mouvement bolcheviste ».

A ces chiffres étaient joints des rapports sur le moral des marins et des ouvriers et les indications sur les mesures prises par les autorités maritimes pour combattre la propagande soviétique.

Le bruit a couru ici que, récemment, de graves sabotages auraient été découverts dans les chantiers navals.

Il est certain, en tout cas que le sabotage était quotidiennement conseillé aux ouvriers par certains -meneurs, dont plusieurs sont compromis dans l'affaire actuelle.

Diverses perquisitions ont été effectuées. ces jours derniers, dans les milieux communistes et anarchistes.

On avait d'abord cru qu'elles se rattachaient à l'agitation du premier mai, mais on sait aujourd'hui qu'elles avaient un tout autre but. Elles ont été, dit-on, particulière-'ment fructueuses et elles ce tarderont pas à6 provoquer de nombreuses inculpations et arrestations, si ce n'est déjà fait.

Sources

Ouest-France
Ouest-Eclair

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