Nos Soldats AU MAROC
ILS N'ONT JAMAIS COMMIS DE CRUAUTÉS
affirme le Général d'Amade On se rappelle les termes dans lesquels M. Jaurès, le 27 mars dernier, Avait posé au gouvernement, dans sa dernière interpellation sur le Maroc, Ia question de savoir dans quelle mesure il fallait tenir pour exact le récit publié par un journal du matin, d'après un télégramme d'un correspondant, de prétendus massacres de femmes et d'enfants commis le 15 mars par nos colonnes du corps expéditionnaire, que commande le général d'Amade.
Mr Jaurès, retenant au moins certaines des accusations de ce journal, avait accusé le commandement d'avoir lancé avec légèreté dans un assaut à la baïonnette des troupes énervées par un combat et par des marches poursuivies dans des conditions particulièrement pénibles. Mr Clemenceau, président du Conseil, opposa séance tenante un démenti formel au récit publié. Il s'engagea, en outre, à demander au général d'Amade 1-un premier rapport, par voie télégraphique 2- Un second rapport, détaillé et circonstancié, sur les faits énoncés par M. Jaurès, et sur tout ce qui pouvait s'y rapporter. Nous avons donné en son temps le premier de ces rapports. Le ministre de la Guerre a communiqué hier le second.
Le rapport est daté de Casablanca, 29 mars. Le général d'Amade débute en expliquant sous quelles conditions il fut amené à réoccuper Settat, qu'on avait abandonné une première fois. Le 13 mars, il avait établi ses bivouacs au Sud de la ville et reçu par l'intermédiaire d'un M. Vaffier-Polet les propositions d'armistice de Mouley-Hafid, propositions qui se présentaient dans de telles conditions qu'elles ne pouvaient qu'exciter la plus profonde méfiance. Contre l'ermite Bou-Nouala
Sans tenir compte de ces démarches, le général d'Amade donne, le 14 mars, l'ordre d'avancer dans la direction de la kasbah des Ouled-Saïd. Le 15, dans la matinée, il décide de as porter vers la Zaoula-Sil-el-Ourimi, où un ermite du nom de Mohammed-ben-Abdalla, sumommé Bou-Nouala, avait formé des rassemblements avec les contingents des tribus qui évacuaient le territoire devant nos colonnes.
La matinée da 15 mars fut occupée par des pourparlers qui n'aboutirent pas davantage, si bien qu'à deux heures et quart les colonnes se mirent en mouvement sur la Zaouïa-Sil-el-Ourimi.
Le terrain plat, vider de .constructions et de douars, est coupé par trois étroites arêtes rocheuses, dont les deux premières encadrent la Zaouia et la troisième longe au sud la Mamelon 215,
Le général d'Amale explique comment ses troupes enlevèrent les deux premières arêtes l'infanterie, au moment d'aborder la troisième arête se heurta à une vive fusillade.
A l'assaut des douarsUne fusillade nourrie, écrit le général, s'engage sur la gauche.
L'infanterie s'élance à son tour
La compagnie de gauche du 2e tirailleurs, la compagnie du 1er étranger, le peloton de spahis du lieutenant Indigène Mahiddine envahissent le douar.
J'étais moi-même très courte distance des tinrrailleurs, au moment de l'assaut et j'entrai dans le douar derrière eux. Il comprenait une centaine de tentes disposées sur les taces d'un rectangle dans l'intérieur de ce rectangle, quelques tentes, dont une blanche celle de Bou Nouala. Cette tente était voisine de la face par laquelle le douar avait été abordé.
Des cadavres d'hommes jonchaient le sol principalement aux abords de la tente de Bou Nouala et à la lisière opposée, où nos troupes avaient rencontré une nouvelle résistance.
Les femmes excitaient les guerriers Tout contre la tente de Bou Nouala, des femmes étaient groupées, muettes, les mains tendues. D'autres femmes erraient à travers nos soldats. On en entendait d'autres, en avant pousser encore les you, you par lesquels elles excitent les guerriers au combat. De nombreux troupeaux étaient parqués dans le douar et, à côté, des objets d'ameublement, des ustensiles de toutes sortes étaient épars près des tentes. Il était visible que toute une partie de la population, vivant dans le voisinage immédiat de l'ermite, avait été abusée jusqu'au dernier moment par ses promesses et n'avait pas songé à s'éloigner. Bou Nouala lui-même n'était plus là. Il avait fui, parait-il, peu avant l'entrée des troupes.
Au-delà du douar, un vaste espace vide, emplacement du marché. Ce terrain est coupé par un talus naturel à parois rocheuses. Derrière la talus, des femmes étaient blotties et des tirailleurs embusqués. Légionnaires et tirailleurs se jettent sur cette dernière ligne de défense. Les hommes sont tués à la baïonnette, les femmes celles vraisemblablement dont j'avais entendu les cris de guerre sont respectées comme l'avaient été, dans le douar, les femmes et les enfants.
En passant près de la tente de Bou Nouala, j'avais chargé un officier de mon état-major, le capitaine Delagrange, qui parle l'arabe, de rassembler et de rassurer la population sans armes. Aidé seulement de deux ou trois spahis de mon escorte, cet officier parcourt le douar, pénètre sous les tentes, où se sont réfugiés une partie des défenseurs. Il réunit environ 150 nersonnes. dont une soixantaine d'hommes, fait jeter par ces derniers les cartouches qu'ils détiennent encore et reste avec ce groupe jusqu'au passage de nos dernières troupes.
Les indigènes durent alors s'éloigner avec leurs troupeaux. Ils n'étaient plus là à notre retour.
Au-delà de l'emplacement du marché, d'autres douars se succèdent, moins importants que le premier. Transversalement, une autre ligne de douars de 2 ou 3 kilomètres d'étendue. Par comparaison avec le premier douar, pour lequel les estimation sont à peu près concordantes, j'évalue à 1.500 le nombre de tentes aperçues. Ces tentes étaient encore dressées et meublées, mais sauf dans le premier douar, la population avait fui, emmenant les troupeaux. On n'y voyait plus que quelques défenseurs fuyant devant nos troupes.
Le campement avait été abordé sur un front d'environ un kilomètre. Je fis continuer le mouvement en avant jusqu'à ce que les tirailleurs eussent dépassé la dernière ligne de tentes. A ce moment, six heures quinze, je fis exécuter la sonnerie « halte ». Puis je dictai l'ordre suivant
Pas de pillage.
Aucune razzia, aucun acte de pillage ne sera commis
« La répression consistera dane l'incendie du L'opération est terminée. Les troupes vont regagner le bivouac La colonne de Ber-Recbid et la colonne de Bou-Znika couvriront le mouvement et resteront déployées face a l'ennemi jusqu'à ce qu'elles aient été dépassées de 1.500 mètres par les deux colonnes du même groupe. On marchera en ligne de section par quatre ou en ligne déployée-
Le général recommande, à la traversée des douars, le même ordre et la même tenue que pendant l'action.
Les prescriptions tactiques contenues dans cet ordre ne furent pas exécutées littéralement. Celles relatives il. la discipline furent observées ponctuellement.
Quant à l'incendie, je ne le fis pas porter sur toute l'étendue du vaste campement. Trois a quatre cents tentes turent livrées aux flammes. j'estimai la répression suffisante pour ruiner l'influence de Bou Nouala.
J'entendais, en laissant à ses partisans les troupeaux rencontrés et la plus grande partie des tentes, leur permettre de réoccuper leurs territoires abandonnés et de s'y remettre, comme le font les tribus ou fractions de tribus soumises, aux travaux de la paix.