09 mai 2020

Campagne 1971 - 1972 PH Jeanne d'Arc EE Victor Schoelcher SINGAPOUR

LA CAMPAGNE DE L'ÉCOLE D'APPLICATION - SINGAPOUR








TROIS jours après avoir quitté Surabaya, la « Jeanne-d'Arc » et le « Victor Schœlcher » se présentent le mercredi 16 février au Nord de l'île de Singapour dans le chenal qui la sépare de Johre en Malaisie.


Singapour d'hier


Après avoir accueilli, en même temps que le pilote, le lieutenant-colonel Fouilland, attaché des forces armées et M. Pierre Fontaine, consul de France, les bâtiments s'amarrent dans l'arsenal de l'ancienne base navale anglaise de Sembawang, partagée actuellement entre un quartier civil et l'Anzuk, alliance militaire réunissant l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Malaisie, Singapour et la Grande-Bretagne.





La première matinée, traditionnellement consacrée aux échanges de visites officielles, voit les commandants ne se rendre qu'auprès S.E.M. Marcel Flory, ambassadeur de France. Ce jour est en effet férié pour les Singapourais, à l'occasion du Nouvel An chinois. Pendant ce temps, M. Mallet attaché culturel présente à bord, dans une conférence très documentée, ce petit mais riche Etat de Singapour, devenu indépendant en 1965, après s'être séparé de la Fédération de la Malaysia.

Un déjeuner officiel réunit ensuite, à bord de la « Jeanne d'Arc » les personnalités de l'ambassade de France et les autorités militaires de Singapour, en particulier le colonel Kirparamviz, chef d'état-major des armées et le lieutenant-colonel Aéria, commandant de la Marine. 
et d'aujourd'hui


C'est à ces derniers ainsi qu'à M. Pan Tee Pow, Secrétaire permanent de la défense, que les commandants feront une visite officielle le lendemain matin, 17 février, la première journée se termine par un cocktail dansant qui nous permet d'accueillir la colonie française assez importante de Singapour et des représentants des jeunes armées singapouraises.



Le lendemain 17 février est marqué par les visites officielles et par de nombreuses visites à bord de groupes constitués d'officiers de l'état-major et de la marine à Singapour, le soir, l'ambassadeur reçoit les officiers et une importante délégation de l'équipage à un très agréable cocktail sur la pelouse de sa résidence.



Le 18 février le commandant de la « Jeanne-d'Arc » rencontre l'Amiral Well, commandant l'Anzuk, les officiers élèves visitent le Safti (Singapore Armed Forces Training Institute) et y sont reçus à déjeuner tandis que d'autres groupes d'officiels des armes singapouraises visitent la « Jeanne-d'Arc ». Ces nombreux échanges entre militaires s'achèvent avec un sympathique cocktail en tenue civile offert par le lieutenant-colonel Aéria au mess des officiers de la Marine, dans l'île de Pulau Branié.



Ces réceptions officielles ont été assorties de nombreuses invitations semi-officielles ou privées, notons les dîners offerts par M. Combe, premier Secrétaire de l'Ambassade et par le lieutenant-colonel Fouilland, ainsi que les visites de Singapour suivies de déjeuners chinois offerts à l'équipage deux jours de suite par la B.N.P. et M. Budin Directeur des Industries et Forêts asiatiques.


Mais, pendant les deux dernières journées d'escale, Singapour s'étant remise au travail (malgré la visite de Sa Majesté la Reine d'Angleterre, accompagnée du Prince Philippe et de la Princesse Anne à bord du yacht « Britannia le personnel aura pu surtout se consacrer à son occupation favorite, le « Shopping » dans les très beaux quartiers commerciaux, ou se mêler à la foule chinoise sur les marchés de Chinatown.



Ce sont là les deux aspects de la ville de Singapour : une vieille ville chinoise, grouillante de vie, au pittoresque parfois macabre, qui va bientôt disparaître pour faire place au nouveau Singapour, aux rues les plus propres du monde. Nous avons pu le vérifier aux grands hôtels de classe internationale et à la vie économique débordante. Ces deux aspects nous ont également séduits.

Le samedi 19 au matin, les deux bâtiments quittaient la base de Johore pour venir mouiller au milieu d'une centaine de bâtiments de tous types en rade de Singapour et s'y ravitailler en mazout et essence. Ils appareillaient dans la soirée pour Penang.


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LA CAMPAGNE 


Entre les iles de la Sonde, en remontant au nord, nous avons rencontré Neptune et tous ses dignitaires. Ils nous attendaient sur une ligne invisible et leurs rires sarcastiques tourmentaient nos nuits depuis longtemps. Enfin, ils ont embarqué. Ils ont festoyé avec leurs amis et l'ivresse du banquet leur donnait un air plus effrayant encore, à nous, pauvres néophytes. Ils ont noirci nos péchés pour que nous sentions notre honte profonde et misérable. Puis, par un bain salvateur, nous nous sommes retrouvés purifiés, blancs plus que neige, lavés de notre état indigne.



Ainsi baptisés, nous sommes arrivés à Singapour, par une porte dérobée, au nord de l'île. dans le silence d'un matin. La ville fêtait le Nouvel An chinois dans l'agitation d'un dimanche anglais. Les rues étaient désertes et les commerçants avait renoncé, pour un jour, à leurs affaires. Nous sommes entrés dans une ville morte.


Malgré ses yeux bridés, Singapour est occidentale, avec de longues artères qui se perdent dans une végétation luxuriante et d'immenses hôtels qui surgissent à l'écart des rues. Le lendemain, l'agitation avait repris. Les innombrables boutiques ouvraient leurs étals et ce fut le début d'une fièvre incroyable. Le plaisir d'acheter, de marchander crée des désirs inconsidérés. De boutiques en boutiques se répétaient les mêmes scènes et les mêmes questions.

« How much ». « Very cheap ». « I loose -.


« You break my heart » (*) A 110 $ le Chinois était encore vivant, mais à 100 $, on lui brisait le cœur. Alors chacun se séparait. On claquait la porte, et puis dix minutes plus tard, on revenait, raisonnable, se serrer la main pour 105 $.


Le quartier chinois contraste avec la ville par ses rues étroites et ses maisons basses. Un parfum d'encens nous éveille, soudain, à l'approche d'un temple où règne une agitation inhabituelle pour un lieu saint. La maison des dieux est publique. Le Chinois ne se recueille pas. Sa religion est un rite qu'il accomplit scrupuleusement, comme une convention.


Les mêmes scènes nous attendaient à Penang où la « Jeanne » arrivait le 21 février après avoir longé la presqu'île de Malacca. S.E..l'ambassadeur nous fit l'honneur de nous présenter la Malaisie. M. Cunningham, sujet de sa très gracieuse Majesté et consul honoraire de France à Penang, nous conta, ensuite, l'histoire de cette ile si convoitée, avec un humour tout britannique et une grâce parfaite. Il ne manqua pas de rappeler avec un respect touchant, l'héroïque sacrifice des marins du « Mousquet », au cours de la première guerre mondiale.
Penang, elle, n'a pas trahi ce passé. Née d'une histoire d'amour, elle compose à souhait les règles de ses deux traditions. Georgetown, par ses rues géométriques est anglaise, mais Penang reste malaise, du tracé délicat de ses plages blondes et de leurs rochers blancs aux tapis de fleurs qui recouvrent la terre à l'entour des maisons.

Mais, comme toujours, il a fallu partir.

Colombo est à quatre jours de mer. Nous saluerons en passant Sumatra et les deux petites iles jumelles de Nias et de Siberut que le hasard a placées à côté l'une de l'autre. Comprenne qui pourra !

E.V. Hébrard (poste 13).

Sources

Cols Bleus

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