01 février 2012

Bureau Naval de Port-Vendres n° 12 guerre civile d'Espagne Retirada Franco franquistes Républicains

Bureau Naval de Port-Vendres n° 12
La Marine et la Retirada

La France en guerre redécouvre les besoins du courrier militaire... dès le 2 septembre 39 les bureaux navals sont mis en place progressivement. Les murs ayant des oreilles, il est facile de connaître les unités dépendant d'un bureau de poste.

Le transport sur le continent du corps expéditionnaire britannique s'achève, sans perte, sous la protection des forces navales anglo-françaises. Au total, environ 161.000 hommes, 24.000 véhicules et blindés et 140.000 tonnes de ravitaillement ont été débarqués.

Par deux instructions des 9 et 17 octobre 1939, le nom en clair disparait et un indicatif numérique est donné à chaque bureau naval ... Ces bureaux sont compris entre 10 et 25.

Poste Navale bureau n° 12 (Port-Vendres) Le cachet l'inscription maritime garantit l'anonymat!

On a du mal aujourd'hui à imaginer l'importance que put avoir Port-Vendres avant la guerre de 1939 et la présence de forces navales dans ce Port à 20 km de la frontière espagnole.


L'Espagne est toute proche et la guerre civile y fait rage depuis 1936.

La Marine est présente avec de nombreux bâtiments (division de contre-torpilleurs) elle participe ainsi au contrôle des frontières avec l'Espagne. 

Elle est d'abord chargée de vérifier la non ingérence des puissances étrangères dans le conflit (Allemagne et Italie au côté des Nationalistes, URSS au côté des Républicains) puis d'évacuer les ressortissants étrangers pris au piège entre les deux camps et enfin elle est chargée d'évacuer les membres des Brigades internationales français ou étrangers.


Les Républicains confrontés aux troupes coloniales de Franco perdent le contrôle du Pays Basque puis les Asturies, la bataille de Madrid puis celle de Barcelone. 

Officiellement, jusqu’au 24 janvier 1939 (Barcelone devait tomber le 26) la France se refusait à imaginer le moindre exode espagnol sur son territoire. Or, en quelques heures, à partir du 25 janvier, les observateurs sur la frontière purent évoquer « un mascaret, une avalanche d’êtres humains » qui franchissaient les limites du territoire français

L'Ouest-Éclair du 2 février 1939


C'est la course éperdue (la Retirada) vers la France qui ferme ses frontières les 26 et 27 février 1939 puis les rouvre pour les femmes et les enfants. On accueille en principe 2000 réfugiés par jour, c'est compter sans les clandestins. 


Lettre en provenance de Valence à destination du Loiret pour une réfugiée

Les cordons de gardes républicains mobiles (24 pelotons pour les Pyrénées- Orientales) s’avérant insuffisants pour organiser le tri et maintenir l’ordre, on déclenche le 31 janvier « le dispositif de guerre n° 1 » pour récupérer les arrivants et les acheminer vers les points de première concentration. Ce même jour on décide la création d’un camp d’internement à Argelès-sur-Mer destiné aux « hommes mobilisés et soldats clandestins ». Il est fait appel à l’armée (14 régiments prélevés dans tout l’hexagone et l’Afrique du Nord avec services d’intendance et de santé militaires renforcés) pour faire face et organiser l’accueil. Par ailleurs, derrière ces premiers cordons militaires, des groupements civils s’affairent en catastrophe : Croix Rouge, organismes caritatifs etc. dont les centres de première urgence s’installent à quelques kilomètres en arrière de la frontière. Les mairies sont sollicitées.
Réfugiés sur le quai de la gare

On peut imaginer ce que fut cet exode en évoquant quelques chiffres : au Perthus, par exemple, 50 passages vers la France le 24 janvier, 6 000 le 7 février, tandis que les militaires qui patrouillent sur la montagne « canalisent » chaque jour les réfugiés par centaines et parfois par milliers, accompagnés de troupeaux de bétail, empruntant des passages extrêmement périlleux. En tout, plus de 400.000 réfugiés devaient passer par la frontière de l’Est des Pyrénées dans le cours des trois premiers mois de 1939, et la plupart « déferlèrent » entre le 27 janvier et le 10 février 1939 notamment par « la frontière sauvage ».

Lettre portant le TAD du camp d'Agde 3-8-39


Le problème du « regroupement » dans des camps de concentration
Les aperçus qui précèdent nous permettent de comprendre les imperfections qui purent se révéler dans l’accueil des réfugiés. 


passage de la frontière


Les camps de premier accueil construits à la hâte pour abriter les réfugiés ont été généralement sommaires et mal équipés, mais que dire des premiers jours, ceux « d’arenas i viento » selon le beau titre de l’ouvrage de Juan de Peña (Manolo Valiente), lorsque des trous creusés dans la plage d’Argelès ou du Barcarès étaient les seuls abris contre la tramontane d’hiver ? Au fur et à mesure qu’ils furent aménagés, les baraquements d’Argelès (90 000 hommes), du Barcarès (100 000 hommes) de Saint Cyprien (80 000 hommes), etc. purent garantir, du moins, les réfugiés contre les agressions de la nature.

Camp de Bram Aude
Par contre les agressions morales et parfois physiques (faim) furent réelles et suffisent à dénoncer ces camps : tri des personnes allant jusqu’à la séparation des familles, inévitable promiscuité, sentiment de claustration, la qualité d’internés mettaient ces réfugiés dans la même situation que des prisonniers. Les barbelés qui séparaient ces malheureux de la liberté française étaient gardés par des troupes coloniales et notamment des spahis qui rappelaient aux anciens guérilleros les moros de Franco. Ces camps de regroupement n’étaient pas des camps de la mort, mais des camps de la honte !

TAD du camp d'Argelès

En avril 1939, soit moins de trois mois après l’édification des premiers camps tous les observateurs conviennent que ce qui pouvait être amélioré l’avait été. En juillet 1939, plus de 150 000 internés avaient été libérés et le mouvement devait s’accélérer avec la déclaration de la guerre où l’on admit les guérilleros qui le voulaient à servir dans l’armée française... D’où les terribles représailles quand notre défaite les transforma en otages et non en prisonniers de guerre. La plupart furent alors envoyés dans les camps de concentration nazis où plus de 10 000 disparurent.


TAD du camp de Gurs
Des camps ont été ouverts en Bretagne notamment à Vieux-Vy sur Couesnon en Ille et Vilaine mais aussi dans tous les départements bretons...
Voici quelques documents provenant des archives d'Ille et Vilaine concernant l'expulsion des réfugiés vers l'Amérique du Sud. 

Consigne du Ministre de l'Intérieur aux préfets concernant les rapatriements



Pour la correspondance des réfugiés espagnols. Timbre-poste de 1937-39 surchargé "F"




Lettre concernant l'émigration d'une famille au Brésil via Le Havre et Bordeaux

Rapport des services de police  au préfet d'Ille et Vilaine 
Entre mars 1941 et août 1942, l'Etat Français a fait transférer quelques 1700 internés français et étrangers vers les camps d'Afrique du Nord de Bossuet et de Djelfa. Une opération d'envergure, visant initialement 5000 internés de métropole afin «d'expurger» les camps «d'indésirables» représentant un danger pour l'ordre public. Un aller simple à destination des bagnes du désert pour des communistes français enfermés depuis septembre 1939 et des étrangers majoritairement internés depuis la Retirada... Quasi tous républicains espagnols et d'anciens brigadistes internationaux.


Sur le demi million de réfugiés qui avaient quitté l’Espagne de 1936 à 1939, 100 000 environ purent y retourner, 50 000 partirent s’installer en Amérique latine, 300 000 environ s’installèrent en France, dont la plupart définitivement, et enrichirent notre destinée désormais commune.

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