Les demoiselles en pompon rouge
Bonjour à tous,
Aux premiers jours de la grande guerre les parisiens surnommaient ainsi les fusiliers marins, souvent très jeunes venus de Lorient, de Brest, de Toulon, de Cherbourg et de Rochefort pour assurer la défense de Paris.
Mais ces « demoiselles » sont d’excellents combattants, au coté des belges ils empêchent les troupes du Kaiser qui attaquent le 24 octobre, d’atteindre Dunkerque.
Au terme de trois semaines de combats acharnés par un froid glacial, ils repassent l’Yser laissant Dixmude en ruine.
Les marins ont perdus 50% de leurs effectifs.
La Marine souhaitant récupérer ses personnels, la brigade est dissoute en novembre 1915. Seul subsistera un bataillon qui ne manquera pas de se distinguer en 1917 au Moulin de Laffaux.
Le ciel vous tienne en joie et à la semaine prochaine
Donec
PS : en pièce jointe la gazette n° 316 de l’ARHAN qui évoque la suite de l’inoubliable visite au ministère de la Marine
J’AI ETE AU MINISTERE DE LA MARINE
Paru dans la Gazette de Lann-Bihoué
Repris dans Cols Bleus n°1310 de décembre 1973
Il est admis d’une façon générale que dans ce bâtiment à quatre étages, trois escaliers sont à votre disposition. Le premier ne dessert que trois étages, ce que vous ne découvrez d’ailleurs qu’en arrivant en haut. Le deuxième au fond de la cour en dessert cinq et le troisième à droite, sept ou huit.
Quel que soit l’escalier, un conseil : ne lâchez jamais la rampe. Il vous suffira, une fois arrivé en haut, de changer de main et de la suivre pour vous retrouver dans la cour. C’est l’éventualité la plus favorable.
Mais si pour une raison quelconque, esprit d’aventure, défi à la société ou désir furieux et aveugle d’aller quelque part, vous vous engagez dans le couloir, vous le faites alors sous votre propre responsabilité.
Je lisais récemment dans quelque magazine que près de six mille personnes disparaissaient en France chaque année. Si on se donnait la peine de fouiller un peu le Ministère…. D’ailleurs je me suis posté un jour à la porte pour compter les gens qui y entraient le matin et en sortaient le soir. Eh bien je vous le dis crûment : « il en manquait ».
Mais je vous vois venir, vous allez me dire : « il y a tout de même des ascenseurs ». Eh bien parlons-en.
La manoeuvre d’un ascenseur est devenue en notre siècle de progrès et d’émancipation d’une simplicité déconcertante au point qu’elle est à la portée du vulgaire et que même les femmes la pratiquent aisément. Un mode d’emploi puéril est d’ailleurs affiché dans ces ustensiles. C’est sans doute pour cette raison qu’ils sont interdits aux enfants.
Il semble cependant que les appareils du Ministère, avec leurs bonnes cabines honnêtes d’ascenseurs bourgeois soient d’essence particulière. Mais voyons la chose en détail.
Premier cas (le plus fréquent) : Vous êtes au rez-de-chaussée, vous arrivez, la cabine n’est pas là. Vous appuyez alors sur le bouton « Appel ». Généralement il ne se passe rien et on n’en parle plus. Parfois le contrepoids que vous avez devant vous monte, s’arrête puis redescend. Vous appuyez derechef et au bout de quelques minutes, vous décelez l’approche de la cabine qui s’arrête au premier puis repart vers les étages supérieurs.
D’accord, des gens m’ont dit qu’on avait vu l’ascenseur quelques fois au rez-de-chaussée, sans d’ailleurs qu’on puisse donner une explication satisfaisante à ce phénomène. Certains auteurs invoquent dans ce cas le développement d’une sorte de mémoire électronique qui se serait constituée dans un circuit banal modifié par des dépôts séculaires de poussière et de déchets divers. On peut penser que l’ascenseur répond de temps à autre à l’appel posthume d’un rombière qui est mort depuis la bataille d’Aboukir ou qui est maintenant Président de l’Amicale des Anciens Marins de Plouguenast.
Tout ceci nous amène au deuxième cas : l’ascenseur est là. Vous vous y précipitez et vous vous y barricadez. Avant que vous ayez eu le temps d’esquisser le moindre geste en direction du bouton ad hoc (le cinquième par exemple) la cabine s’élève brusquement et s’arrête au premier où plusieurs types s’y engouffrent et descendent au rez-de-chaussée.
Arrivé là, il paraîtrait hautement anormal et quelque peu suspect que vous restiez dedans. Le rombier qui ne quitte pas un ascenseur au terminus est un rombier qui s’amuse et au Ministère on ne s’amuse pas. Vous sortez donc et vous allez faire un tour dans la cour avant de revenir tenter votre chance.
Après avoir observé discrètement les indigènes, il semble que la meilleure technique consiste à appuyer d’emblée sur tous les boutons qui sont à portée de la main. Le reste de la manoeuvre consiste en un jeu subtil de portes à glissières et de coups de pieds dans les tibias des intrus.
Je me souviens qu’un matin j’ai vu l’ascenseur démarrer devant moi chargé de gens à l’air important. J’appuyais incontinent et de façon permanente sur le bouton : « Appel ». Le chargement a poursuivi sa marche jusqu’au cinquième et, avant que ces braves gens aient pu lever le petit doigt, il est redescendu au rez-de-chaussée, d’où il est reparti avant que j’ai pu ouvrir la porte, les passagers ayant le doigt
Ça se termine parfois de façon borgne sur une porte que vous ouvrez, c’est un placard à balais, vous faites demi-tour, vous croisez un type qui ne vous regarde pas, vous vous retournez, il a disparu, etc., etc.
Il y a quelque chose de bougrement plus inquiétant. Dans certains couloirs, il existe des petites cages de verre qui contiennent un rombier, parfois deux. Ils ne font rien. Ils ne bougent même pas quand vous frappez au carreau. L’écriteau : « Renseignements » apposé sur le cagibi n’est là que pour masquer l’horrible vérité. Ce sont des gars qu’on a découvert desséchés au petit matin dans un couloir peu fréquenté.
Mais je sens que vous n’allez plus me croire (ce en quoi vous auriez tort). Nous allons donc terminer sur une question plus terre-à-terre.
Dans la vie civile, quand un « water » est bouché, on appelle le plombier, dans la Marine nationale, on appelle le médecin major en vertu d’obscures considérations d’hygiène dont il est réputé détenir la connaissance ;
Il y a d’abord le « water » de veille. Situé au troisième étage, son vasistas donne sur la rue Royale, et par-delà, sur les vestiaires des mannequins d’une grande maison de couturier. Il a deux particularités : un siège branlant d’avoir supporté les veilleurs de quart pendant les longues heures et une paire de jumelles accrochées à un clou. Je n’ai d’ailleurs réussi à y pénétrer pour vous le décrire que pour un court moment d’absence de l’officier de quart.
Il y a aussi le « water » évasion. Il est au rez-de-chaussée, au bout d’un couloir tapissé d’affiches en couleurs vous invitant à des voyages fabuleux ou à la contemplation d’horizons nouveaux. Le papier hygiénique étant un produit inconnu ici, on s’y asperge le fondement avec les pages d’un indicateur de lignes aériennes obligeamment fourni par le Bureau des Passages qui jouxte ce lieu. Vous pouvez ainsi dans la solitude et le recueillement, suivre des itinéraires de rêve sous des cieux toujours bleus.
Un troisième exemple enfin : si vous montez au deuxième, vous trouverez une porte avec cette inscription : « Cabinet » et au-dessous : « S’adresser à l’huissier ». Celui-là, ça doit être pour les manchots.
Bonjour à tous,
Aux premiers jours de la grande guerre les parisiens surnommaient ainsi les fusiliers marins, souvent très jeunes venus de Lorient, de Brest, de Toulon, de Cherbourg et de Rochefort pour assurer la défense de Paris.
Mais ces « demoiselles » sont d’excellents combattants, au coté des belges ils empêchent les troupes du Kaiser qui attaquent le 24 octobre, d’atteindre Dunkerque.
Au terme de trois semaines de combats acharnés par un froid glacial, ils repassent l’Yser laissant Dixmude en ruine.
Les marins ont perdus 50% de leurs effectifs.
La Marine souhaitant récupérer ses personnels, la brigade est dissoute en novembre 1915. Seul subsistera un bataillon qui ne manquera pas de se distinguer en 1917 au Moulin de Laffaux.
Le ciel vous tienne en joie et à la semaine prochaine
Donec
PS : en pièce jointe la gazette n° 316 de l’ARHAN qui évoque la suite de l’inoubliable visite au ministère de la Marine
J’AI ETE AU MINISTERE DE LA MARINE
Paru dans la Gazette de Lann-Bihoué
Repris dans Cols Bleus n°1310 de décembre 1973
photo © JM Bergougniou |
Il est admis d’une façon générale que dans ce bâtiment à quatre étages, trois escaliers sont à votre disposition. Le premier ne dessert que trois étages, ce que vous ne découvrez d’ailleurs qu’en arrivant en haut. Le deuxième au fond de la cour en dessert cinq et le troisième à droite, sept ou huit.
photo © JM Bergougniou |
Quel que soit l’escalier, un conseil : ne lâchez jamais la rampe. Il vous suffira, une fois arrivé en haut, de changer de main et de la suivre pour vous retrouver dans la cour. C’est l’éventualité la plus favorable.
Mais si pour une raison quelconque, esprit d’aventure, défi à la société ou désir furieux et aveugle d’aller quelque part, vous vous engagez dans le couloir, vous le faites alors sous votre propre responsabilité.
Je lisais récemment dans quelque magazine que près de six mille personnes disparaissaient en France chaque année. Si on se donnait la peine de fouiller un peu le Ministère…. D’ailleurs je me suis posté un jour à la porte pour compter les gens qui y entraient le matin et en sortaient le soir. Eh bien je vous le dis crûment : « il en manquait ».
photo © JM Bergougniou |
Mais je vous vois venir, vous allez me dire : « il y a tout de même des ascenseurs ». Eh bien parlons-en.
La manoeuvre d’un ascenseur est devenue en notre siècle de progrès et d’émancipation d’une simplicité déconcertante au point qu’elle est à la portée du vulgaire et que même les femmes la pratiquent aisément. Un mode d’emploi puéril est d’ailleurs affiché dans ces ustensiles. C’est sans doute pour cette raison qu’ils sont interdits aux enfants.
Il semble cependant que les appareils du Ministère, avec leurs bonnes cabines honnêtes d’ascenseurs bourgeois soient d’essence particulière. Mais voyons la chose en détail.
photo © JM Bergougniou |
Premier cas (le plus fréquent) : Vous êtes au rez-de-chaussée, vous arrivez, la cabine n’est pas là. Vous appuyez alors sur le bouton « Appel ». Généralement il ne se passe rien et on n’en parle plus. Parfois le contrepoids que vous avez devant vous monte, s’arrête puis redescend. Vous appuyez derechef et au bout de quelques minutes, vous décelez l’approche de la cabine qui s’arrête au premier puis repart vers les étages supérieurs.
D’accord, des gens m’ont dit qu’on avait vu l’ascenseur quelques fois au rez-de-chaussée, sans d’ailleurs qu’on puisse donner une explication satisfaisante à ce phénomène. Certains auteurs invoquent dans ce cas le développement d’une sorte de mémoire électronique qui se serait constituée dans un circuit banal modifié par des dépôts séculaires de poussière et de déchets divers. On peut penser que l’ascenseur répond de temps à autre à l’appel posthume d’un rombière qui est mort depuis la bataille d’Aboukir ou qui est maintenant Président de l’Amicale des Anciens Marins de Plouguenast.
photo © JM Bergougniou |
photo © JM Bergougniou |
Tout ceci nous amène au deuxième cas : l’ascenseur est là. Vous vous y précipitez et vous vous y barricadez. Avant que vous ayez eu le temps d’esquisser le moindre geste en direction du bouton ad hoc (le cinquième par exemple) la cabine s’élève brusquement et s’arrête au premier où plusieurs types s’y engouffrent et descendent au rez-de-chaussée.
Arrivé là, il paraîtrait hautement anormal et quelque peu suspect que vous restiez dedans. Le rombier qui ne quitte pas un ascenseur au terminus est un rombier qui s’amuse et au Ministère on ne s’amuse pas. Vous sortez donc et vous allez faire un tour dans la cour avant de revenir tenter votre chance.
Après avoir observé discrètement les indigènes, il semble que la meilleure technique consiste à appuyer d’emblée sur tous les boutons qui sont à portée de la main. Le reste de la manoeuvre consiste en un jeu subtil de portes à glissières et de coups de pieds dans les tibias des intrus.
photo © JM Bergougniou |
Je me souviens qu’un matin j’ai vu l’ascenseur démarrer devant moi chargé de gens à l’air important. J’appuyais incontinent et de façon permanente sur le bouton : « Appel ». Le chargement a poursuivi sa marche jusqu’au cinquième et, avant que ces braves gens aient pu lever le petit doigt, il est redescendu au rez-de-chaussée, d’où il est reparti avant que j’ai pu ouvrir la porte, les passagers ayant le doigt
sur le bouton « 5 » depuis le second. Au quatrième passage on se disait bonjour, au milieu de la matinée on se tutoyait et à midi nous sommes tous allés déjeuner.
photo © JM Bergougniou |
Mais revenons aux choses sérieuses et passons aux travaux pratiques. Vous arrivez au Ministère et vous désirez aller à Péhaimedeuzeux ou à Euhaimegéorgue (Bora-Bora et Raiatea à côté de ça je trouve que ça fait un peu banlieue). Il est vrai que ça s’écrit PM 2/E ou EMG/ORG ce qui est moins évocateur mais ceux qui n’ont pas d’imagination n’ont rien à faire ici.
Bref (si j’ose m’exprimer de la sorte) on vous a dit : « c’est pas difficile (suspect ça) vous descendez au quatrième (pour pouvoir y descendre faut d’abord y monter), pour ce faire vous prenez l’ascenseur (façon de parler car il doit être « à charge »), celui qui est au fond de la cour ».
Vous voulez donc aller au quatrième. Vous entrez dans l’ascenseur, vous appuyez sur le bouton marqué « 3 » et vous descendez au cinquième. Deux couloirs se présentent à vous, vous prenez le troisième. Vous montez l’escalier qui s’y trouve et vous êtes au quatrième.
Bref (si j’ose m’exprimer de la sorte) on vous a dit : « c’est pas difficile (suspect ça) vous descendez au quatrième (pour pouvoir y descendre faut d’abord y monter), pour ce faire vous prenez l’ascenseur (façon de parler car il doit être « à charge »), celui qui est au fond de la cour ».
Vous voulez donc aller au quatrième. Vous entrez dans l’ascenseur, vous appuyez sur le bouton marqué « 3 » et vous descendez au cinquième. Deux couloirs se présentent à vous, vous prenez le troisième. Vous montez l’escalier qui s’y trouve et vous êtes au quatrième.
photo © JM Bergougniou |
Alors là il y a des couloirs et encore des couloirs, des recoins, des culs-de-sac, des étranglements, des défilés, des culs-de-basse-fosse, des coursives, des passavants, des cheminées, des surplombs, des corniches, des escaliers, des virages, des pentes dans l’un ou l’autre sens.
photo © JM Bergougniou |
Ça se termine parfois de façon borgne sur une porte que vous ouvrez, c’est un placard à balais, vous faites demi-tour, vous croisez un type qui ne vous regarde pas, vous vous retournez, il a disparu, etc., etc.
photo © JM Bergougniou |
Il y a quelque chose de bougrement plus inquiétant. Dans certains couloirs, il existe des petites cages de verre qui contiennent un rombier, parfois deux. Ils ne font rien. Ils ne bougent même pas quand vous frappez au carreau. L’écriteau : « Renseignements » apposé sur le cagibi n’est là que pour masquer l’horrible vérité. Ce sont des gars qu’on a découvert desséchés au petit matin dans un couloir peu fréquenté.
Mais je sens que vous n’allez plus me croire (ce en quoi vous auriez tort). Nous allons donc terminer sur une question plus terre-à-terre.
Dans la vie civile, quand un « water » est bouché, on appelle le plombier, dans la Marine nationale, on appelle le médecin major en vertu d’obscures considérations d’hygiène dont il est réputé détenir la connaissance ;
photo © JM Bergougniou |
Il y a d’abord le « water » de veille. Situé au troisième étage, son vasistas donne sur la rue Royale, et par-delà, sur les vestiaires des mannequins d’une grande maison de couturier. Il a deux particularités : un siège branlant d’avoir supporté les veilleurs de quart pendant les longues heures et une paire de jumelles accrochées à un clou. Je n’ai d’ailleurs réussi à y pénétrer pour vous le décrire que pour un court moment d’absence de l’officier de quart.
photo © JM Bergougniou |
Il y a aussi le « water » évasion. Il est au rez-de-chaussée, au bout d’un couloir tapissé d’affiches en couleurs vous invitant à des voyages fabuleux ou à la contemplation d’horizons nouveaux. Le papier hygiénique étant un produit inconnu ici, on s’y asperge le fondement avec les pages d’un indicateur de lignes aériennes obligeamment fourni par le Bureau des Passages qui jouxte ce lieu. Vous pouvez ainsi dans la solitude et le recueillement, suivre des itinéraires de rêve sous des cieux toujours bleus.
Un troisième exemple enfin : si vous montez au deuxième, vous trouverez une porte avec cette inscription : « Cabinet » et au-dessous : « S’adresser à l’huissier ». Celui-là, ça doit être pour les manchots.
photos Hôtel de la Marine © JM Bergougniou
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