30 juillet 2021

PH Jeanne d'Arc Kerguelen Crozet 2 février 1990 Commandant Bourdais BCR Marne Doudart de Lagrée

PH Jeanne d'Arc Kerguelen 2 février 1990 Commandant Bourdais

Mission dans les TAAF

par le commissaire en chef de 2e classe Sciorella

La Marne à Port-aux-Français

Le TG 623.2 composé de la Marne, de la Jeanne d'Arc, du Commandant Bourdais et du Doudart de Lagrée a fait son entrée fin janvier dans la zone économique exclusive des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).

Couvrant une superficie immense (1,7 million de km2), cette zone entoure les îles Crozet, Kerguelen, St-Paul et Amsterdam. La principale ressource est la pêche, réglementée par arrêtés de l'administrateur supérieur des TAAF et dont la surveillance incombe notamment à la Marine nationale. Les commandants des bâtiments, en particulier de l' Albatros qui effectue plusieurs missions de surveillance par an, sont habilités à contrôler les navires de pêches et à dresser procès-verbal aux éventuels contrevenants.


Chacun des trois groupes d'îles a été tour à tour visité par les bâtiments du TG 623.2. Ayant franchi les quarantièmes rugissants le 28 janvier, la Marne, roulant fortement au rythme de la houle, a atteint Crozet le 29 janvier. L'archipel est constitué de deux groupes d'îles découverts, ainsi que les Kerguelen, en 1772. Une base est installée sur l'une des deux îles du groupe Est, l'île de la Possession dont le relief tourmenté culmine à 770 mètres, la superficie étant de 146 km2.

Contact a été aussitôt pris avec les trente-six hivernants, renforcés par trois spécialistes pendant la campagne d'été. M. Martel Thoumian, chef de district, a présenté au CA Bonnot les installations de la base Alfred Faure située sur un plateau à environ 150 mètres d'altitude.

 

L'île connaît un climat très venteux (vitesse de pointe 180 km/heure) et pluvieux. La présence au voisinage de la base de très nombreux oiseaux et d'une manchotière comprenant plusieurs dizaines de milliers d'individus a constitué un attrait particulier pour nos marins. Le spectacle est insolite en cette période de reproduction, où les couples constitués se relaient pour couver les œufs, envahissant la plage et remontant très haut dans l'étroite vallée car chaque centimètre compte et l'espace est âprement disputé.

Ce bref séjour, mis à profit pour effectuer du transport de matériel dans l'île grâce à l'hélicoptère Alouette III de la Marne, s'est achevé dès le 30 janvier en soirée, le bâtiment appareillant pour les Kerguelen où il est arrivé le 2 février.

Les Kerguelen sont constituées d'une grande île dite «Grande Terre», (6 675 km2) entourée de 85 îles et d'innombrables petits îlots. Le climat est humide et froid. La base de Port-aux-Français, créée en 1951, se trouve sur la baie du Morbihan qui comporte un mouillage assez peu abrité des vents qui peuvent atteindre 230 km/heure. Les 79 hivernants, renforcés par 20 personnes pour la durée de l'été, ont accueilli l'équipage. 

Le CA Bonnot a pu au cours de cette visite de trois jours s'entretenir avec le VAE (2S) Corbier, administrateur supérieur des TAAF, arrivé quelques jours plus tôt à bord du Lowland Lancer, navire affrété pour assurer la relève du personnel des TAAF.

La période est favorable, l'été austral bat son plein. La température peut atteindre 20 degrés mais les variations sont brutales lorsque le vent se lève, faisant chuter la température très rapidement ; la houle se forme alors et les liaisons entre la terre et les bâtiments deviennent très difficiles.


Ces difficultés n'ont pas empêché l'équipage de la Marne, bientôt rejoint par celui de la Jeanne d'Arc et celui du Commandant Bourdais, d'envahir Port-aux-Français et de découvrir l'île. La visite de la base, de ses locaux vie, de ses ateliers et laboratoires, fait mieux connaître les conditions de vie et les activités des hivernants, dont le séjour est en principe d'un an.

Les installations permettent une autonomie prolongée. L'énergie électrique est fournie par des groupes électrogènes d'une capacité de 1 300 kW, l'eau douce provient des rivières. De nombreux engins mécaniques (grues, bulldozers, tracteurs...) servent aux travaux de terrassement, constructions, levages de charges lourdes.

Les activités scientifiques portent sur de nombreux programmes placés sous la responsabilité d'une personnalité scientifique métropolitaine, qui participe au choix des jeunes chercheurs affectés sur le territoire. Parmi les domaines de recherche, l'on peut citer la géophysique externe (étude de la magnétosphère), la géophysique des basses couches de l'atmosphère, les études sismiques, la biologie animale et végétale. Une petite flottille comportant notamment une vedette océanographique, la Curieuse, facilite les sorties sur les côtes de l'île. Grâce à elle et aux moyens propres des bâtiments, les visiteurs de la Marine nationale ont pu explorer la vaste baie du Morbihan, voir Port Jeanne d'Arc et la station d'aquaculture du lac d'Armor où l'on élève le saumon. Pendant ce temps, d'autres ont choisi la voie des airs pour se rendre en hélicoptère sur la presqu'île de Ratmanoff, saluer manchots et éléphants de mer, surpris mais impassibles devant cette affluence inaccoutumée de représentants de l'espèce humaine. C'est également l'hélicoptère qui a transporté nos explorateurs en reconnaissance à l'ouest de l'île, jusqu'au magnifique glacier Cook.


Les échanges et invitations réciproques ont rapidement tissé des liens d'amitié sur ce bout de terre française perdue dans l'Antarctique. Le 3 février, le froid piquant du petit matin n'a pas dissuadé les délégations d'assister à une cérémonie militaire au cours de laquelle les couleurs nationales ont été hissées et des décorations remises à du personnel civil et militaire, récipiendaires probablement les plus australs qui fussent.

La mission de présence de nos bâtiments se conjugue le plus souvent avec celle d'assistance. Cette visite aux Kerguelen n'a pas failli à la règle puisque la Marne a apporté son soutien notamment en délivrant 1 500 m3 de gazole et une tonne de vivres. Au même moment, plus au nord, le Doudart de Lagrée a mouillé devant St-Martin-de-Vivies, la base de l'île d'Amsterdam. Constituée par un système volcanique formant un cône cul, minant à 881 mètres, la superficie totale est de 54 km2. Les eaux environnantes sont poissonneuses et abritent des peuplements de langoustes, objets d'une pêche fructueuse. La rencontre avec les hivernants fut aussi très amicale. La journée est consacrée à la pêche et à la chasse aux boeufs importés et devenus sauvages. Le climat tempéré permet le développement d'une espèce particulière d'arbre, le Phylica, objet de soins attentifs et d'une protection contre les agressions de la gent bovine.

Le 4 février, la Marne transite vers  St-Paul et met à profit sa rencontre à la mer avec l' Albatros, en mission de surveillance des pêches, pour transférer du courrier et des vivres.

Mais le temps est compté. Malgré l'accueil chaleureux réservé dans les trois districts à nos marins, en dépit des attraits de ces îles préservées par leur isolement, notre groupe doit se résoudre à faire ses adieux aux manchots royaux, gorfous, pétrels géants, skuas et albatros. Le séjour est éphémère, les souvenirs demeurent. Cap au nord, la mission n'attend pas. 

La Marne à Crozet - Cols bleus

Impressions de midship

Un spectacle fabuleux s'offre aux midships alignés au poste de bande comme une colonie de manchots.

Les principaux habitants de l'île les accueillent avec force enthousiasme : éructations violentes et flatulences obsédantes des éléphants de mer, cris stridents des albatros des Kerguelen et applaudissements effrénés des quatre manchots venus spécialement de l'autre bout de l'île pour la Jeanne d'Arc.

Rythmée par le vent, une noria d'hélicoptères et d'embarcations permet à plus de mille marins de poser le pied sur cette terre. Une rencontre étonnante les attend : Jean-Paul Kaufmann, incognito, venu spécialement pour s'isoler.

Las ! Une chute brutale de 50 hectopascals est relevée au baromètre. En catastrophe, tous doivent rentrer à bord, les plus chanceux par la voie des airs. Quant aux autres, entassés sur des chaloupes censées les ramener à bord, ils ont beau se recroqueviller, ils ne peuvent éviter les paquets d'eau glacée quoique vivifiante s'abattant sur eux. Ridicules esquifs ballottés par les flots, les embarcations dansent, sautent, plongent avec leur cargaison humaine. La mer se soulève, ignorant quelque peu le Règlement international pour la prévention des abordages...

Sources

Cols bleus  3 mars 1990

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