LORMONT. Les douze élèves de la première bac pro marine du lycée Jacques-Brel ont remonté l'estuaire du Verdon à Bordeaux, à bord de la frégate anti sous-marine Georges-Leygues
Les futurs marins accostent sur le quai des Chartrons
Les douze jeunes matelots ont découvert l'estuaire depuis une passerelle de première classe. (photo Y. D.)
Jean-Baptiste la regarde arriver, lippe tremblante. Des jours qu'il attend ça, qu'il a fait des recherches sur elle, qu'il a fait monter la pression avec les copains. Et la voilà, dans sa robe d'un gris sobre, avec son chignon en forme de tourelle. Elle s'appelle Georges. Georges-Leygues, frégate aux multiples arguments comme ses deux moteurs de Concorde, ses missiles Crotale et ses torpilles L5.
Il est 11 heures et l'on grimpe à l'échelle de corde à hauteur du Verdon pour poser sur son pont. Jean-Baptiste Guévar est l'un des douze élèves de première bac pro marine nationale. Benjamin du groupe du haut de ses 17 ans, il attaque la première des deux années de cette atypique formation (1), de laquelle il devrait sortir avec un bac maintenance des équipements industriels (MEI) spécialité marine nationale. Le corps aqueux de la Défense nationale est en effet partenaire du lycée lormontais depuis quinze ans, recrutant et intégrant à l'issue des deux ans.
Lucie aime les moteurs
Il est midi et le saumon du mess est bon. L'estuaire est calme, les estomacs sont sereins, et le commissaire Charles-François Barbier a l'air d'avoir l'âge des élèves et il est très sympa. L'officier est intarissable et passionnant sur l'histoire du navire, le premier sur lequel les jeunes posent le pied. « C'est fou, le monde là-dedans », souffle Lucie qui a l'impression d'avoir croisé la totalité des 194 marins qui peuplent la frégate dès qu'elle sort. Lucie est la seule fille de la promo, chouchoutée par les gars. À Pissos (40), elle jouait aux petites voitures, a eu une moto à 14 ans, et un BEP maintenance navale l'année dernière à Gujan. « J'adore les moteurs de bateaux », dit-elle avec féminité. Alors l'entretien et la visite médicale de juin pour accéder à la formation, ça s'est passé tranquille.
Il est 13 heures et Pauillac est joli aussi, vu de l'eau. La centrale nucléaire du Blayais de l'autre côté, toujours pas. Dans la salle d'opérations plongée dans un noir dont on verrait bien sortir le Sean Connery d'« Octobre rouge », Éric Louit se rappelle le service militaire qu'il a effectué comme technicien radar sur une frégate du même gabarit. Après une carrière d'électromécanique dans l'aéronavale, il est aujourd'hui conseiller au Centre d'information et de recrutement des forces armées (Cirfa) de Bordeaux, ravi de la convention avec le lycée Jacques-Brel. « On a des élèves motivés et concernés, qui savent ce que tarer les injecteurs d'un moteur diesel veut dire », dit-il. Sans moi, les gars.
Projets pédagogiques
Il est 14 heures, et la pointe d'Ambès regarde passer les 139 mètres de cette frégate Georges-Leygues dont la marraine est la ville de Villeneuve-sur-Lot, où cet ancien ministre de la marine (1917-1933) a vu le jour. Sylvain Laroche a l'oeil qui ne décolle pas du caméscope. « C'est un moment merveilleux pour eux », dit ce professeur de maintenance qui enseigne dans cette filière depuis neuf ans. « C'est la première fois qu'une promo a l'occasion de faire ce type de voyage. » Avec ses collègues Laurence Giustiniani (anglais), François Manon (construction) et Sabrina Delimi (CDI), ils croisent les projets pédagogiques, travaillent sur l'estuaire, un respect de l'océan qu'ils aimeraient inculquer à ceux qui vont bientôt l'arpenter.
Il est 15 h 30 et le navire accoste sur le quai des Chartrons devant l'oeil curieux colberto-nostalgique des badauds bordelais. « On vise tous la maistrance », disent en choeur le Cenonnais Bilal Belmehdi et Loïc Mourat, de Romagne. La maistrance : l'École des sous-officiers qui requiert au moins la mention au Bac dans deux ans. Les autres bacheliers se verront proposer un contrat de quatre à dix ans, militaire de rang avec perspectives quand même. Celle de la passerelle Kawamata n'est pas mal du tout lorsqu'on descend de son homologue militaire.
(1) La Marine a une seule autre convention en Gironde, sur le bac pro aéronautique avec le centre de formation de Latresne.
La frégate Georges-Leygues sera arrimée au quai des Chartrons jusque demain soir et accueille le public aujourd'hui et demain. L'équipage expliquera en effet le vécu de cette frégate vieille de trente ans, longtemps accompagnatrice du navire-école Jeanne-d'Arc.
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