Bonne année 1968
Bonjour à tous,
Je crois que ce début d’année est propice à un petit voyage dans le temps vers une époque où l’on risquait sa vie sans vergogne sur des routes improbables.
Pour cela, je viens de retrouver un petit opuscule de la collection « Marabout » qui nous fait l’éloge d’une gloire oubliée : l’Alfa Roméo 1750. Un petit texte y évoque une course vers le soleil dans des conditions et à une allure que l’on n’imagine même pas aujourd’hui.
Le texte s’intitule modestement : A la poursuite du temps.
A lire en pièce jointe
En attendant je vous souhaite une année 2018 qui exauce vos vœux les plus secrets…
A la semaine prochaine
Donec
Les
brumes du ciel s’effilochaient doucement. La lumière pointait peu
à peu.La
grande aiguille du compte-tours semblait somnoler. Depuis plus de
cent kilomètres, elle restait immobile ou presque : 5.000,
5.200 tours, soit une vitesse de croisière de 180/190 km/h. Une
cinquième vitesse, juste assez longue pour soutenir un tel rythme,
sans souffrance aucune pour le moteur.
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Montélimar sous la neige photo JM Bergougniou |
Les
pneus avalaient l’asphalte de l’autoroute fonçant vers le
soleil. Au
volant un homme détendu, légèrement fatigué cependant par une
nuit passée à toute allure sur les routes, avec lui deux passagers,
plongés chacun dans un profond sommeil…Régulièrement
le pilote jette un regard sur sa montre, un autre sur le compteur
kilométrique. Il reste vingt minutes pour arriver à Montélimar, à
trente kilomètres de distance ? « Si tout va bien, pense
t’il, j’aurai rattrapé complètement le retard pris jusqu’à
maintenant, et avec un peu de chance, je reprendrai la nationale 7
avec quelques minutes d’avance. »
L’Alfa
Roméo berline 1750 fonçait toujours. Elle avait accepté de tenter
l’aventure : relier Bruxelles à Nice en moins de 10h30.
Depuis
0h02 mn, elle avalait allègrement les kilomètres. Toute la nuit,
comme la chèvre de Monsieur Seguin, elle a lutté de toutes ses
forces. Jusqu’à Avallon, la route était presque déserte. Plus
loin par contre, ce fut beaucoup moins gai. Les poids lourds se
succédaient en file ininterrompue dans les deux sens.Tenir
la moyenne imposée par le tableau de marche (120 km/h) demandait un
effort constant et éprouvant. A ce moment à cause d’une erreur de
25 km l’Alfa était en retard sur l’horaire prévu. Elle
tentait de grignoter une à une les secondes. Mais pour chacune
c’était un dur combat.A
Lyon, la situation s’était légèrement améliorée.
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Montélimar le nougat sous la neige photo JM Bergougniou |
Mais
l’autoroute était là avec ses 150 km de ligne droite, pied à la
planche.
Montélimar,
la cité du nougat : la moyenne a remonté et même dépassé
120 km/h.Le
petit capital (7 minutes) lui permettait de respirer. Les gendarmes
s’étaient levés avec l’aube. Ils pullulaient tout au long de la
route du soleil. La circulation augmentait au fur et à mesure des
minutes. Les limitations de vitesse dans les villages, les lignes
blanches, autant de secondes perdues. Il fallait les rattraper. Le
moteur se mit à chanter plus vite ; L’aiguille du
compte-tours haussa son rythme d’un cran. Les changements de
vitesse se faisaient plus sèchement, et jusqu’à Aix-en-Provence,
le petit capital (7 minutes fut préservé)…
Un
fou ?
Faut-il
être fou pour tenter une pareille aventure ? pas le moins du
monde.L’idée
de cette randonnée me travaillait depuis quelques mois lorsque sa
réalisation fut décidée.C’était
pour moi une aventure comme une autre. Je l’avais préparée très
sommairement, pas plus que si j’avais choisi cette route sans
autre but que le soleil et les vacances. Physiquement j’étais
prêt, bien reposé, et habitué à produire des efforts de cette
durée. Le coup de pompe, je l’ai eu comme chacun, mais sur
l’autoroute heureusement. Là avec une Alfa Roméo il est possible
de se décontracter en roulant à 180, 190 km/h (sic !).Un
ravitaillement, le tour de la voiture pendant le plein d’essence et
la forme revenait. Mon ravitaillement personnel ? Trois
sandwiches grignotés au milieu de la nuit, deux tasses de café bien
chaud et c’était tout. Le plus dur la finale, lorsqu’il fallut
foncer au maximum pour annuler le retard pris entre Aix-en-Provence
et l’autoroute de l’Estérel. Elle vaut la peine d’être
raconté en détail.
Au
finish
L’entrée
d’Aix, j’avais 7 minutes d’avance. A la sortie, hélas !
je les avais perdues. Une circulation intense, des bouchons m’avaient
fortement retardé. Je croyais que les choses iraient s’améliorant,
mais je me trompais… ce fut pire encore. Les petits villages
provençaux aux rues étroites, les camions gros et multiples, les
lignes blanches, ne me laissèrent pas de répit. Le chrono tournait
et, les secondes s’échappaient. Je pensais que tout était perdu.
Le silence s’établit dans la voiture. Le moteur ronronnait
rageusement.A
l’entrée de l’autoroute de l’Estérel, j’avais presque un
quart d’heure de retard. J’étais furieux car si j’étais parti
deux heures plus tôt de Bruxelles, tout cela ne serait pas arrivé.
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Saint-Jeannet photo JM Bergougniou |
En
démarrant pour le sprint final vers Nice, j’étais bien décidé à
jouer le tout pour le tout. La 1750 a été cravachée. « Si
elle doit exploser, c’est ici ! » ai-je annoncé. Les
grandes courbes se prenaient à 180/190 km/h comme sur un circuit. Il
fallait rattraper les minutes perdues. Quelle course ! Les pneus
criaient sur l’asphalte brulant. Finalement l’aéroport apparut
au loin. Un dernier coup d’œil au chrono, un ultime virage et un
profond soupir collectif : top ! nous y voilà.Le
verdict : 9h33, soit exactement un peu moins de 120 km/h.
Mais
en faisant le compte exact des kilomètres perdus lors de l’erreur
de parcours commise entre Tonnerre et Avallon, la moyenne remontait
et le verdict définitif était 1 165 km en 9h33 soit la moyenne
de 122 km/h.Ce
qu’il fallait démontrer