L'ESTAFETTE de Papeete à Nouméa
Long ht 63,45 Larg 9,82 TE 5,85 pcpuissance 1870 cv vitesse 13,5 ndsEquipage 3 off et 29 h + 14 serv hydro( flottes de combat 1976, A 766 désarmé en 12-91 )
La création de la Mission océanographique du Pacifique, la M.O.P., date de 1974. Elle correspond au regroupement, à Nouméa, et au renforcement des moyens des missions hydrographiques de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française constituées respectivement en 1960 et en 1953, puis supprimées en 1974.
La MOP a commencé en 1980 des travaux ayant pour objet la reconnaissance et la localisation des récifs et terres émergées qui servent de base pour la définition de la zone économique exclusive du territoire de Nouvelle-Calédonie. L'exploration de cette zone, très mal connue sur le plan hydrographique, est conduite en liaison avec l'escadrille 9S basée à Tontouta. Il est en particulier prévu d'effectuer une topographie sommaire des récifs du grand lagon Nord à partir du Pacifique
Trois bâtiments hydrographiques sont rassemblés à Nouméa ; le BH1 L'Estafette, dont l'affectation dans le Pacifique en 1974 a coïncidé avec la naissance de la M.O.P., le BH2 Boussole (420 tonnes) dans le Pacifique depuis 1968, le BH2 Corail, le plus petit (75 tonnes) et le mieux adapté aux travaux dans le lagon au voisinage de Nouméa.
Après avoir parcouru durant cinq mois la Polynésie française du nord au sud et de l'est à l'ouest pour effectuer des missions hydrographiques diverses « L'Estafette » s'arrache aux charmes de Tahiti.
Adieu vahinées, adieu Papeete. Cap à l'ouest, pour la dernière étape de ce long transit qui nous aura mené, en sept mois, de Brest à Nouméa.
Direction Bora-Bora pour commencer. Une nuit de mer et nous y sommes.
Bora-Bora, « perle du Pacifique » ne se montre pas sous son meilleur jour : ciel gris, temps maussade. Qu'importe I L'équipe de télévision qui est à bord ne travaille qu'en noir et blanc. La télévision ? Eh oui « L'Estafette » est le principal personnage d'une émission consacrée à l'hydrographie en Polynésie. Les cameramen s'affairent, filment l'équipe de quart au cours d'un sondage, prennent des vues du bord, puis descendent dans les vedettes pour avoir des images de l'évolution du bâtiment. Enfin un petit « motu » (îlot), malheureusement infesté de moustiques, sert de cadre à l'interview du commandant.
Pendant ce temps, les heureux permissionnaires lancent leurs véhicules de location sur toutes les pistes de l'île, et parfois même en dehors pour couper au plus court !
Le soleil revient brusquement dès le second jour d'escale. Bora-Bora révèle son vrai visage. Son magnifique lagon décompose le bleu du ciel en une palette qui va du bleu profond au vert pâle suivant la nature et l'importance des fonds.
Profitant de la bonne volonté de Phébus, tout le monde plonge dans les eaux tièdes, à la recherche de coquillages ou pour le simple plaisir de la baignade.
Au soir, après un dernier salut à la tombe d'Alain Gerbault, enterré ici, nous nous séparons à regret de cette île merveilleuse.
Six jours de mer se passent. Au septième matin, comme les marins de Christophe Colomb, l'homme de veille peut crier : « terre ».
« Les » îles Wallis sont en fait constituées d'un lagon parsemé de « motu », et d'une île principale. « L'Estafette » accoste au wharf de cette dernière.
Les visites officielles auprès du roi - car on trouve un roi à Wallis - et de l'administrateur sont données et rendues durant la première journée d'escale. Entre temps, l'équipage part dans toutes les directions : démarrant sur les pistes de latérite où les voitures soulèvent un nuage de poussière rouge, découvrant au milieu de la végétation tropicale le lac Lalo, curiosité naturelle qui occupe le fond d'un cratère parfaitement circulaire aux parois verticales, visitant la fabrique de « tapas », ces écorces collées les unes aux autres. Sur les parchemins ainsi obtenus, les femmes du pays peignent des motifs géométriques ocre ou noirs.
Sous les cabanes de pandamus, baptisées pompeusement « restaurants » les moins aventureux préfèrent simplement déguster les délicieuses langoustes du pays. Ces mêmes toits de pandamus abriteront ensuite le bal qui réunira pour un soir les marins de « l'Estafette » et les habitants de Wallis.
Les philatélistes du bord, qui sont nombreux, souhaitent compléter leur collection de timbres si bien commencée. Après Wallis, allons donc à Futuna.
Partir pour Wallis, c'était plonger vingt ans en arrière dans le passé. A Futuna, on retourne dans un univers vieux de cinquante ans : trois voitures dans l'île, pas de téléphone, pas d'électricité, la majorité de la population ne parle pas le français et va au cinéma... tous les trois ans.
Une bonne centaine de personnes, en majorité des enfants, attendent « L'Estafette » sur le wharf : la visite d'un bateau est un tel événement 1
Aussitôt dégagé du poste de manœuvre, chacun s'égaille, sauf si l'injustice du sort le fait appartenir au quart de service. Certains tentent de faire le tour de l'île, aventure aussi incertaine que l'état de la piste. D'autres partent dans l'intérieur ; ils reviendront fourbus, mais enchantés, ramenant des provisions de vanille. Quelques uns enfin découvrent la mission catholique perchée sur un plateau, on y trouve tout : une chapelle bien sûr, mais aussi un dispensaire, une école et un petit centre de formation professionnelle.
Au soir, tout le monde retourne à bord pour accueillir les invités, au premier rang desquels se trouvent les deux rois de l'île. Car Futuna, voulant sans doute surpasser sa voisine, s'est offerte le luxe d'une double royauté. Ce qui ne va pas sans rivalité entre les deux détenteurs de la couronne.
Pendant ce temps, l'opérateur de cinéma connaît son heure de gloire, mille personnes rassemblées sur la place du village regardent, bouches bées, les films sortis des soutes de « L'Estafette ».
Mais le marin doit repartir : il faut ranger les colliers de fleurs dans les caissons, rouler les « tapas » de Futuna avec ceux de Wallis et reprendre la barre. Notre route nous mène à la dernière étape : Port Vila, capitale du Condominium franco-britanique des Nouvelles Hébrides.
Curieux pays : deux monnaies (francs néo-hébridais et dollars australiens), deux gouverneurs (un anglais, un français), deux juges, deux polices... l'énumération n'en finit pas. Même les portraits officiels sont dédoublés : à la poste, la photo de la reine Elizabeth trône à la droite de celle du président de la République française.
Les Français sont nettement plus nombreux que les Anglais. Néanmoins, l'influence britannique est sensible, notamment aux environs de Port Vila, où l'on se croirait, cocotiers mis à part, dans une campagne anglaise : mêmes pelouses bien tondues dans des jardins parfaitement tenus.
Une fois de plus, l'équipage de « L'Estafette » part à la découverte. Ceux qui se sont levés tôt iront flâner au pittoresque marché de Port Vila : des femmes canaques, habillées de robes missions aux couleurs vives vendent des noix de coco, empilées sur des feuilles de bananier, à même le sol. D'autres, moins matinaux, préfèrent les joies de la baignade et du farniente sous les cocotiers. Les derniers enfin dans la soirée, iront animer l'ambiance des night-clubs de Port Vila.
Au petit matin, après avoir récupéré les derniers permissionnaires, « L'Estafette » franchit les passes de Port Vila. Direction la Nouvelle Calédonie. Au pays du nickel et des terres rouges, les nombreux pâtés de coraux du lagon attendent l'arrivée de « L'Estafette » pour être repérés et portés sur les cartes.
Quelques jours plus tard, « L'Estafette » entre en rade de Nouméa, saluée par les accents d'une musique militaire. La joie de retrouver famille et amis, se mêle aux souvenirs agréables de ces trois semaines de mer et d'escales.
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