Pierre Loti Hendaye Pays Basque Juana Josefa Cruz Gainza Ramuntcho
5 villes ont célébré l'anniversaire du décès de Pierre Loti : Paris, Toulon, Rochefort, Paimpol, Rosporden. Je pense qu'une sixième aurait été la bienvenue : Hendaye pour évoquer la mémoire de Crucita devenue sous la plume de l'écrivain Conchita.
A la lecture de Ramuntcho, roman écrit entre 1891 et 1896, on se demande ce qu'il y a de commun entre l'esprit du roman et la vie de cette famille basque qui n'a connu que la vie de Rochefort et le pays charentais.
En 1891, Loti prend le commandement de la canonnière Javelot qui assure sur la Bidassoa le contrôle de la frontière entre la France et l'Espagne. C'est par le canal du midi que le Javelot passera de Toulon en Méditerranée à Bordeaux sur l'Atlantique en janvier 1886.
Dans le vieux quartier, rue des Pêcheurs, se trouve la maison "Bakhar Etchea": la "maison du solitaire"... Loti y habite de 1891 à 1893, puis de 1896 à 1898, et y meurt le 10 juin 1923 à l'âge de 73 ans.
"Aujourd'hui... tandis que je suis seul,
à ce point extrême où finit la France,
assis, sur ma terrasse qui regarde l'Espagne,
l'âme du Pays Basque, pour la première fois m'apparaît."
Dans son cercueil seront déposés conformément à sa volonté trois objets :
la pelle avec laquelle il avait joué à Rochefort et Oléron, souvenir d’une tante aimée, symbole de son enfance et de son enracinement ;
une serviette ayant appartenu à Hatidjé (Aziyadé), souvenir de son plus grand amour, symbole de sa jeunesse et de l’Orient ;
sa pala, souvenir de sa vie hendayaise, symbole de son âge mûr et de son goût pour le jeu.
C'est là qu'il rencontre Crucita à la fin de 1893, lorsqu'au milieu de faciles et éphémères amours, Loti découvre une beauté basque, beauté vigoureuse et fraîche, type sans mélange et idéal de la saine race basque aux yeux noirs, et résolut d'avoir une descendance basque.
Le 27 novembre, tout se décide : c'est Crucita qui sera l'épouse basque de l'écrivain, et le 3 juillet 1894 il écrit dans son journal intime :
"C'est un soir, de l'autre côté de la Bidassoa, que j'ai retrouvé Conchita, grande et élégante dans sa mantille noire, sur la route solitaire d'Irun ; elle était pâle et malade de l'angoisse de quitter son cher pays, mais son parti était pris, elle avait décidé de me suivre à Rochefort, nous échangions nos premiers baisers de fiancés".
Crucita quitte son pays basque en 1894, à 26 ans, et n'y retourne qu'à la fin de sa vie, vers les années 1930, pour y mourir en 1949.
A Rochefort, Crucita est exilée, seule dans un faubourg au milieu d'étrangers. Le seul lien qu'elle avait avec son pays, c'était ce curieux homme, qui se montrait un maître bienveillant, mais disparaissait après avoir passé une heure ou deux auprès d'elle.
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certainement l'un de mes premiers livres de la bibliothèque verte |
Enfouie dans les mémoires rochefortaises, la famille basque de Pierre Loti garde une partie de son mystère, en particulier Raymond Gainza, le "Ramuntcho" rochefortais, sa vie écourtée, les circonstances mêmes de sa mort à 31 ans, quelques mois après sa jeune femme, dont il semblait séparé.
Le samedi 1er septembre 1894, Crucita le visage caché sous une voilette arrive à minuit à Rochefort. Elle découvre le 31 rue Neuve, actuelle rue Pasteur actuelle.
"Sa petite maison du faubourg", très modeste, sans confort, qu'elle partage avec d'autres locataires. Cette maison possède une seconde porte qui donne sur les allées Chevalier (chemin de ronde de l'hôpital maritime). Presque chaque soir, Loti va passer un moment avec elle, faisant parfois une promenade par les allées Chevalier où donne une porte du jardin. Et rapidement elle devient sa "femme de chair".
En octobre elle est enceinte d'un enfant qui naît dans la nuit du 29 au 30 juin 1895. Loti décrit les souffrances de Crucita au moment où, debout près de son lit, il assiste aux manipulations sanglantes de la sage-femme et du docteur, jusqu'à ce qu'apparaisse enfin le petit Basque qu'il souhaitait. Le médecin accoucheur, Auguste Armand Lacroix, officier de la Légion d'Honneur, déclare l'enfant "né des œuvres de parents qu'il n'a pas mission de nommer"...
Le 10 juin 1896, Crucita reconnaît cet enfant prénommé Raymond, et entend le faire jouir de tous les avantages accordés par la loi.
Par la suite, le 13 décembre 1897, le docteur Lacroix déclare la naissance d'Alphonse Lucien, né des oeuvres de parents qu'il n'a pas mission de nommer.
Cet enfant sera connu sous le prénom d'Edmond. Le 8 juin 1906, soit neuf ans après, il sera reconnu par Mademoiselle Juana Josepha Cruz Gainza, sujette espagnole.
Le 20 janvier 1900, le docteur Lacroix déclare la naissance de Charles Fernand, toujours des oeuvres de parents qu'il n'a pas mission de nommer...
"Au fond du grand jardin d'une maison de faubourg, j'étais assis, au beau crépuscule, en compagnie de trois tout petits garçons, d'un an, trois ans et cinq ans. Leur mère, qui était aussi là, tenait sur ses genoux le plus petit qui ne voulait pas dormir et gardait obstinément ouverts ses yeux de jolie poupée. Aucun bruit ne nous venait de la ville toute proche et, depuis un instant, nous parlions à peine. Ce soir-là, c'était l'odeur grisante des clématites qui dominait dans l'air; elles couvraient, comme d'une épaisse neige blanche, déjà un peu noyée d'ombre, le toit d'une vieille petite cabane rustique, presque maisonnette à lapins, dont la fenêtre ouverte, non loin de nous, laissait paraître l'intérieur tout noir. Pauvre petit, aux larges yeux de poupée, qui ne fit qu'une si courte visite aux choses de ce monde !
Je l'ai à peine connu la durée d'une saison, car il était né pendant un de mes voyages aux Indes et il fut emporté par une épidémie infantile pendant que j'étais en Chine. Pauvre tout petit, qui regardait, comme hypnotisé, le dedans obscur de la cabane aux clématites !"
Sources
LA FAMILLE BASQUE DE PIERRE LOTI À ROCHEFORT DE 1894 À 1926 - Roger Tessier
SUR LES PAS DE PIERRE LOTI À HENDAYE
par Jean-Louis Marçot
Ramuntcho
J'ai découvert qu'un film réalisé par Pierre Schoendoerffer en 1958 et sorti en 1959 portait ce nom. Inspiré du roman de Loti, il est adapté pour le cinéma par Jean Lartéguy et Pierre Schoendoerffer.
Le roman, publié en 1892, où Pierre Loti décrit un Pays Basque folklorique qui a marqué l’image de cette région au grand dépit des défenseurs de l’identité basque.Ramuntcho dort. Tout à l'heure, il partira pour une de ces expéditions clandestines dé l'autre côté de la frontière espagnole qui sont le métier secret de tant d'hommes au pays basque. Dans la salle basse, sa mère Franchita songe. II s'est déjà fait une solide réputation de joueur de pelote et le voilà maintenant qui tâte de la contrebande. Il suit les traditions de sa race, alors pourquoi s'inquiéter de l'avenir ? De plus il s'entend bien avec Gracieuse, fille de Dolorès Detcharry qui fut l'amie d'enfance de Franchita jusqu'à la fugue de celle-ci avec l'étranger, le père de Ramuntcho.
Le mariage des enfants serait une belle revanche sur cette Dolorès orgueilleuse et bigote.Oui, Gracieuse aime Ramuntcho et lui promet de l'épouser quand il reviendra du service militaire. Seulement la séparation dure trois ans, pendant lesquels Dolorés se déchaîne : plutôt que de la donner au fils de Franchita, elle préfère l'enfermer au couvent.
D'un couvent ne peut-on sortir ? C'est Arrochlcoa, le propre frère de Gracieuse, qui en suggère l'idée. Projet sacrilège mais bien tentant pour un amoureux. C'est sur un enlèvement manqué que s'achève ce roman célèbre où Pierre Loti dépeint avec talent l'âme et le pays basques.
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