25 avril 2022

Des marins à Paris Crues de 1910

Des marins à Paris Crues de 1910


En 1910, détenir un appareil photo et savoir s'en servir est de plus en plus courant. 
Les éditeurs de cartes postales depuis l'exposition universelle de 1900 foisonnent utilisant les clichés d'amateurs ou de professionnels. Tous les principaux évènements de l'actualités vont être suivis par des photographes : accidents, chemins de fer, visites officielles, expositions, etc.




 L'inondation de Paris devient la première catastrophe de cette envergure dont les nouveaux médias s’emparent : la presse à grand tirage, illustrée de photographies, servie par des agences de presse structurées (plusieurs quotidiens tirent alors à plus d’un million d’exemplaires), des cartes postales, des albums souvenirs, et même des films, illustrent la crue par des scènes souvent posées, mises en scène voire reconstituées pour les besoins de l’image. 

De fortes pluies tombent sur le Bassin parisien du 28 octobre au 9 décembre, puis du 15 au 31 décembre 1909. Les nouvelles précipitations, neige et pluie, qui s’abattent du 9 au 20 janvier 1910 sur les sols déjà saturés d’eau entraînent une crue record de la Seine et de certains de ses affluents. 

Du 20 au 28 janvier, les eaux ne cessent de monter, atteignant 8,62 mètres à Paris (jusqu’à la barbe du Zouave du pont de l’Alma), soit 6 mètres au-delà de la cote d’alerte. 

Le 26 janvier, le préfet de la Seine convoque une session extraordinaire du conseil municipal pour organiser les secours. Il s’agit de faire face à cette catastrophe envers laquelle les services habilités semblent mal préparés. Ces mesures d’urgence doivent répondre à deux besoins : l’aide aux personnes et l’arrêt de la propagation des eaux. 

Il est décidé de faire appel au ministère de la Marine et aux soldats du Génie de l’armée de Terre pour assurer des opérations de secours, jusque là réalisées par les services municipaux, la police et les sapeurs-pompiers.  Les marins réquisitionnés par le préfet Lépine arrivent à Paris avec 300 canots Berthon, barques pliables à fond plat.  

Dans la capitale, inondée sur 500 hectares, 20 000 immeubles sont touchés, et 150 000 habitants sinistrés. La ville est paralysée : on ne peut s’y déplacer qu’en barque, le métro, les trains et les usines cessent de fonctionner. 

La Marine à Alforville

Il en va de même dans de nombreuses communes de proche banlieue. La lente décrue, qui dure trente-cinq jours, révèle des dégâts considérables.



La tâche est énorme : 20 000 immeubles inondés (sur les 80 000 que compte la capitale), 150 000 personnes sinistrées. Plus encore que Paris, la banlieue est durement touchée et 200 000 personnes cherchent refuge dans la capitale, où les capacités d’accueil sont plus importantes. Des pompes d'épuisement sont mise en action. 

L'eau est pompée et évacuée en plusieurs endroits stratégiques de la ville, le but étant d'abord d'évacuer les souterrains et les voies de chemin de fer. Ces pompages mécaniques rapides ont parfois pour conséquence de provoquer des affouillement (érosion due à un courant rapide) avec risque d’effondrement de maisons. 

Un diplôme pour les Marins bretons


L’image intitulée Souvenir des inondations de Paris 1910 est une lithographie réalisée en 1910 par Jean-Bertrand Pégot-Ogier (1877-1915), peintre, dessinateur et illustrateur français. De 1909 à 1913, il collabore au journal hebdomadaire Le Breton de Paris par des chroniques d’art ainsi que des dessins et illustrations. En février 1910, le Dr Le Fur, fondateur du journal en mai 1908, lui commande la réalisation d’un diplôme d’honneur par lequel le journal souhaite rendre hommage aux marins bretons pour leur rôle pendant les récentes inondations de Paris. En effet plusieurs dizaines d’entre eux, équipés de barques appartenant à la ville, se sont dévoués pour assurer les déplacements dans les rues submergées, permettant entre autres à de nombreux Parisiens de se mettre à l’abri. Le diplôme réserve une place, en bas à droite, pour le nom de son futur titulaire.



Encadrée de petites bouées de sauvetage, la lithographie montre les quais de la Seine à Paris, symbolisée par la tour Eiffel et le Palais du Trocadéro se détachant à l’horizon. Les lampadaires largement immergés témoignent du niveau de la crue, et c’est à perte de vue que s’étend ce paysage aquatique. Au premier plan, deux barques se touchent, dirigées par des marins bretons à la rame, à la gaffe ou à la pagaie. La plus grande transporte femmes, enfants et paquets.

Lié à la Société de la mutualité bretonne, Le Breton de Paris est un journal « fait par des Bretons et pour des Bretons » pour informer, aider et organiser leur importante communauté – plus de 200 000 personnes établies à Paris et dans sa banlieue en 1910. En effet, suite à la misère et à la forte natalité qui régnaient alors en Bretagne, la seconde moitié du XIXe siècle a vu ces populations rurales émigrer en masse et partir chercher du travail à Paris.


Ce diplôme a pour objet de revaloriser l’image de ces immigrés, travailleurs pauvres souvent craints et mal vus par la population parisienne. Dans leur élément nautique accidentellement transposé à Paris, les Bretons révèlent leurs vertus : c’est avec compétence, sérénité, donc en toute sécurité, que les marins transportent leurs passagers sur les eaux de la Seine. Bien sûr, il s’agit de vendre l’hebdomadaire que le diplôme accompagne, mais aussi de renvoyer une image « héroïque » des Bretons aux immigrés eux-mêmes, aux Bretons de Bretagne ainsi qu’aux Parisiens. Le « souvenir » ainsi proposé, qui s’apparente aux images touristiques, entretient une mythologie du Breton, marin solide sachant garder le cap dans la tempête.


LE DÉVOUEMENT DES MARINS BRETONS

On n'a peut-être pas assez dit combien est admirable la conduite de nos soldats et de nos marins qui assurent le sauvetage, le ravitaillement et le transport dans tous les quartiers sinistrés. Les soldats agissent sous les ordres de leurs officiers. Les marins sont isolés avec leurs petits berthons. Ils travaillent du matin au soir, les jambes nues dans l'eau glaciale, multipliant leurs voyages, toujours prêts à la corvée et toujours de bonne humeur.


Ils effectuent quatre à cinq cents voyages par jour et ce n'est que sur les instances de leurs officiers qu'ils consentent à retourner à la caserne de la Cité pour prendre un peu de repos.

La plupart sont partis des ports l'improviste; n'ont aucun effet de rechange. Comme ils n'hésitent en aucun cas à se mettre à l'eau ils restent trempés. L'eau douce n'est pas l'eau salée, et nos pauvres marins risquent à chaque instant la fâcheuse pneumonie.


Plusieurs sont déjà entrés à l'hôpital l'un d'eux, un matelot-clairon, venu de Lorient, a eu la jambe gelée après dix heures ininterrompues de séjour dans l'eau. Un gabier a du être exempté de service, ayant contracté un effort il la cuisse en transportant sur les épaules, au Palais-Bourbon, un député de plus de 120 kilos.


En tout vinrent à Paris 500 marins des ports de Toulon, Brest, Lorient, Rochefort et Cherbourg, lesquels apportèrent avec eux 250 canots Berthon. On sait que ceux-ci, ainsi appelés du nom de l'officier qui les inventa, sont des canots pliants en toile, usités sur les torpilleurs surtout à cause de la place moindre qu'ils demandent.


Ces 500 marins ont été éparpillés par petits groupes, variant de 2 à 20, avec un nombre de canots proportionnel, à travers Paris et sa banlieue. Ceux-ci y ont remplacé les mariniers de fortune du début, payés par la ville 6 fr. par jour et qui avaient souvent le tort de réclamer de leurs passagers des rétributions qui ne leur étaient point dues.

A ces postes divers, beaucoup furent envoyés dès le quai de débarquement. Ainsi ceux de Lorient coururent ils depuis Montparnasse-Marchandises opérer d'urgence l'évacuation de l'hôpital Boucicaut bien qu'ils n'eussent pas mangé depuis 20 heures. Certains étaient à Paris depuis 5 jours qu'ils ne connaissaient point encore la caserne de la Cité qui est leur casernement. C'est à la caserne de la Cité en effet que se centralisent les demandes des commandants de secteur.

Organisation identique à celle du navire, avec ses misions hors du bord, ses quarts, sur ta terre ferme.


La caserne de la Cité a pour grand chef le capitaine do frégate Charles Monnet, ancien combattant de Chine et de Madagascar, plus récemment commandant du Descartes dans l'affaire du Maroc. Sept lieutenant de vaisseau sont placés sous ses ordres MM. Lhomond, de Rotalier, Alliez, Hébert, Darde, Guédeney et de Rugy.


Dans les quartiers où ils opèrent les marins s'ont à leur initiative. Ils n'ont que cette consigne passer sur l'eau, les gens qui le demandent et se transporter ici ou là suivant les indications de l'autorité. Cette dernière amène sur place leur subsistance et leur couchage.


Sources 

Gallica BnF
L'Ouest-Eclair 3 février 1910


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