le courrier du corps expéditionnaire Chine 1900
En lutte contre le pouvoir mandchou et contre la présence occidentale en Chine, des sociétés secrètes s’organisent en système d’opposition à l’empereur. La plus célèbre est la société du Lotus blanc.
La secte dite des Boxeurs est fondée vers 1770 dans les campagnes chinoises du Chan-tong, au sud de Pékin. Son appellation occidentale est une mauvaise traduction de son nom chinois : Yi-ho k'iuan (le poing de la concorde et de la justice).
Initialement opposée à la dynastie des Mandchous autant qu'à la domination des Occidentaux, les Boxeurs ont trouvé une alliée inattendue en la personne de l'impératrice douairière Ts'eu-hi (Cixi) ; celle-ci dénonce volontiers l'emprise des Occidentaux sur son pays pour mieux consolider son pouvoir personnel.
Les puissances occidentales s’implantent sur des territoires de plus en plus importants profitant de l’affaiblissement du pouvoir impérial.
La Chine semble enfin réagir après sa défaite contre le japon en 1895 et suite à la mainmise des Russes sur la Mandchourie.
Un groupe de réformateurs encourage le jeune empereur Guangxu à entreprendre la modernisation du pays. Mais la "réforme des Cents Jours" est neutralisée par l'impératrice douairière Cixi dont l'entourage regroupe les éléments les plus conservateurs de la Cour. Ce climat de réaction profite aux Boxers, qui drainent les mécontentements et les frustrations accumulés par les Chinois contre les "barbares d'Occident".
Le 10 juin 1900, Ts'eu-hi demande devant son Grand Conseil que soient chassés sans retard les étrangers. Violemment xénophobes, les Boxers sèment la terreur dans toutes les provinces du Nord. À Pékin, excités par un prince de la Cité interdite, Touan, ils assiègent les légations étrangères et assassinent le ministre allemand Von Ketteler. Ils font la chasse aux chrétiens chinois considérés comme des alliés des occidentaux et des traîtres à leur pays et aux prêtres européens, massacrant les uns et les autres. Ils font par ailleurs le siège des Légations, les blocs d'immeubles réservés au logement des étrangers. Ces derniers prennent leurs dispositions pour un siège de longue durée. Malheureusement pour les apprentis sorciers de la Cité interdite, la révolte ne dépasse pas les limites de la capitale et le pays, dans son ensemble, ne bouge pas.
Il faudra attendre deux mois avant qu'une armée formée par huit nations vienne rétablir l'ordre avec une violence égale à celle des rebelles. Pour une fois unis, Anglais, Américains, Allemands, Autrichiens, Italiens, Français, Russes et même Japonais organisent un corps expéditionnaire sous le commandement du général allemand Alfred von Waldersee. Les soldats occupent le port de T'ien-tsin le 14 juillet 1900 et entrent à Pékin un mois plus tard. La Cour prend le large sans attendre, l'orgueilleuse impératrice Ts'eu-hi ne craignant pas de se déguiser en paysanne pour l’occasion !
Par le traité qui clôt le conflit, les représentants de l'impératrice conviennent de verser d'énormes réparations financières aux Occidentaux échelonnées sur... quarante ans (au total 1600 millions de francs or).Ts'eu-hi doit aussi sacrifier certains princes de sa dynastie. Les organisateurs des massacres reçoivent «la permission de se suicider» cependant que les Boxeurs captifs sont décapités en grand nombre.9 juillet 1900
Ministre au préfet maritime à Toulon
Monsieur le vice-amiral,
« Mon intention serait de pourvoir le corps expéditionnaire de chine d’un service spécial chargé d’assurer les communications postales et qui serait placé sous la direction d’un adjudant et de deux sergents et d’un certain nombre de militaires.
J’ai, en conséquence, l’honneur de vous prier de vouloir bien au préalable me faire connaître s’il existe dans la 2e brigade, un adjudant et deux sergents susceptibles d’être désignés pour ce service et d’en assurer l’exécution dans des conditions satisfaisantes ». (En marge au crayon Lallemand Wuillet Ratier)
Le bureau de poste du Corps Expéditionnaire français
En pleine exposition universelle de Paris, le corps expéditionnaire français se prépare.
Les premières troupes quittent l’Indochine, le Tonkin et l’Annam. Un corps expéditionnaire s’organise en France pour rejoindre la Chine et remplacer le premier contingent.
Pour les familles la séparation est dure, en l’absence de média, le seul lien reste le courrier et le colis postal.
Joseph Kuntz, un militaire de Roubaix, en août 1900, à peine embarqué sur l’Adour, demande à son frère Pierre de lui envoyer « diverses petites choses ». Aussi tôt dit aussi tôt fait, Pierre se rend au Chemin de fer afin d’expédier son colis. Les employés trouvent l’adresse « à bord de l’Adour » insuffisante et refuse de le prendre en charge. Mais finalement ce refus arrange Pierre Kuntz car le montant demandé pour envoyer le colis à Saïgon ou à Takou (port qui dessert Tiensin) lui semble exorbitant.
Les employés du Chemin de fer lui laissent par ailleurs peu d’espoir et aucune garantie sur la bonne délivrance du paquet. Décidé à satisfaire son frère, Pierre Kuntz écrit immédiatement au Ministre de la guerre « Mon frère fait partie de l’expédition de Chine. Il a dû s’embarquer hier à bord de l’Adour. Dans une lettre qui m’arrive aujourd’hui il me demande quelques petites choses… » Il évoque le coût important du port du colis et demande la gratuité pour son colis «comme pour la correspondance le port ne serait-il pas gratuit.»
Il sollicite du Ministre une «manière sûre de faire parvenir ce colis à bonne destination ».
Le Ministre doit entendre la supplique car dès septembre, il fait répondre par le Maire de Roubaix « qu’à la suite des pourparlers engagés par M. le Ministre du Commerce avec la Compagnie des Messageries Maritimes en vue de relier prochainement par un service annexe l’escale de Nagasaki à Takou, les colis postaux seront expédiés de France moyennant une taxe de 4,10f ».
Il ajoute que « d’autre part, j’ai décidé que les vapeurs affrétés par mon département pour le transport en Chine du personnel et du matériel emporteront gratuitement les petits colis destinés aux militaires du corps expéditionnaire ; ces colis devront être adressés, affranchis pour la France, à M le Contre-amiral commandant la Marine à Marseille, mais il est nécessaire qu’ils parviennent à ce poste au plus tard à la fin du mois de septembre ».
L’armée n’a cependant pas attendu la lettre de Pierre Kuntz pour mettre en place un service postal par l’intermédiaire du Services de la Trésorerie et des Postes. Les archives du Service Historique de l’Armée de Terre renferment un dossier à ce sujet (CHINE 11H27)
Depuis la loi de 1871, les militaires en campagne bénéficient de la franchise postale.
Les militaires et marins stationnés dans les colonies ou sur les bateaux bénéficient depuis 1792 du régime intérieur français quand ils ne sont pas en campagne.
Une série d’échange entre les principaux ministères concernés va réglementer ces transports.
Le 6 juillet 1900, l’Etat-major Général de la Marine note pour le cabinet du Ministre que la loi du 30 mai 1871 concède la franchise postale aux troupes en campagne. « J’ai en conséquence l’honneur de prier Monsieur le chef de cabinet de vouloir bien examiner si le moment ne serait pas venu pour le département de se concerter avec l’administration des Postes et Télégraphes en vue de faire accorder le bénéfice dont il s’agit aux militaires et marins du corps expéditionnaire en Chine ».
Puis le 9 juillet, le Ministre décide de constituer un service spécial chargé des communications postales, le télégramme officiel précise :
L’affaire est évoquée au Conseil des Ministres très rapidement qui donne son accord :
21 juillet 1900
Ministère des Finances à Ministère de la guerre
« Le conseil des ministres ayant décidé dans sa séance de ce jour, qu’un service de la Trésorerie et des Postes aux armées serait constitué auprès du corps expéditionnaire de chine, sous la direction d’un Payeur général. J’ai l’honneur de vous informer que je viens de désigner, pour être placé à la tête du service, M PRUDOT, receveur particulier des finances, payeur général des armées.
Je vous serai obligé de vouloir bien accréditer d’urgence M Prudot auprès de M le Général commandant le corps expéditionnaire. »
Dès lors les événements s’enchaînent très rapidement. Le service sera constitué de 15 personnes :
24 juillet n°362
Ministère des finances à Ministre de la guerre
Le Service de la Trésorerie sera composé
1 payeur général
1 payeur principal
2 payeurs particuliers
5 payeurs adjoints
6 commis de trésorerie
le 26 juillet 1900, le Ministre de la Guerre écrit au Général VOYRON pour demander l’accréditation de M PRUDOT comme payeur général puis le 28 juillet 1900 il est demandé pour le personnel devant partir la date d’embarquement et le versement de 2 mois de solde et de l’indemnité d’entrée en campagne idem à celle pour Madagascar.
Il est demandé des « Indemnités diverses fournitures de bureau pour le payeur général 5000 francs » et une indemnité pour le chef de comptabilité 1000 francs.
ci-dessous la liste des agents le montant des primes diverses.
Le Ministre du commerce négocie avec les compagnies maritimes pour le transport du courrier qui voyagera sur des lignes existantes puis sera transféré sur des lignes nouvelles.
6 septembre 1900
La Compagnie des Messageries Maritimes en concordance avec les paquebots de la ligne de Chine assurera un service annexe entre Nagasaki et Tchefou et éventuellement Takou
Ce service sera assuré par le vapeur Eridan au passage à Nagasaki de l’Indus le 14 septembre.
20 octobre 1900 Ministère de la guerre
Suite à l’entrée des troupes alliées dans Pékin et des travaux de réfection des voies ferrées, le rétablissement de la ligne de chemin de fer Hongmou à Chanhaikouan implique le service des colis postaux entre la France et Takou pendant l’été et entre la France et Chanhai Kouan pendant l’hiver
Il est décidé que la taxe des colis postaux sera la même que pour les colis postaux à destination du bureau français de Shanghaï. Ils peuvent être déposés dans les bureaux des gares de France, Corse et Algérie pour le paquebot partant de Marseille le 18 novembre.
Les colis seront remis à Takou au service de l’Etat-major
Des bureaux de poste français en Chine sont instaurés dans le cadre des traités dits « inégaux » qui ont permis aux puissances coloniales (Royaume-Uni, puis France, Pays-Bas, Allemagne, Russie, États-Unis) de développer une activité commerciale.
En matière philatélique et postale on peut rencontrer quatre situations différentes :
- Utilisation de timbres français avec marques postales locales
- Utilisation de séries générales, avec la mention « CHINE » émises spécialement pour la Chine par l'administration française,
- Utilisation de séries générales en dépendance de l'administration indochinoise,
- Utilisation d'émissions purement locales
25 juillet 19001
Les effectifs des troupes en chine se répartissent de la manière suivante : Pekin 300 ; Tientsin 1500 ; Chun Liang Ching 300 ; Tong-Kou 300 ; Chan Hai Kouan 300 soit environ 2700 hommes.
La guerre gagnée, le ministère va procéder à une diminution des effectifs, il ne restera que 3 agents à Tien Tsin ; 1 à Tong-Kou et à Shanghaï
Ministère de la marine 23 août 1900 Etat-major le vice-amiral chef d’Etat-major
Colis destinés aux soldats marins opérant en Chine
« D’après les indications fournies par M Millerand les colis postaux seront expédiés de France moyennant une taxe de 4f10 »
Circulaire n°30
Les colis postaux seront reçus de la marine à Tong Kou par l’officier d’administration des subsistances gérant d’annexe du magasin de distribution et dirigés sur le magasin de campement de Tien-Tsin.
L’officier d’administration comptable du campement de Tien-Tsin les fera prendre à la gare transporter à son magasin et trier par corps, direction ou services
A Tien-Tsin, les petits dépôts des corps, les directions et les services seront prévenus par la voie du rapport de la place de l’arrivée des colis postaux
Les vaguemestres des dépôts, directions et services feront prendre au magasin du campement les colis postaux dont les destinataires relèvent de leur corps ou service….
11 novembre 1900
Les colis expédiés sont manipulés de nombreuses fois et il est enregistré de nombreuses plaintes sur l’état des colis à l’arrivée et sur des vols.
Sur 169 colis 15 étaient en mauvais état, 5 en très mauvais état, 1 presque vide, 3 entièrement vidés…
Il est évident au vu du nombre de manipulations que ce n’est la faute de personne… L’armée renvoi la responsabilité aux Messageries Maritimes qui déclare qu’elle remet des sacs plombés aux croiseurs et qu’il n’y a jamais eu de remarques de la part des marins recevant ces colis… La Marine diligente des enquêtes à bord, à terre notamment au centre de tri. Après quelques inspections, les colis semblent rester entier.
29 novembre 1901 Ministre de la guerre au ministre de la marine
Saisi par ministre du commerce de l’industrie et des postes et des télégraphes étudie le projet de création d’une ligne de navigation Shanghaï Tong-Kou Tien-Tsin via Tche-Fou
M Chazalon demande à l’état 45000 francs par mois pendant 3 ans pour créer cette ligne. La somme demandée est identique à la somme allouée à la Compagnie des Messageries Maritimes pour le service Nagasaki Tche-Fou et Takou.
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