24 octobre 2020

Pêche expérimentale aux îles Kerguelen SNPL Jutland III

Quelques éléments qui permettront (peut-être) de comprendre les raisons de cette campagne de pêche expérimentale ) Kerguelen... les 200 milles, les quotas, la surexploitation,  l'économie...


La division des espaces continentaux entre diverses entités politiques est différente de celle des espaces maritimes dans la mesure où une frontière terrestre ne concerne que les États qu'elle sépare tandis qu'une frontière océanique concerne éventuellement plusieurs États. Cette différence reflète la nature de la haute mer et l'acceptation générale du principe selon lequel tous les États ont des droits égaux pour l'usage des eaux localisées au-delà de leurs limites nationales. Toute extension de ces limites menace les intérêts des États utilisant des portions riveraines de la haute mer. Une telle extension concerne finalement tout le monde car la réduction de la superficie de la haute mer diminue ce qui est ouvert au libre usage de tous les États. 


Avec 96.000 kilomètres de côtes ouvertes sur trois océans (Atlantique, Arctique, Pacifique), le Canada est le premier État côtier du globe et il en possède le deuxième plateau continental qui représente 40% de son territoire émergé. La pêche fait travailler au Canada plus de 55.000 pêcheurs auxquels s'ajoutent 22.000 personnes employées dans le traitement et la commercialisation des produits. Les activités de la pêche contribuent pour près de un milliard de dollars au revenu national (dont 50% à l'exportation). 


Pour faire face à cette crise, le gouvernement fédéral a donc établi la zone des 200 milles tout en formulant une politique cohérente et globale de la pêche. Mais, malgré l'extension territoriale de la compétence canadienne, les ressources au large de la côte atlantique ne peuvent assurer à un nombre croissant de pêcheurs une vie décente. D'où la politique des quotas mise au point dès 1977 vis-à-vis des flottilles étrangères. 


Aussitôt, le résultat s'est avéré positif pour les chalutiers canadiens. En 1977, avec 972.000 tonnes capturées, les prises avaient augmenté de 10% sur celles de 19764 . En 1978, les flottilles étrangères étaient pratiquement éliminées. Pêches Canada estime, en effet, qu'il va falloir une quinzaine d'années pour que les stocks de morue atteignent 85% de leurs niveaux maxima antérieurs à 1970.



Depuis le 1er janvier 1977, les armements français conservent le droit de travailler dans les 200 milles canadiens, à condition d'acheter des licences de pêche et de respecter la réglementation locale concernant les prises. Mais la position canadienne devient de plus en plus dure en termes de quotas, de jours de pêche et d'espèces autorisés. Ces trois facteurs s'additionnent territorialement sur les secteurs délimités par l'ICNAF/NAFO. Quelques exemples permettent de mieux saisir ce que cela signifie sur les lieux. En 1979, un quota de 31.855 tonnes de morue était attribué à la France (dont 4.435 pour Saint-Pierre et Miquelon). 



Pour les espèces autres que la morue, seul le petit département d'outre-mer se voyait attribuer 4.702 tonnes pour la même année. Depuis 1976, le Canada a unilatéralement interdit toute pêche étrangère dans le secteur 4T de l'ICNAF/NAFO. En 1979, il fermait les secteurs 2J, 3K et 3L. 



Les secteurs 4X, 4W et 4Vs sont interdits pour la pêche à la morue. Pour la campagne 1979, le Canada a imposé des jours de pêche à la flotte française dans certains secteurs: ainsi le 3Ps n'est accessible que pendant 53 jours aux chalutiers saint-pierrais et 21 jours aux chalutiers métropolitains. Les mêmes chalutiers saint-pierrais n'ont droit qu'à 21 jours dans le secteur 4Yn et 14 jours dans le 3Pn. Le Canada a instauré cette politique draconienne de façon à protéger son stock et à permettre une montée des prix et donc de substantiels bénéfices dans l'écoulement de sa production sur le marché américain. Or, cette politique s'est heurtée à une parade subtile de la part des États-Unis.



L'équipage du Jutland est parti à la découverte de ce secteur totalement inconnu des pêcheurs français. Les seules indications disponibles étaient celles des Soviétiques. La campagne a confirmé qu'elles étaient peu fiables.


Quatre semaines ont été consacrées à la recherche du poisson autour des Kerguelen. Les résultats sont décevants, puisque 78 tonnes seulement ont pu être pêchées. Cependant, une part importante de la campagne a été consacrée à l'étude des lieux de pêche. 


Un millier de sondages permettront de compléter une cartographie imprécise. La campagne du Jutland a été très gênée par des conditions météorologiques particulièrement mauvaises.


Le Jutland a recherché dix jours durant le krill, cette petite crevette qui est la nourriture des baleines. Le bateau s'est approché de la banquise, qui est remontée, cette année, jusqu'au 60e parallèle sud. On a pu constater que les fortes concentrations d'essaims de krill se situent, comme on le supposait déjà, en dehors de la zone économique exclusive des 200 milles nautiques. 

Le terme krill est un mot d’origine norvégienne par lequel les pêcheurs désignaient les petits crustacés, souvent rassemblés en bancs très denses, qu’ils trouvaient dans l’estomac des poissons ou des baleines qu’ils pêchaient. Aujourd’hui encore, on appelle souvent "krill" ces rassemblements de petits, crustacés pélagiques, dont la taille va de quelques millimètres à quelques centimètres.

Les scientifiques estiment que l'on pourrait exploiter, pour l'ensemble de l'océan Antarctique, de 50 millions à 100 millions de tonnes annuellement, sans effet néfaste sur le renouvellement des stocks. La pêche ne pose pas de problème technique particulier.

 Le Jutland a prélevé un échantillon de 5 tonnes.


Au cours des neufs derniers jours de la campagne, le Jutland s'est déplacé à l'ouest des Kerguelen. C'est là que la pêche s'est révélé la plus fructueuse. 

C'est aussi dans cette zone que les marins français ont rencontré quatre navires soviétiques. Le Jutland a laissé trois scientifiques et un lieutenant de la S.N.P.L. à bord de chaque navire soviétique pour le reste de leur campagne. C'est la première fois que des observateurs français peuvent suivre le déroulement des activités soviétiques dans la région.


Outre le krill, quatre espèces de poissons ont été pêchées par les Français. Le " poisson des glaces " (Champocephalus gunari) a constitué 70 % des prises ; de petite taille, il ne peut être traité à bord au rythme de la pêche et il faut le congeler non étêté et non éviscéré, ce qui pourrait avoir des conséquences sur la commercialisation. D'une chair blanche (c'est un poisson à sang blanc) et d'une saveur fine proche de celle de la truite, il donne d'excellents résultats sous forme de pulpe de poisson.

sources 

https://www.erudit.org/fr/revues/ei/1980-v11-n2-ei3001/701044ar/

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