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Atterrage des côtes de Kerguelen Cap D'Estaing Baie de l'Oiseau pointe de l'Arche photo JM Bergougniou |
Ce demi échec ne l'empêche pas, au retour en France, d'être accueilli comme un nouveau Colomb. A Versailles, le roi lui attache de sa main sur la poitrine la croix de Saint-Louis et le nomme, à trente-huit ans, capitaine de vaisseau. Magnifique promotion au choix, qui lui fait « passer sur le corps » de 86 officiers.
Poivre au ministre de Boynes
Le 7 février 1772
Monseigneur, M. de Kerguelen, lieutenant de vaisseaux, chargé d’une expédition pour la découverte des Terres Australes est parti de ce port le 16 janvier dernier sur la flûte la Fortune, ayant à ses ordres M. le Ch. de St Alouarn qui commande la flûte le Gros Ventre.
Ces deux bâtiments sont partis très bien approvisionnés en tout genre, avec de bons équipages, nombreux et bien choisis. Je leur ai donné des magasins de cette colonie pour environ un mois de vivres, j’y ai même ajouté toutes les provisions convenables pour prévenir le scorbut parmi les équipages. Malgré la détresse où je me trouve par la multitude de nos consommateurs, j’ai cru devoir faire un effort pour une expédition qu’il m’a paru que la cour avait à cœur, et dont le succès doit naturellement tourner à l’avantage direct de ces colonies. En effet, Monseigneur, si M. de Kerguelen découvrait un nouveau monde dans la partie australe du globe, aucune nation de l’Europe ne serait plus à portée que nous à l’Isle de France d’en tirer parti. Il se trouve précisément que la saison des ouragans qui ne nous permet pas d’envoyer dehors nos bâtiments, soit à Madagascar, soit aux Indes, et qui nous force à les retenir dans le port même avec peu de sûreté, est la plus favorable pour envoyer aux Terres Australes.
Signé : Poivre
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Derrière la pointe de l'Arche, le cap d'Estaing, la baie de l'Oiseau, port Noël photo JM Bergougniou |
Le 13 février 1772, l'équipage de la flûte du roi la " Fortune " voyait se profiler dans le sud de l'océan Indien "un gros cap très élevé et de hautes terres qui s'étendaient à toute vue depuis le nord-est jusqu'au sud du compas et qui comprenaient environ 25 lieues de côtes". Les îles Kerguelen venaient de faire leur entrée dans le monde.Sous le commandement d'Yves-Joseph de Kerguelen, la flûte la " Fortune " et la petite gabarre (ou " flûte charmante ") le " Gros-Ventre " étaient parties de l'île de France - l'île Maurice actuelle - le 16 janvier 1772. Selon son ordre de mission, " le sieur de Kerguelen [choisi pour] ses talents, son zèle et son activité " devait rechercher dans l'océan Indien, au sud des îles Saint-Paul et Amsterdam, le continent austral qui, croyait-on. occupait une bonne partie de l'hémisphère austral. L'ayant trouvé, il devait " lier commerce et amitié avec les habitants, examiner les productions du pays, sa culture, ses manufactures et voir quel parti on pourrait en tirer pour le commerce du royaume". Au nom du roi, il prit possession de la terre découverte.
Les rapports de Kerguelen
Le gouverneur de l'île de France envoya à Paris un rapport dont on ne sait s'il est l'œuvre de son imagination ou de celle de Kerguelen, sur les délices des nouvelles terres françaises.
Ces îles désolées - Cook eut l'idée, en 1776, de les appeler " îles de la Désolation ", mais ne voulut pas leur enlever le nom de Kerguelen, - battues par des vents incessants, sans arbres, sans habitants autres que des manchots, des pétrels ou des phoques, ne ressemblent pourtant en rien au tableau idyllique qui fut transmis à Paris et qui valut à Kerguelen un accueil triomphale en France.
Pourtant, il fallut bien dire la vérité sur la nature inhospitalière de ces terres, visitées à nouveau entre le 14 décembre 1773 et le 18 janvier 1774. Rentré en France, le capitaine de vaisseau Yves de Kerguelen (qui avait embarqué une femme à son bord) fut traduit devant un conseil de guerre, dégradé, rayé des cadres de la marine et condamné à six ans de forteresse. La Révolution le rétablit dans son grade pendant un moment Kerguelen mourut en 1797.
En résumé, la vie maritime de Kerguelen
Commandant la frégate de 32 canons La Folle du 11 avril au 13 septembre 1767, il assure la protection des pêches françaises sur les côtes d’Islande, mission qu’il réitère du 30 avril au 3 octobre 1768 sur la corvette de 16 canons l’Hirondelle.
Il profite de ces deux campagnes pour effectuer des travaux hydrographiques sur les côtes d’Islande et de Norvège. Du 29 juin au 1er novembre 1770, il commande la goélette l’Aberwrach, armée pour l’instruction des pilotes entretenus de la Marine.
Nommé au commandement du vaisseau de 56 canons le Berryer et chargé d’aller à la découverte de l’hypothétique continent austral, il appareille de Port-Louis le 29 avril 1771 avec l’astronome Alexis Marie de Rochon.
Arrivé à Port-Louis de l’île de France le 20 août, il passe sur la flûte de 24 canons la Fortune et vérifie, du 13 septembre au 8 décembre, en compagnie de la gabare de 16 canons le Gros Ventre, la nouvelle route des Indes découverte en 1767 par l’enseigne de vaisseau Jacques Raymond de Grenier.
Reparti de l’île de France avec ses deux bâtiments le 16 janvier 1772, il découvre, le 12 février, les îles de la Fortune puis une terre plus étendue qu’il prend pour un continent et qu’il baptise « France australe ».
Le mauvais temps l’empêche toutefois de descendre à terre et la prise de possession est effectuée le 13 février par l’enseigne de vaisseau Charles Du Boisguéhenneuc, officier en second du Gros Ventre, dans l’anse du Gros Ventre.
Les deux bâtiments s’étant trouvés séparés, la Fortune rentre isolément à l’île de France le 16 mars et à Brest le 16 juillet.
Le 26 mars 1773, il repart de Brest avec le vaisseau de 64 canons le Roland et la frégate de 32 canons l’Oiseau pour une seconde expédition vers les terres australes.