Une plaque pour les Oubliés de Saint-Paul OP3-2015 30/11/15
Carte postale réalisée à partir d'un dessin d'Emmanuel Lepage |
30 novembre 2015
Maryvonne Le Huludut, fille de Julien Le Huludut a débarqué sur l'île Saint-Paul avec Madame Cécile Pozzo di Borgo, préfet des TAAF pour inaugurer la plaque en bronze destinée à commémorer la mémoire des "Oubliés de Saint-Paul".
Mme Pozzo di Borgo préfet des TAAF à gauche, Maryvonne Le Huludut très émue devant la plaque apposée sur l'île Saint-Paul |
La plaque de l'île Saint-Paul est financée par les TAAF, celle qui sera inaugurée le 20 décembre à Concarneau est financée par l'association. Le square sera dénommé square des Oubliés de Saint-Paul.
"On ne garda que sept personnes : MM. Victor Brunou, manoeuvre originaire de Beuzec-Conq, sa femme Mme Brunou qui était en état de grossesse avancée, Julien Le Huludut, mécanicien et Quillivic, sertisseur également de Beuzec-Conq ; Pulloch et Le Merdy manoeuvres de Pont-Aven et enfin un nègre dénommé François. En tout six hommes dont un noir et une femme..."
"Quoi qu’il en soit, un fait brutal existe sur les sept personnes demeurés dans l’île après le départ de la colonie, il n’en restait plus que trois de vivantes à l’arrivée du navire Saint-Paul en décembre dernier; quatre étaient mortes :
MM. Brunou le 30 août; Pulloch en juillet, le nègre François au milieu d’août et Pierre Quillivic qui s’était noyé le 27 octobre.
Et il convient d’ajouter à cette liste le bébé de Mme Brunou ce qui donne un total de cinq." Ouest-Eclair 1931
Ces plaques ont été réalisées par Jean Lemonnier peintre de la Marine.
Merci aux TAAF pour leur aide et assistance et participation.
Mais revenons sur les évènements en relisant l'Ouest-Eclair du 6 février 1931
Ouest -Eclair
Quimper le 6 février 1931 (de notre rédaction)
Après le discours émouvant de Madame Le Préfet, mon petit message rendant Hommage la plaque est dévoilée sous le drapeau. |
"En mars 1930, la société décida de rapatrier le personnel pêcheurs et ouvriers et de ne garder là-bas que les hommes nécessaires à l’entretien du matériel et au gardiennage. On embarque donc le directeur, les pêcheurs, les spécialistes des services techniques tel que l’opérateur de T.S.F. , le préposé à l’appareil à distiller l’eau etc.
On ne garda que sept personnes : MM. Victor Brunou, manoeuvre originaire de Beuzec-Conq, sa femme Mme Brunou qui était en état de grossesse avancée, Julien Le Huludut, mécanicien et Quillivic, sertisseur également de Beuzec-Conq ; Pulloch et Le Merdy manoeuvres de Pont-Aven et enfin un nègre dénommé François. En tout six hommes dont un noir et une femme". Ouest-Eclair 1931
Quoi qu’il en soit, un fait brutal existe sur les sept personnes
demeurés dans l’île après le départ de la colonie, il n’en restait plus que
trois de vivantes à l’arrivée du navire Saint-Paul en décembre dernier; quatre
étaient mortes : MM. Brunou le 30 août; Pulloch en juillet, le nègre François
au milieu d’août et Pierre Quillivic qui s’était noyé le 27 octobre. Et il
convient d’ajouter à cette liste le bébé de Mme Brunou ce qui donne un total de
cinq.
Rappelons
que les nouvelles communiquées en décembre à l’arrivée du bateau et que
l’Ouest-Eclair a reproduites aussitôt se bornaient à signaler, sans
explications complémentaires, la mort de Pulloch et de Brunou et la noyade de
Quillivic.
Quelle
a été l’existence de ce malheureux?
de
l’enquête que nous avons mené à Concarneau et aux environs au sujet de cette
affaire, nous gardons une impression pénible et, disons le mot, angoissante.
Nous avons lu les documents et nous nous sommes posés cette question : «
est-ce que les ressources étaient suffisantes pour permettre à sept personnes ,
huit puisqu’un enfant est né entre temps, de subsister durant neuf mois sans
soins spéciaux en cas de maladie, sans secours en cas de détresse?
Ecoutons
ces paroles d’un témoin : « lorsque le Saint-Paul
est arrivé le matin du 6 février dit-il à l’île Saint-Paul , nous avons eu beau
faire manoeuvrer nos sirènes, personne n’a donné signe de vie. Nous avons cru
l’île entièrement abandonnée. Enfin Le Huludut s’est présenté, nous avons alors
appris le malheur. Les trois survivants étaient encore bien faibles. Ils nous
racontèrent leurs épreuves.
« Le
ravitaillement promis n’étant pas arrivé à temps, ils ne possédaient plus de
nourriture fraîches depuis plusieurs semaines. La chasse était rendue
impossible par suite de mauvais temps. Rien que du boeuf pour une sorte de pain
-si on peut l’appeler ainsi- qui était d’ailleurs rationné. Et l’un des trois
malheureux épuisés, rendus, eut ce mot qui en dit long : « Si les
trois derniers n’étaient pas morts nous
laissant ainsi leur part de vivres, nous aurions déjà subi le même sort
qu’eux ».
« D’ailleurs
nous n’en avions plus que pour quelques jours »
Aucune
explication précise n’est donnée sur le genre de mort de Brunou, de Pulloch et
du nègre.
« Ils
étaient bien abattis déclare-t-on puis ils tombaient tout à coup. le matin de
leur décès, ils se levaient encore et gardaient leur connaissance jusqu’au
bout. est-ce le scorbut, l’épuisement ou peut-être quelque chose de plus
terrible encore? On le saura sans doute un jour.
Il y a
des détails qui font frémir. Ainsi lorsque Brunou mourut, sa femme dut
elle-même soutenir un côté de son cercueil pour le porter au lieu de repos. Et
pourquoi Pierre Quillivic qui avait 20 ans partit-il en mer le 27 octobre tout
seul sur un frêle canot alors que les éléments déchaînés lui laissaient peu
d’espoir de retour? Pour essayer peut-être de se procurer du poisson à lui et
aux trois autres survivants? Mais pourquoi revit-il ses plus beaux habits ceux
que sa mère lui avait confié à son départ de Bretagne?
Les
explications ne peuvent tarder.
En
vérité, les suppositions que l’on peut faire concernant tous ces faits sont
troublantes n’est-il pas vrai? Espérons que la vérité entière sera bientôt
connue. Du reste dans le bateau qui arriva à Saint-Paul le 6 décembre se
trouvait M. Presse, directeur de la société. Les dirigeants ne peuvent tarder à
envoyer les explications nécessaires que les parents des disparus ainsi que la
population de Concarneau et de la région où la nouvelle est connue réclament
instamment. Il sera bon notamment que l’on sache les raisons qui motivèrent le
retarde trois mois du bateau ravitailleur et aussi celles qui auraient pu empêcher l’envoi en remplacement d’un bateau de l’Etat de
Madagascar par exemple qui n’est qu’à huit gourde Saint-Paul.
photos (c) En mémoire des "Oubliés de l'ile Saint-Paul"
En mémoire des "Oubliés de l'ile Saint-Paul"