18 mars 2022

Un âne pour mascotte Fusiliers marins Dixmude 1914 -1915 Marine nationale

 Un âne pour mascotte Fusiliers marins Dixmude 1914 -1915


Officiellement constituée le 22 août, la brigade compte environ 6 600 hommes : elle est formée par les 1er et 2e Régiments de Fusiliers Marins (rfm), de trois bataillons chacun. Dès le 13 août, les premiers fusiliers partis de Brest arrivent dans la capitale avec une mission de police militaire, pour la protéger et la surveiller. Ils arrivent dans Paris transformé en camp retranché. Cantonnés à Creil, ensuite à Stains, puis à Pierrefitte, ils « rognonnaient d’être ainsi contraints de loger à Paris. Ils aspiraient au danger. Ils avaient la nostalgie du front »

... La brigade résiste du mieux qu’elle peut. Un jour, un officier voyant une dizaine de compagnons tomber les uns après les autres sous les bombes se met à entonner un chant de marin breton. « L’effet est immédiat : ils oublient la canonnade, et, sur la ligne, cinq ou six chansons s’élèvent, déclenchant les rires partout », rapporte Ronarc’h dans un de ses rapports. 

Les Allemands s’agacent. D’autant plus que le 26 octobre, une brigade belge puis 1 200 tirailleurs sénégalais viennent enfin les rejoindre. L’état-major belge, qui apprend que 1 000 marins ont perdu la vie dans cette bataille, décide alors d’inonder une partie de la plaine pour enrayer l’avancée allemande. Les Bretons sont comme sur une presqu’île, entourée par les eaux de la mer du Nord ! Ils sont un peu dans leur élément… Mais les Allemands, qui veulent en finir une bonne fois pour toutes, envoient dorénavant un feu continu sur Dixmude. La position devient intenable. Au matin du 10 novembre, la 4e armée du duc Albrecht de Wurtemberg parvient à pénétrer dans la ville. Cette fois-ci, le repli des fusiliers marins est inévitable. Plus de 2 000 hommes de la brigade meurent au combat lors de cette seule journée…


Dixmude sur les plages des Flandres
La mascotte du régiment est un baudet recueilli en Flandre, « un tout petit âne à la robe cendrée, à la mine placide et l'air goguenard ». Il transporte les blessés lors de la bataille de Dixmude, se couchant sur les chemins et sous les arbres en cas de danger. Baptisé Dixmude par la brigade, il est décoré de la légion d'honneur et de le croix de guerre

Dixmude par Marie Détrée


Lorsque l'unité, dissoute, rentre à Lorient, il défile à l'arrière-garde du détachement. « Il avait fort bonne mine ainsi, marchant allègrement, tout chargé de son barda de campagne, le petit baudet de Flandre, et il semblait s'en rendre bien compte à la manière dont il dressait fièrement sa tête narquoise portant, tout au sommet, entre deux oreilles incessamment mouvantes, le pompon de soie écarlate, symbole immortel désormais de l'inoubliable « Épopée » »



 Il poursuit ses « obligations militaires » au 3° dépôt des équipages de la Flotte où « dorénavant pour la vie lui sont assurés bon gîte et copieuse provende ». Il y passe le reste de son existence et y est enterré. L'un de ses fers et ses décorations sont conservés au musée de la Contemporaine.





LA MASCOTTE DU BATAILLON

Recueilli errant et désorienté dans la plaine Wallonne mise à sac par les Barbares Germains, c'est un tout petit âne à la robe cendrée, la mine placide, et l'air goguenard, entêté tout juste pour ne pas démentir son origine, ressemblant quant au reste singulièrement à ses congénères de Basse-Bretagne.

Pour cette affinité évocatrice, nos « Jean-Gouin » l'avaient adopté avec la joie enfantine des âmes simples. Ils ne tardèrent pas à le faire complètement des leurs en lui décernant des lettres de grande naturalisation, en retour desquelles — j'allais dire « en reconnaissance » — il leur rendit de multiples, de très signalés services. 11 les continue, moins brillants à coup sûr, mais toujours appréciés, au 3° Dépôt des Equipages de la Fotte où dorénavant pour la vie lui sont assuré bon gîte et copieuse provende.




Lorsque, sous la brume lourde d'une fin d'après-midi de décembre 191 5, rentraient à Lorient, — la Brigade dissoute, — nos épiques fusiliers-marins, ce ne fut certes pas le moindre attrait pour la foule sympathiquement massée le long des contre-allées du Cours Chazelles,— et débordant même la Chaussée — que de voir le petit âne défiler à l'arrière-garde du détachement, escorté de rudes poilus aux capotes décolorées et déchiquetées, toutes couvertes de boue et pour beaucoup tachetées en maints endroits de leur propre sang.



Il avait fort bonne mine ainsi, marchant allègrement, tout chargé de son barda de campagne, le petit baudet de Flandre, et il semblait s'en rendre bien compte à la manière dont il dressait fièrement sa tête narquoise portant, tout au sommet, entre deux oreilles incessamment mouvantes, le pompon de soie écarlate, symbole immortel désormais de l'inoubliable « Epopée ».

A présent encore qu'il est reposé, « Dixmude » (c'est le nom suggestif dont l ont baptisé nos cols bleus) continue de remplir consciencieusement les obligations militaires dont il a charge.




Obligations peu lourdes, à vrai dire, et ne consistant en somme qu'à faire, une ou deux fois par jour, attelé à une minuscule charrette — avec toujours cette mine haute et ce pompon de tête qui rougeoie au ciel clair et frissonne à la brise — le trajet de l'arsenal à la gare. et retour. A l'aller, il traîne d'ordinaire des sacs de marins permissiennaires ou partant pour le front : il s'en revient chargé de force ballots de tabac pour la plus grande joie de ses « camarades ».

Car il est bien leur camarade, sûr et fidèle à ces héroïques grands enfants de Bretagne, cet humble commensal, ce modeste auxiliaire des journées terribles d'octobre-novembre 1914 dans les plaines de l'Yser. Ces journées, il les a vécues, il les a souffertes avec eux. Aussi est-ce à très bon droit que l'unanimité des suffrages de ses compagnons de gloire lui ont décerné l'honneur de prendre rang pour jamais dans la splendide, dans l'« Unique » légion des « Demoiselles aux Pompons Rouges ».


Le cimetière de Dixmude (octobre-novembre 1914) : Récit d'un fusilier-marin / Paul Broise ; préface de Ch. Le Goffic

Sources

BnF Gallica


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