14 avril 2021

Le croiseur Suchet et l'éruption de la Montagne Pelé Martinique 1902

Le croiseur Suchet 

et l'éruption de la Montagne Pelé Martinique 1902




» Le littoral paraissait désert ; sur la mer rien ne surnageait que des épaves. La chaleur rayonnante, dégagée par cet immense brasier, empêcha le bateau d'avancer et il rentra à Fort-de-France, à une heure de l'après-midi, rapportant la sinistre nouvelle »


Le gouverneur intérimaire de la Martinique indique, dans la suite de son rapport, quel fut le rôle du Suchet et comment, avec un dévouement au-dessus de tout éloge, il s'employa à sauver les malheureuses victimes que le cataclysme avait épargnées. Nour avons eu, par les courts télégrammes du commandant du Suchet, combien d'efforts avaient été tentés et ce à quoi ils avaient abouti.





 Un autre rapport officiel est celui qu'envoya au ministre de la marine le capitaine de frégate Le Bris, commandant du Suchet. Nous avons sous les yeux quelques extraits de ce rapport et nous les citons :


« Le désastre s'est produit à 7 heures 50, d'après l'heure indiquée par l'horloge de l'hôpital qui s'est arrêtée à ce moment et existe encore.



» Le phénomène a été foudroyant et peut être comparé à ce qui aurait été produit par de gigantesques canons pointés sur la ville de Saint-Pierre, lançant avec une violence inouïe des matières enflammées. En un instant, la ville était en flammes. Tous les habitants meurent par le feu et l'asphyxie. Des navires sont chavirés et incendiés, tous les mâts cassés au ras des ponts.

» Le gouverneur et Mme Mouttet, le lieutenant-colonel Gerbault et sa femme, venus la veille de Fort-de-France, sont parmi les victimes, ainsi que quelques autres fonctionnaires de Fort-de-France.


 

» La veille, le gouverneur m'avait demandé de me trouver à SaintPierre, avec le Suchet, à sept heures du matin, pour être à sa disposition. Quelques mesures à prendre dans les machines et dans les chaufferies, la veille de mon départ pour la Havane, ne m'avait pas permis de donner satisfaction à sa demande. Je ne pus allumer les feux qu'à huit heures. Sans cette circonstance, le Suchet se serait trouvé à Saint-Pierre, au moment de la catastrophe et aurait subi le sort des autres navires.


» J'ai appareillé aussitôt qu'il a été possible, sans connaître le désastre, mais très inquiet par l'apparence de l'éruption et par la pluie de terre durcie survenue à Fort-de-France, à huit heures quinze environ. Dans le trajet, j'ai été averti par un petit vapeur que Saint-Pierre était en feu ainsi que les navires sur rade.

 » En arrivant devant la ville, je me suis rendu compte immédiatement qu'il n'y avait rien à faire dans cet immense brasier. J'ai fait sauver

les quelques survivants qui se trouvaient à bord du vapeur anglais Roraïma, sur les épaves et à terre. Ces derniers provenaient également des navires.

» Tous étaient plus ou moins brûlés et quelques-uns sont morts dans le trajet. J'ai aussi ramené les blessés de l'extrémité du village du Carbet qui seul a été atteint. Je suis revenu à Fort-de-France le samedi 10, au matin et, après le débarquement des vivres, je me suis rendu à Saint-Pierre, où j'ai voulu me rendre compte immédiatement de la situation.

» J'ai envoyé à terre quatre escouades avec des ouvriers et j'ai exploré moi-même la ville avec l'une d'elles. J'ai acquis la Certitude que pas un être vivant ne pouvait exister.

» Ensuite, j'ai remonté la côte jusqu'au port du Prêcheur, dont la population était très menacée. Il y avait déjà eu quatre cents personnes eniron tuées par la lave. Nous avons commencé le sauvetage, jusqu'à la nuit et nous avons ramené, sur le Suchet, le Pouyer-Quertier et un petit vapeur, environ mille personnes.


» Hier matin, je suis retourné avec le Pouyer-Quertier et le croiseur danois Valkyrien, dont le commandant a bien voulu me prêter un secours qui m'a été des plus précieux.

» A trois heures de l'après-midi, nous avons pu revenir sur Fort-deFrance, après avoir embarqué le reste de la population, deux mille quatre cents personnes environ. Le Suchet devait en avoir près de douze cents à lui seul.


» Le volcan est toujours d'une activité effrayante. Il lance des colonnes de fumée noire à des hauteurs considérables et l'on ne saurait prévoir ce qui peut encore arriver. »


Fort- de-France, 25 mai.

Cent trente corps parmi lesquels se trouvaient sans doute un grand nombre de personnes qui avaient été tuées pendant qu'elles se livraient au pillage, ont été brûlés hier.

Des ouvriers annoncent que la montagne Pelée est fendue du sommet à la base par une énorme fissure qui mesure trois cents mètres de longs.

Il y a suffisamment de provisions ici pour faire face à toute éventualité imprévue.

On prétend que les gouvernements qui ont envoyé des secours seront priés de cesses envois à partir d'aujourd'hui. New-York, 25 mai.


Les savants qui son partis d'ici, pour la Martinique, avouent que l'éruption du mont Pelé est unique et d'un intérêt très grand pour les experts.

L'analyse des débris, ne sont en aucune façon composés de lave, explique pourquoi les aiguilles des boussoles des navires se sont comportées si étrangement en pleine mer. Soixante seize pour cent de la matière tombée était magnétique, y compris 5 010 d'aimant, le minerai le plus magnétique connu.

Les phénomènes électriques sont aussi importants et intéressants. Les effets gazeux sont attribués à la vapeur sèche surchauffée. Les savants dirent que le mont Pelé est un volcan d'explosion et non un volcan d'éruption, et que les explosions sont progressivement plus violentes à des intervalles plns longs.

Nous sommes dans une période de repos qui peut durer, ou bien se terminer par un désastre pire que celui du 20 courant, lequel a dépassé celui du8, qui, à son tour, était pire que celui du 5 mai.

Les steamers Versais et Ville-deTanger sont partis aujourd'hui de Fortde- France, chargés de réfugiés, et ne pouvant embarquer tous ceux qui le désiraient.

La population qui n'a pu s'embarquer s'est réfugiée sur le point le plus éloigné du mont Pelé.

Sources


La Dépêche coloniale illustrée 

BnF Gallica

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