05 juillet 2019

Sous-Marin Minerve Campagne de Recherche 2019

Sous-Marin Minerve  Campagne de Recherche 2019




Après une première séquence de courte durée en février, la phase principale de la nouvelle campagne de recherche du sous-marin Minerve, disparu le 27 janvier 1968 au large de Toulon, a débuté hier. Jusqu’au 13 juillet, l’Antea, navire de l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD), met en œuvre un drone sous-marin Astérix de l’Ifremer chargé de rechercher des anomalies sur le fond marin, à environ 2300 mètres sous la surface de l’eau. Cela, dans une nouvelle zone de recherche située un peu plus au large. Elle a été établie ces derniers mois sur la base d’éléments complémentaires, la reprise des calculs de l’époque et l’analyse de l’ensemble par des équipes du CEA, du Shom et de la marine.




L'Antea (© MER ET MARINE - JEAN-LOUIS VENNE)

Détermination mais prudence

Pour mémoire, c’est en 2018 que Florence Parly, ministre des Armées, a accédé au vœu des familles des 52 marins disparus dans le naufrage de la Minerve de relancer les recherches. Une décision prise 50 ans après les faits en raison des évolutions technologiques, qui ont rendu de telles investigations plus efficaces, et de l’expérience de la perte du sous-marin San Juan, retrouvé en novembre dernier à 450 kilomètres de côtes argentines et 900 mètres de profondeur, un an après son naufrage. Le ministère et la Marine nationale estiment donc avoir de bonnes chances de retrouver des traces de la Minerve. Ils se disent « déterminés » mais demeurent « prudents » et « humbles » car, malgré les progrès techniques, les recherches par grande profondeur restent très difficiles et sans certitude. Le San Juan l’a d‘ailleurs démontré puisque les drones sont passés quatre fois au-dessus de ses débris avant de finalement les détecter au cinquième passage. Comme le San Juan, la coque du sous-marin français a implosé une fois sa profondeur maximale d’immersion atteinte, provoquant une dispersion plus ou moins importante de débris.



Le cas du San Juan (© DR)

Dans le cas de la Minerve, il faut en plus composer avec le temps, qui a pu recouvrir une partie des vestiges. Et comme aucune trace du bâtiment français n’a été retrouvée à l’époque, se posait aussi la question de la pertinence de la zone de recherche.


Les enseignements de la première campagne en février


En avance de la campagne principale, prévue dès le départ cet été, au moment où les conditions météo sont généralement les plus favorables, une première séquence de recherche s’est donc déroulée en février. La marine a en effet profité du fait que le navire océanographique Pourquoi Pas ? était disponible et que le sous-marin de recherche Nautile, sorti peu avant de grand carénage, devait réaliser des essais par grands fonds. Pendant quelques jours, ces moyens ont donc été déployés dans le secteur considéré comme le celui où les probabilités de découvrir quelque chose étaient les plus importantes. Alors que le Pourquoi Pas ? a employé son sondeur multifaisceaux conçu pour l’étude des grands fonds, l’un des deux drones Astérix de l’Ifremer a également été employé, le Nautile devant en cas de contact intéressant aller investiguer en visuel pour identifier ce contact. Cette première campagne a servi à optimiser le réglage des différents matériels employés, mais a aussi apporté des enseignements. D’abord, le fond dans cette zone de recherche est constitué de sable très dur, sur lequel les objets métalliques trouvés, y compris ceux qui y sont depuis longtemps, ne s’enfoncent pas et ne sont pas recouverts. Par ailleurs, cette opération a démontré la réelle nécessité de disposer de moyens de sondage combinés à une identification visuelle. Car dans un certain nombre de cas, plusieurs irrégularités relevées par le drone et qui étaient initialement interprétées comme de possibles débris du sous-marin se sont révélées suite au passage du Nautile être des rochers.




Le capitaine de frégate Thomas faisant le point sur les travaux menés ces derniers mois (© MER ET MARINE - FRANCIS JACQUOT)

Reprise des éléments de l’époque et des travaux du professeur Rocard

Entretemps, les recherches se sont poursuivies à terre grâce notamment à l’implication du capitaine de frégate Thomas, un ancien commandant de sous-marin nucléaire d’attaque qui a consacré du temps à fouiller au Service Historique de la Défense et à Toulon les archives et le dossier d’enquête sur la disparition de la Minerve. Il en a ressorti tous les éléments intéressants relatifs à la localisation de l’épave. Une position estimée avait été déterminée au moment des faits en fonction de différentes sources, qui ont été reprises avec les moyens d’aujourd’hui. C’est le cas notamment des données sismiques recueillies par les stations de mesure du sud de la France lorsque le sous-marin a implosé le 27 janvier 1968. C’est le professeur Rocard qui avait travaillé sur le sujet à l’époque. Ses travaux ont été retrouvés et repris via un calculateur moderne, amenant à faire émerger une zone en forme d’ellipse. Cela a été doublé par une étude des enregistrements effectués à l’époque, qui ont par chance été conservés. Le CEA a, sur cette base, repris les travaux à zéro et analysé les données grâce à la puissance de l’informatique. Un outil dont ne disposaient pas les scientifiques il y a 50 ans et qui permet, en plus d’analyser le signal primaire, de décortiquer également ses altérations qui constituent des informations précieuses pour la localisation d’un évènement sismique. Les résultats ont amené le CEA à réduire la zone probable du naufrage à un carré de 10 nautiques de côté.





L'ellipse, le carré du CEA et les boites T65 et T66 (© MER ET MARINE - FRANCIS JACQUOT)

Les boites et le dernier contact avec l’avion de patrouille maritime

A ces éléments s’ajoutent d’autres informations connues. D’abord, le fait que, pour éviter les collisions entre sous-marins, les militaires divisent la mer en « boites », zones dans lesquelles les bâtiments savent qu’ils évoluent seuls. L’ellipse comprend deux boites de cette époque (les secteurs ont aujourd’hui changé), dont la T65, qui avait été attribuée à la Minerve pour l’exercice qu’elle devait conduire le jour de sa disparition. S’y ajoute la T66 constituant une autre zone d’exercice à proximité et vide ce jour-là.

Dans le même temps, il y a les éléments factuels. Avant de sombrer peu avant 8 heures du matin, la Minerve était passée 6 heures plus tôt à Toulon pour débarquer un officier, puis était repartie en mer. On peut dès lors calculer une distance franchissable maximale depuis la base navale varoise à partir du comportement classique d’un sous-marin diesel de ce type, qui évolue à environ 4.5 nœuds. C’est l’arc de cercle rose en pointillés de la vue ci-dessus. Mais on a une idée beaucoup plus précise du secteur où se trouvait le sous-marin peu avant le drame. Car il y a eu moins d’une demi-heure avant l’accident un dernier contact radio entre la Minerve et un avion de patrouille maritime. Il était 7H35. Par goniométrie il a donc été possible de déterminer le « datum », c’est-à-dire la dernière position connue du bâtiment.

De là, les marins ont fait preuve de logique, la Minerve étant partie pour rejoindre la boite qui lui avait été attribuée pour l’exercice. Les différentes inflexions possibles de sa route pour y parvenir forment un cône s’étendant vers le nord-ouest.



Des explications sur l’étonnante position des indices en surface

Enfin, des réponses ont pu être apportées concernant les nombreuses questions que les marins se sont posés au moment des recherches, qui avaient vu dans les jours qui suivirent le naufrage la découverte de traces de gasoil et d’huile en surface, mais pas là où on les attendait. Ces « indices surfaciques » étaient en effet apparus au nord de la boite T65, alors que le fort Mistral soufflant à l’époque aurait dû les pousser vers le sud. Ce qui avait tendance à faire penser que le sous-marin avait coulé plus près qu’on le pensait des côtes. Des explications à cette incohérence sont maintenant possibles. Depuis une dizaine d’années, le Service hydrographique et océanographique de la marine (Shom) dispose de capteurs qui permettent de mesurer les courants au-delà de 400 mètres de profondeur. Or, les données recueillies ont permis de démontrer qu’il y avait dans ces grandes profondeurs des courants pouvant être relativement importants vers le nord et l’ouest. L’expérience du récent naufrage du Grande America par 4600 mètres de fond dans le golfe de Gascogne est aussi venue conforter ces données. Il a en effet été possible de constater que la pollution s’échappant de l’épave pouvait mettre plus de 24 heures à remonter à la surface, avec une dérive importante par rapport à la coque liée probablement à ces courants de grande profondeur.

Une zone de probabilité plus forte apparait plus au sud

Au final, la mise bout à bout de tous ces indices et nouvelles recherches a permis de déterminer une nouvelle zone de recherche.







Elle est déterminée par la superposition entre le carré sismique du CEA (zones 1, 2 et 3) et la zone (4) intégrant la dernière position connue du sous-marin après son dernier contact avec l’avion de patrouille maritime et son évolution possible (cône bleu). S’y ajoute la zone 5, qui intègre notamment la T65 et les indices surfaciques (rond rouge en pointillé), et où a été menée la campagne du mois de février. Or, en recoupant toutes ces zones, il apparait que celle cumulant toutes les autres constitue le carré numéro 1, situé plus au sud, et donc plus au large, que le secteur auparavant privilégié. Ce carré devient aujourd’hui celui où les probabilités de retrouver l’épave de la Minerve semblent les plus fortes, et c’est là que les moyens de recherche vont être d’abord concentrés. S’ils ne trouvent rien, les investigations s’étendront à la seconde zone concernée par le plus grand nombre d’indices, le carré n°2, puis le 3, le 4 et enfin le 5.

C’est donc là, dans le carré n°1, que débute la campagne estivale de recherche de l’épave de la Minerve.





Un drone Astérix (© IFREMER)

Collecte de données par un drone Astérix

Hier matin, l’Astérix a effectué sa première plongée depuis l’Antea. Equipé d’un sondeur multifaisceaux à très haute résolution (200 à 400 kHz), ce drone sous-marin capable d’évoluer jusqu’à 2850 mètres sous la surface navigue à seulement 50 mètres du fond, ce qui offre une résolution d’image de l’ordre d’1 mètre. En cas de contact intéressant, il peut refaire une passe à une vingtaine de mètres seulement du fond, avec cette fois une précision décimétrique. Validée lors de la campagne de février, sa capacité de sondage est de 10 km² par jour. Si évidemment la météo le permet, ce facteur étant surtout sensible pour le lancement et la récupération du drone. Celui-ci est donc déployé le matin, travaille une dizaine d’heures puis est récupéré par son bateau-mère, à bord duquel les données recueillies sont alors déchargées puis commencent à être exploitées. Pendant la nuit, la batterie du drone est rechargée et il peut repartir en mission le lendemain matin, et ainsi de suite, avec rapidement suffisamment de données traitées pour affiner les recherches et adapter le paterne programmé de l’engin.




Appel d’offres pour une seconde phase estivale

L’Antea et le drone Astérix travailleront ainsi jusqu’au 13 juillet. Puis, en raison probablement des contraintes de disponibilité des moyens étatiques durant la période souhaitée, et du fait que le ministère des Armées a décidé de mettre toutes les chances de son côté, un budget a été dégagé pour poursuivre les recherches au cours de l’été avec d’autres moyens. Un appel d’offres a été lancé en ce sens pour la mise à disposition d’une capacité de recherche et d’identification. Le lauréat devrait être connu très prochainement.
Mer et Marine

Marine nationale

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