De la naissance des préfets maritimes
Si l'on en croit Chateaubriand, le corps de la marine à partir de 1789 est soit en émigration, soit sur l'échafaud. Dans les Mémoires d'Outre-Tombe on lit : «Ce corps de la marine, si méritant, si illustre, ces compagnons des Suffren, des Lamothe-Piquet, des Du Couëdic, des d'Estaing, échappés aux coups de l'ennemi, devaient tomber sous ceux des Français».
En 1789, le corps de la marine royale - 1700 officiers et élèves - est instruit. Des établissements scolaires lui sont propres, depuis Colbert. L'officier de vaisseau sait l'Anglais et son «Bezout», lit les philosophes, écrit, publie, siège à l'Académie de Marine, connaît les institutions anglaises et américaines. C'est le Français d'Ancien Régime qui a le plus voyagé et comparé mœurs, coutumes, usages (au Canada, aux Antilles, au Maroc, à Boston, en Inde). Compétent, sorti victorieux de la guerre d'Indépendance, pétri de l'esprit des Lumières, l'officier va confiant au-devant des idées nouvelles, des Droits de l'Homme et du Citoyen, siège aux Etats-Généraux, collabore au système métrique.
Peu d'officiers s'engagent dans une Révolution qui les guillotinera. Un peu plus s'engagent dans une contre-révolution qui leur coûtera aussi la vie, à Toulon, en Vendée, en Bretagne ; une centaine à Quiberon en 1795. La plupart se réfugient dans une émigration qu'ils redoutent (plus de toit, plus de solde), donc tardive (à partir de 1792).
Amiral Bruno Nielly préfet maritime de la Manche à Cherbourg (2011-2013) et l'amiral Arata ancien commandant de l'arrondissement maritime de Lorient (1988) photo JM Bergougniou
Le Premier Consul entreprend la rénovation de la marine. Il crée la section de la marine au Conseil d'Etat, et un magnifique appareil administratif, industriel et militaire: les Préfectures maritimes. C'est une création qui est son oeuvre personnelle, car il a rencontré des oppositions qui n'étaient pas pour lui sans valeur, celles de ses propres conseillers. Il essaiera aussi de vivifier les cadres en les rajeunissant et en désignant aux plus hauts postes les hommes qu'il a personnellement connus.
Un arrêté du 7 floréal an VIII fixe les nouvelles règles pour la Marine.
Napoléon à Cherbourg photo JM Bergougniou |
Napoléon avait été destiné à la carrière maritime, puisque dès Brienne, le Chevalier de Keralio, inspecteur des Ecoles Militaires du Roi, discernant chez le jeune élève » une étincelle qu'on ne saurait négliger » voyait en lui un futur » excellent marin » et le recommandait à ce titre pour l'Ecole de Paris.
Dans la logique de la création des préfets départementaux, la fonction de Préfet maritime est créée pendant le Consulat le 27 avril 1800 par un arrêté des consuls en date du 7 floréal an VIII 8 portant règlement sur l'organisation de la Marine. Seul correspondant du ministre de la Marine, il est chargé de la direction des services de l'arsenal et de la « sûreté des ports, de la protection des côtes, de l'inspection de la rade, et des bâtiments qui y sont mouillés ».
L'Arrêté 8 décompose le territoire maritime en six arrondissements, fixe les chefs-lieux associés, et précise la nomination d'un préfet maritime pour chaque arrondissement en fixant son lieu de résidence au chef-lieu :
« Le premier arrondissement comprend les ports et côtes de la Manche depuis la frontière de la république batave jusqu'à Dunkerque inclusivement : le chef-lieu en sera déterminé par une disposition particulière. » (ce sera Dunkerque, puis Boulogne).
« Le second arrondissement comprend les ports et côtes de la Manche depuis Dunkerque exclusivement jusqu'à Cherbourg inclusivement : il aura le port du Havre pour chef-lieu. »
« Le troisième arrondissement comprendra les ports et côtes de l'Océan, depuis Cherbourg exclusivement jusqu'à Quimper inclusivement, et les îles adjacentes : Il aura le port de Brest pour chef-lieu. »
« Le quatrième arrondissement comprendre les ports et côtes, depuis Quimper exclusivement jusqu'à la rive gauche de la Loire : il aura le port de Lorient pour chef-lieu. »
« Le cinquième arrondissement comprendra les ports et côtes de l'Océan, depuis la rive gauche de la Loire jusqu'à la frontière d'Espagne, et les îles adjacentes : il aura le port de Rochefort pour chef-lieu. »
« Le sixième arrondissement comprendra les ports et côtes de France sur la Méditerranée, les îles adjacentes et l'île de Corse : il aura le port de Toulon pour chef lieu. »
L'arrêté 9 du 20 juillet 1800 (1er thermidor an VIII) nomme les 6 premiers préfets maritimes :
Quelques préfets Maritimes
Caffarelli, conseiller d'état, nommé préfet maritime à Brest
Le 1er thermidor an VIII, Caffarelli se rendit à Brest avec le titre de préfet maritime, et y demeura pendant neuf ans, après lesquels il fut nommé membre du conseil de la marine. Il y réorganise complètement l'arsenal et les services jusqu'en 1810, dont notamment le service de l'inscription maritime et celui des approvisionnements de la flotte
Vence, contre-amiral, nommé à Toulon
Après le coup d'État du 18 fructidor an V, Vence est nommé commandant des armes à Toulon ; en cette capacité il a à charge la préparation de la grande Flotte et de l'escadre de Brueys qui conduit la campagne d’Égypte, en concert avec Najac, ordonnateur de la Marine de Toulon, et au côté de Bonaparte. Durant son séjour à Toulon pour les préparatifs, Vence reçoit chaque jour la visite de Bonaparte dans son cabinet de travail et l'ardeur des discussions est parfois tempérée par la présence de la jeune fille de Vence à laquelle Bonaparte témoigne beaucoup de tendresse.
Le Consulat le nomme préfet maritime le 20 juillet 1800, toujours à Toulon, dès la création de cette institution. Il continue à maintenir la correspondance avec les troupes d'Égypte. Il veille à la formation de l'escadre de secours que constituait Ganteaume à destination initiale des Côte des Barbaresques ainsi que celle de l'amiral Linois et de l'adjudant général Pierre Devaux pour la Bataille d'Algésiras, où le 6 juillet 1801, la marine française prend sur ses vainqueurs d'Aboukir une si fière revanche. Durant ses fonctions à Toulon, il participe à l'affaiblissement de la course barbaresque en Méditerranée.
Redon de Beaupréau, conseiller d'état, à Lorient
Ancien administrateur expérimenté et favorable au 18 brumaire, il est nommé conseiller d'Étatattaché à la section de la marine, puis président du conseil des prises en germinal an VIII (4 avril 1800). Il y défend la course, comme conforme à l'esprit d'aventure des Français.
Il devient Préfet maritime de Lorient le 20 juillet 1800.
Légionnaire le 25 prairial an XII puis Commandeur de la Légion d'honneur (14 juin 1804), il rentre l'année suivante au conseil d'État
Ancien administrateur expérimenté et favorable au 18 brumaire, il est nommé conseiller d'Étatattaché à la section de la marine, puis président du conseil des prises en germinal an VIII (4 avril 1800). Il y défend la course, comme conforme à l'esprit d'aventure des Français.
Il devient Préfet maritime de Lorient le 20 juillet 1800.
Légionnaire le 25 prairial an XII puis Commandeur de la Légion d'honneur (14 juin 1804), il rentre l'année suivante au conseil d'État
Martin, contre-amiral, nommé à Rochefort
Sa famille installée au Canada doit se réfugier en France en 1759 à Rochefort après la prise de Louisbourg lors de la guerre de Sept Ans. Il est d’abord mousse sur la flûte Le Saint Esprit de la marine royale. Après cette première expérience, il suit une formation à l’école d’hydrographie et devient pilotin en 1769 et navigue à destination de l'océan Indien. Aide-pilote, il perd accidentellement un œil lors d’une campagne sur la frégate Terpsichore en 1775.
Il est alors nommé commandant des armes à Rochefort puis préfet maritime à la création de cette fonction en 1801. Il va y demeurer jusqu’à 1809. À la mort de Latouche Tréville, en 1804, nombre de capitaines et d’officiers demandent qu’il soit nommé pour lui succéder au poste de commandant de la flotte de la Méditerranée.
Nielly, contre-amiral, nommé à Anvers
D'un père officier, il devient mousse à 7 ans sur le vaisseau le Formidable et reçoit sa première blessure de guerre à 8 ans, lors de la bataille dite des Cardinaux (novembre 1759). Il navigue aux Antilles jusqu’à 1769 puis rejoint la marine de commerce.
Bertin, ordonnateur, nommé au Havre. La préfecture maritime sera transférée du Havre à Cherbourg.
Bertin est un haut fonctionnaire civil au Ministère de la Marine. Dans cette période révolutionnaire des fonctions changent souvent de nom. Vers 1792, il est ordonnateur à la suite de l'armée navale en Méditerranée, notamment en 1793 à bord du Tonnant
À sa mutation comme chef du port de Toulon, le 12 juillet 1798, le nom de la fonction change en ordonnateur. Bertin sera le dernier ordonnateur du port de Toulon, puisque Napoléon change in avril 1800 la fonction en préfet maritime et choisit comme premiers préfets maritimes trois contre-amiraux, deux conseillers d'Etat et un ordonnateur : Bertin, qui, quittant Toulon, devient le premier préfet maritime du Havre
Sources :
Marine et Révolution. Les officiers de 1789 et leur devenir Michel Vergé-Franceschi
https://www.letelegramme.fr/ar/viewarticle1024.php?aaaammjj=20000617&article=1264414&type=ar
https://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/articles/napoleon-et-la-marine/
Sources :
Marine et Révolution. Les officiers de 1789 et leur devenir Michel Vergé-Franceschi
https://www.letelegramme.fr/ar/viewarticle1024.php?aaaammjj=20000617&article=1264414&type=ar
https://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/articles/napoleon-et-la-marine/
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