quand LE REDOUTABLE allait devenir le ROUDOUDOU
En 20 ans de service, le Redoutable a effectué 51 patrouilles, 3.469 journées en mer, et 83.500heures de plongée. « Le Redoutable, d’un point de vue stratégique, c’est l’assurance-vie de la France », rappelle le contre-amiral Dominique Salles, qui préside l’Agasm, l’amicale des anciens sous-mariniers. Le bâtiment avait aussi un gabarit permettant à chaque membre d’équipage d’avoir son propre couchage. (Photos DCNS, Didier Saulnier/MaxPPP et Anne-Cécile Juillet)
Il y a 50 ans aujourd’hui, le général de Gaulle lançait, à Cherbourg (Manche), la mise à l’eau du premier sous-marin nucléaire lanceur d’engins français, le Redoutable. Une « extraordinaire » aventure technologique et humaine pour de nombreux marins. Quelques-uns, anciens du « Roudoudou », nous ont livré leurs souvenirs.
« Les Américains pensaient qu’on n’y arriverait pas. Eh bien si, on l’a fait ! » L’amiral Bernard Louzeau, 87 ans aujourd’hui, n’est pas peu fier. Il a été le premier « pacha » du Redoutable (pour finir chef d’état-major de la Marine), et a suivi chacune des étapes de celui qui ne s’est appelé, pendant un temps, qu’avec le nom de coque « Q252 ». Lorsqu’il retrace ce que fut ce projet fou, « lancé sous la quatrième République et poursuivi par De Gaulle », pas de place à l’approximation. « On avait réussi le miracle, impossible n’est pas français ! ».
Triade nucléaire
La mise à l’eau du Redoutable, le 29 mars 1967, à Cherbourg, a marqué l’Histoire du pays. La dissuasion nucléaire française trouvait son troisième point d’ancrage : après les airs et la terre, des sous-marins propulsés à l’énergie nucléaire pouvaient, à leur tour, lancer des missiles, depuis n’importe quel endroit du globe, en toute discrétion. Installé à Brest, le contre-amiral Dominique Salles préside l’Agasm, l’amicale des anciens sous-mariniers. Lui aussi passé sur le Redoutable, il est aujourd’hui à Cherbourg, pour célébrer le premier des SNLE français. « Il faut comprendre que le Redoutable, d’un point de vue stratégique, c’est l’assurance-vie de la France, détaille-t-il. D’un point de vue de la vie à bord, ça changeait du tout au tout avec les classiques ! »
Le gabarit passe de 1.200 tonnes pour les « petits » sous-marins à non loin de 10.000 tonnes pour le « Roudoudou ». « Fini la bannette chaude ! », se souvient Patrick Deleury, qui a embarqué comme simple quartier-maître lors de la première patrouille, partie en 1972 après cinq années d’essais. « C’est-à-dire qu’à bord, tout le monde avait droit à son propre couchage, ce qui changeait des précédents. Il y avait aussi davantage de confort d’un point de vue sanitaire, et les repas aussi étaient d’une grande qualité, ce qui est indispensable quand on sait à quel point cela soude l’équipage et marque le moral ! » Patrick aura passé plus de 15.000heures sous les mers, lors de sa carrière mais, pour lui, c’est certain : « Le Redoutable a marqué ma vie ».
Rage de dents et appendicite
Daniel Cherry aussi n’avait pas vingt ans lorsqu’il a embarqué à bord, en tant que simple matelot. « Certes, il y a eu le lancement, en 1967, mais les cinq années qui ont suivi ont été très importantes. Lors d’une des premières plongées, j’ai eu l’honneur d’inaugurer la table du dentiste, à bord ! J’avais mal à une dent, il fallait que le médecin du bord me l’arrache, je me suis installé sur le siège du patient alors qu’il était encore enrobé de son papier protecteur ! Et l’opération a eu lieu, à cent mètres sous les mers. » Un de ses camarades, lui, a même été opéré de l’appendicite à bord, lors de la toute première patrouille officielle du Redoutable, entre janvier et mars1972.
Écrire l’Histoire en démarrant d’une page blanche
L'amiral Bruno Nielly et l'amiral Claude Arata ( c) photo JM Bergougniou |
Des anecdotes qui jalonnent les esprits de ces anciens, tout autant que le formidable challenge technique qu’il fallait relever. « Le pacha, qui ne partait de rien, a dû former un équipage, trouver les meilleurs cadres, les former à l’école atomique, écrire l’Histoire en démarrant d’une page blanche », se souvient Claude Arata, jeune lieutenant de vaisseau à l’époque (avant de finir amiral et d’avoir commandé l’Île Longue). C’est lui qui a « eu l’honneur » de lancer le réacteur nucléaire pour la première fois, et de l’arrêter, définitivement, au début des années 90, avant que le Redoutable ne renaisse, autrement. « Même les anciens n’y croyaient pas, mais nous, on a eu confiance, on a bossé, et ça a marché ! ».
ANNE-CÉCILE JUILLET
Avancement de l'amiral ARATA
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