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03 mai 2018

Sosthène Camille Mortenol

Sosthène Camille Mortenol

Je reviens sur le timbre émis en hommage à Sosthène Camille Mortenol car je trouve que la place qui lui a été réservée en ce centenaire de la fin de la guerre de 14-18 est encore trop étroite. 

Fils d’un esclave affranchi de la Guadeloupe, Camille Mortenol va entrer à Polytechnique et faire carrière dans la Marine comme officier de marine. Un fait rarissime pour un homme de sa condition et de sa couleur dans la France de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Mais qui était finalement Sosthène Héliodore Camille Mortenol ?





Après l’école communale tenue par les Frères de Ploërmel, Camille Mortenol entre au séminaire-collège diocésain de Basse-Terre. L’élève est brillant. Ses prédispositions pour les mathématiques ne passent pas inaperçues et lui valent même d’être remarqué par Victor Schœlcher. Ce dernier devient même son mentor. Il lui apporte son soutien et lui obtient une bourse pour suivre des études secondaires qu’il mènera au lycée Montaigne à Bordeaux. Baccalauréat en poche, il prépare en novembre 1880 le concours d’entrée à l’école Polytechnique où il est reçu haut la main : 19e sur 209, promotion X1880. Sa couleur de peau, autant que ses capacités intellectuelles, étonnent, détonnent dans une société alors très compartimentée.



Son amitié avec Schœlcher, son mentor et protecteur, lui est précieuse. Ce sont pourtant grâce à ses compétences et à ses mérites que Mortenol va s’élever dans la hiérarchie militaire. Pourquoi s’engage-t-il dans la Marine ? Par goût du large ? Ou tout simplement par goût du défi, tant la Marine est alors une armée de tradition plutôt aristocratique et élitiste ? Ou est-ce tout simplement son père, esclave affranchi devenu maître voilier à Pointe-à-Pitre qui a influencé ce choix ? Une certitude : il va épouser pleinement le métier d’officier de marine. Il naviguera sur tous les océans du monde. Affecté au corps expéditionnaire, il participe en 1894 à la conquête de Madagascar. Au côté du général Galliéni chargé de la « pacification » de Madagascar, il participe à plusieurs combats terrestres. Des faits d’armes qui lui vaudront d’être fait chevalier de la Légion d’honneur en août 1895.


Il participera ensuite à plusieurs campagnes menées par la France dans le cadre de sa politique coloniale, à Madagascar une seconde fois de 1896 à 1898, puis à Ogoue au Gabon en 1901. Mortenol s’est en effet spécialisé entre-temps en suivant une formation sur l’Algésira, un vaisseau-école des torpilles. Brevet de torpilleur en poche, il se distingue dans ce domaine. Promu capitaine de frégate en 1904, il sert en Extrême-Orient. Il y assure en 1907 le commandement de la 2e flottille des torpilleurs des mers de Chine méridionale et orientale.


De retour en métropole deux ans plus tard, Camille Mortenol est affecté à Brest où il occupe différents postes à l’état-major, puis celui de commandant de la défense fixe de Brest en 1911. À chacune de ses affectations, il donne entière satisfaction à ses supérieurs. Malgré ses brillants états de service, il ne commandera jamais un navire de premier rang. Il ne pourra, de surcroît, jamais briguer les étoiles malgré ses 33 années de service, dont 25 à la mer. Pourquoi de telles injustices ? Sa couleur de peau et son attitude jugée trop favorable vis-à-vis des « indigènes » pendant ses campagnes coloniales auraient-elles en définitive joué en sa défaveur ? En fidèle serviteur de l’État et homme de principes, il ne s’épanchera jamais sur son cas personnel. La grande guerre va faire basculer son destin.




Début 1915, le gouverneur militaire de Paris, le général Galliéni, le « vrai vainqueur de la bataille de la Marne » fait appel à Mortenol, qu’il a eu sous ses ordres à Madagascar. Il lui confie la direction du service d’aviation maritime du camp retranché de Paris, autrement dit la responsabilité de la défense antiaérienne de Paris. C’est donc à un officier de marine, breveté torpilleur, que la direction de la Défense contre-aéronefs (DCA) du camp retranché de Paris est confiée. Camille Mortenol fait une nouvelle fois étalage de son talent, utilisant notamment des projecteurs de grande puissance pour déceler les avions ennemis et ainsi déjouer leurs attaques meurtrières. En 1917, alors qu’il a atteint l’âge de la retraite, Mortenol est maintenu dans ses fonctions. Il est nommé colonel d’artillerie de réserve. 

Démobilisé en mai 1919, il prend sa retraite qu’il passe à Paris aux côtés de son épouse, la Guyanaise Marie-Louise Vitalo. Une période durant laquelle il s’engage aussi dans le mouvement nègre assimilationniste auprès notamment de Gratien Candace et René Maran. Plus qu’un revirement, voire une radicalisation comme prétendent certains, l’attachement à la République de Mortenol demeure viscéral, ce qui ne l’empêche pas de prodiguer ses conseils aux étudiants africo-antillais-guyanais. En bon disciple de Schœlcher, Camille Mortenol les aidera à décrypter les codes de la bourgeoisie, ainsi qu’à déjouer les pièges et obstacles tendus par les xénophobes ou les racistes. 

Il s’éteint le 22 décembre 1930. Il repose au cimetière de Vaugirard, division 5, au n°320 de la rue Lecourbe à Paris. Aujourd’hui, une rue de Pointe-à-Pitre et une autre du 10e arrondissement de Paris porte le nom de « rue du commandant Mortenol ». 

Sa statue a été édifiée sur les quais du port autonome de Pointe-à-Pitre en Guadeloupe. La mémoire de ce marin est ainsi honorée sur son île natale mais également à Paris. 

En septembre 2014, Camille Mortenol a été choisi avec trois autres soldats pour incarner les héros de la capitale lors des célébrations de commémoration la Grande Guerre. Un hommage lui a été ainsi rendu par l’amiral Bernard Rogel, chef d’état-major de la Marine à l’Hôtel de la Marine. Autant de marques de considération célébrant un fils d’esclave parvenu à se forger un destin, celui d’un « hussard noir de la République », chantre de ses valeurs cardinales : la liberté, l’égalité et la fraternité.
Stéphane Dugast et CC (RC) Edith Rozier-Robin


Sources 

Cols bleus 

13 avril 2018

Sostene Mortenol polytechnique Marine nationale Guadeloupe Pointe à Pitre

Sosthène Mortenol

un marin assure la défense aérienne de Paris

le  14 septembre 2014 j'avais eu l'occasion de parler de Camille Mortenol défenseur de Paris.

http://envelopmer.blogspot.fr/2014/09/camille-mortenol-defenseur-de-paris-en.html

La Poste et la France vont rendre hommage à ce guadeloupéen, polytechnicien et marin.


Fils d’un maître-voilier, esclave affranchi au temps de Schœlcher, et d’une couturière, Sosthène Héliodore Camille MORTENOL naît à Pointe-à-Pitre en 1859. Premier noir entré à l'École polytechnique en 1880, il fait une brillante carrière dans l'artillerie de marine. Sa réussite a une valeur symbolique forte.

Le supérieur des frères de l’Instruction chrétienne de Ploërmel au collège de Pointe-à-Pitre le remarque. Sa famille est poussée à solliciter une bourse pour lui permettre d’aller à Bordeaux terminer ses études. Reçu troisième à Saint-Cyr, Sosthène Mortenol préfère toutefois Polytechnique où il a été admis 19e sur 210. 




Terminant à la 18e place, il choisit de servir dans la Marine. Appel de la mer qu’il voyait quotidiennement, reconnaissance pour son père qui lui avait accordé son plein soutien ? À sa sortie de l’École, il effectue une croisière d’instruction le long des côtes africaines sur l’Alceste, la Jeanne de l’époque. Avec trois camarades il choisit l’artillerie de marine, obtenant les meilleures notes : selon l’amiral major général de la Marine à Brest, « Mortenol s’est montré bien supérieur à ses camarades sous tous les rapports ».

Embarquements


Dès lors commence pour le jeune officier une longue série d’embarquements, d’abord sur le cuirassé Duperré en Méditerranée, puis à Madagascar sur l’aviso Bisson pendant la campagne menée par Gallieni. Revenu en Méditerranée sur une canonnière, nommé sur les côtes africaines, il retrouve à Libreville l’Alceste qui achève une existence bien remplie comme ponton-hôpital. Fatigué par ce séjour, il revoit la Guadeloupe en congé de convalescence ; ce sera sa dernière visite dans son île natale. Il rejoint ensuite l’école des torpilles hébergée à Toulon sur l’Algésiras, puis Cherbourg où il exerce son premier commandement, le torpilleur Dehorter, Toulon de nouveau, Brest comme officier d’artillerie du Jemmapes.


Mortenol est renvoyé à Madagascar d'où il participera à la prise de possession des îles Eparses : Europa Bassas de India, Juan de Nova. En 1900, après un nouveau retour en Méditerranée où il commande cette fois un groupe de torpilleurs, on le trouve au Gabon où il dirige la station locale à bord de l’Alcyon. Il recevra les remerciements de l’Espagne et la médaille de la couronne de Prusse pour avoir porté assistance à des navires en difficulté.





Déceptions


Entre-temps, il a épousé une fille de la Guyane, veuve d’un professeur de mathématiques. Le couple n’aura pas d’enfant et sa femme décédera après dix années de mariage. En 1903, il renouvelle sa demande d’admission à l’École supérieure de Marine qui aurait pu lui valoir les étoiles d’amiral. Candidat n° 1 sur 5 du préfet maritime de Brest avec une appréciation particulièrement élogieuse, son nom ne sera cependant pas retenu par son ministère. Couleur de peau, affaire des fiches du général André, ministre de la Guerre ?

Capitaine de frégate, Mortenol rejoint à deux reprises l’escadre d’Indochine, d’abord comme second du cuirassé Redoutable au moment du désastre infligé à Tsushima par les Japonais à la marine russe, ensuite en qualité de commandant d’une flottille de torpilleurs sur les côtes indochinoises.

Retour en France

À son retour en France, il est promu officier de la Légion d’honneur, capitaine de vaisseau. Nommé à la tête des services maritimes de la défense à Brest, il est également chargé du désarmement du cuirassé Carnot. Tâche peu exaltante alors que la Grande Guerre vient de commencer. Il cherche à s’employer de façon vraiment utile à son pays, d’autant que l’approche de la retraite lui interdit désormais de briguer le commandement d’un grand cuirassé.

À la tête de la défense anti-aérienne de Paris


Dirigeant la défense aérienne de la capitale, le capitaine de vaisseau Prère décède de maladie. Mortenol se porte candidat. Son nom n’est pas inconnu de Gallieni, gouverneur militaire de Paris, qui l’a rencontré à Madagascar et donne son accord. En juillet 1915, il prend ses fonctions au lycée Victor Duruy où siège Gallieni. Comme le rapporte ce jour-là dans son agenda le chef du 3e bureau-Opérations, « …c’est un nègre. On est plutôt surpris de voir ce Noir pourvu de cinq galons et officier de la Légion d’honneur ; il paraît qu’il est très intelligent ; c’est un ancien polytechnicien. »…

Le 7 mars 1917, Mortenol est atteint par la limite de son grade. À la tête du GMP et très satisfait de ses services, Maunoury (X 1867) demande à le conserver. Ministre de la Guerre et bientôt président du Conseil, Paul Painlevé « approuve cette proposition ».

Renforcer les moyens de défense




Lorsqu’il prend ses fonctions, Paris est soumis à des bombardements aériens répétés des fameux Zeppelin, puis par une aviation allemande – Taube, Aviatik – longtemps supérieure à la nôtre.

Mortenol ne peut que constater de sérieuses lacunes matérielles. Les canons anti-aériens sont des 75 qui ne peuvent se redresser qu’à 45°. Rapidement, il s’emploie à améliorer le fonctionnement de son service, à moderniser et à augmenter les moyens dont il dispose. On a installé un modèle expérimental, capable de se redresser à la verticale ; d’autres suivront. Les postes de recherche aérienne ne disposent alors que d’un seul projecteur, de puissance réduite. Mortenol en obtiendra plusieurs, transférés d’autres secteurs ; plus tard, leur puissance éclairante sera renforcée. De même, les transmissions se verront considérablement améliorées, doublées par des lignes de secours.

À l’armistice, Mortenol commande à 10 000 hommes, dispose de 65 projecteurs de grand diamètre, de près de 200 canons réellement adaptés au combat anti-aérien – contre 10 au début de la guerre.

Mieux qu'un exemple, un modèle

Mis à la retraite, Mortenol est promu commandeur de la Légion d’honneur le 16 octobre 1920. Résidant à Paris, il s’engage dans l’association France-Colonies et s’occupe activement du bien-être de ses compatriotes guadeloupéens, en particulier des marins-pêcheurs. Il décède en décembre 1930.

Si une démarche pour le faire entrer au Panthéon en 1937 est restée sans suite, quelques témoignages demeurent : une rue à Paris inaugurée en 1985 par Jacques Chirac ; une statue à Pointe-à-Pitre dévoilée en 1995 ; à Hendaye, une vedette de la Société nationale de sauvetage en mer porte son nom.

Alain Pierret ancien ambassadeur

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